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Tiken Jah Fakoly à Pointe-Noire

La Fête de la musique, le CCF et la politique

Incroyable concert en ce 21 juin 2004, avec Rapha Bounzeki et surtout Tiken Jah Fakoly qui a vraiment mis le feu a une assistance de près de 5000 personnes. La direction du CCF savait-elle ce qu’elle faisait ou a-t-elle été débordée par son invité vedette ? Le fait est que TIken Jah Fakoly, en présence d’invités de marque embarrassés, a fait reprendre des refrains subversifs à l’ensemble de l’assistance.

Tout commence curieusement, le concert prévu à partir de 15 heures est très en retard sur l’horaire, les invités ne sont pas plus là que les artistes. Sur l’esplanade qui reçoit ordinairement des manifestations religieuses, le podium est dressé affichant généreusement le sponsor Celtel, devant une centaine de chaises soigneusement rangées en carré.

Un concert sous haute surveillance ?

A une trentaine de mètres à l’écart un cordon de policiers maintient à bonne distance une foule clairsemée et très sage. Les invités arrivent peu a peu et le public local grandit pendant que la sono passe des disques. Bernard Mesguish, directeur du CCF, tente de voir avec le responsable de la sécurité si le cordon de policiers ne peut être supprimé, il n’obtient que de rapprocher le public d’une dizaine de mètres.

Les invités de marque arrivent : le vice consul de France et quelques officiels du consulat, les maires des quartiers, le directeur départemental de la culture, et l’administrateur maire de la ville par intérim, le maire lui-même se trouvant en mission. D’évidence c’est lui qu’on attendait pour que commence la manifestation par le discours de Bernard Mesguich, que fête de la musique oblige il finit par une chanson, puis par celui du maire qui prétextant un début de grippe nous épargne l’audition de ses talents de chanteur.

Rapha Boundzeki

RAPHA BOUNDZEKI, l’amuseur public

Le groupe de Rapha monte sur scène et nous sert deux ou trois ndombolos avant que Rapha monte sur scène. Rapha jouit d’une immense popularité. Toujours tiré à quatre épingles, "westons aux pieds et cravate autour du cou", ce n’est pas vraiment un chanteur, il a du mal à suivre le rythme et beugle plus qu’il ne chante, ceci ne laisse en rien préjuger de son talent. Rapha qui chante en langue et en français que

Ndombolo

tout le monde sait qu’il maîtrise assez mal, livre des textes où le bon sens dispute avec l’humour. Sa chanson sur les aventures du chauffeur de bus fait se plier de rire l’assistance. Rapha, c’est un peu nouveau est soutenu maintenant par des rythmes ndombolo, c’est un peu dommage, mais la musique là encore n’est pas l’essentiel de sa prestation.

Tiken Jah Fakoly

TIKEN JAH FAKOLY, le reggae subversif

Tiken Jah Fakoly, entouré de musiciens de très grande qualité sert un reggae jazzy de très bonne facture. L’artiste ne tient pas en place et occupe tout l’espace scénique pour le plus grand plaisir des amateurs du genre.

Le soleil décline déjà quand les musiciens de Tiken Jah prennent possession de la scène, 2 jeunes femmes choristes, guitare, basse, clavier, batterie et une section de 3 cuivres. Nous avons droit en entrée a deux titres instrumentaux avant que Tiken Jah ne bondisse sur la scène, tandis que le service d’ordre laisse la communauté rasta de la ville envahir l’avant scène.

La communauté rasta de PNR

Tiken Jah (ivoirien) nous sert tout d’abord deux ou trois titres très dansants en langue, auxquels personne ne comprend quoi que ce soit, puis il demande à ses musiciens de faire silence et interpelle le responsable de la sécurité disant : "Je ne peux pas chanter dans ces conditions aussi éloigné de mon public". Ce dernier n’attendait que ça pour déborder le service d’ordre qui après une mince tentative pour contenir la foule estimée à ce moment là, à près de 5000 personnes, baisse les bras.

Les officiels congolais disparaissent définitivement, tandis que l’artiste passe au français avec des titres très politiques et critiques vis-à-vis des gouvernements africains. "Le balayeur balayé" référence au putsch militaire en Côte d’Ivoire où ceux-ci prirent le pouvoir sous prétexte de faire le ménage dans l’état promettant celui-ci fait de rendre le pouvoir au peuple, sans tenir parole, et qui furent à leur tour chassés par ce même peuple.

Tiken Jah envoie aussi bien ses propres compositions que d’autres plus connues comme "Le pays va mal" qui se transforme très vite en "Le Congo va mal", repris par la foule en délire. "L’Afrique en a marre", et des phrases incroyables à entendre ici comme "Présidents assassins". Le public est déchaîné et la police embarrassée. Bernard Mesguish a le visage décomposé, je ne sais si c’est de fatigue ou par les soucis causés par le show.

Après plus d’une heure de spectacle et de délire populaire, Tiken Jah Fakoly quitte précipitamment la scène entre deux cordons d’uniformes, bondit dans la voiture du CCF et disparaît sans que la presse ne puisse lui poser la moindre question.

Au delà de l’esprit jubilatoire de la soirée, il n’en demeure pas moins qu’on peut dans le contexte congolais se poser de nombreuses questions sur l’opportunité d’une telle action. La police était présente, nul doute que des participants ont été identifiés, pour peu que ce concert déclenche une réaction populaire, comment l’autorité va-t-elle réagir ? L’artiste lui ne risque rien, bien abrité derrière ceux qui l’ont invité, il va reprendre l’avion pour ailleurs sans être inquiété. Si une répression découle, il en portera une grande part de responsabilité.

Site officiel de Tiken Jah Fakoly

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