email

« Où sont les banlieues dans la littérature française » ?

Ce qui est intéressant avec l’hebdomadaire Courrier international c’est qu’il vous donne une vue panoramique de l’actualité, avec des comptes-rendus de la presse étrangère... qui vous concernent de près ou de loin !
Dans le numéro 796 (du 2 au 8 février), il y a un dossier consacré à la France, dossier intitulé : "Des écrivains déconnectés de la réalité".
Le journal suédois Svenska Dagbladet rappelle que les émeutes dans les banlieues françaises se déroulaient en novembre 2005 tandis qu’on décernait tranquillement les prix littéraires :

« Les émeutes des banlieues françaises ont précisément coïncidé avec la période des remises des prix littéraires, et les jeunes des cités auraient eu toutes les raisons d’être mécontents du palmarès. La littérature française persiste en effet à ignorer l’existence des banlieues défavorisées ».

L’auteur de ces propos, le journaliste Thomas Lunderquist a ainsi demandé à plusieurs écrivains français de répondre à la question suivante : « Où sont les banlieues dans la littérature française » ? Apparemment la question semblait aussi délicate que celle qu’on pose à l’oral de Sciences Po pour piéger le petit malin qui porte des lunettes fines et rondes et dont le rêve est de terminer major de sa promotion...

La question était tellement complexe que l’écrivain et journaliste Frédéric Vitoux, membre de l’Académie française, est retourné dans les années trente en conseillant au Suédois de relire Céline et Voyage au bout de la nuit « un très grand roman français du XXe siècle » qui « évoque de façon frappante le décor des banlieues et de la périphérie des villes, Clichy, etc." Déformation de spécialiste ?

En effet, comme par hasard, Frédéric Vitoux est un des spécialistes les plus estimés de Louis-Ferdinand Céline. Je n’ai d’ailleurs toujours pas termine son très gros livre, La Vie de Celine, paru chez Gallimard en 1988 et que vous trouverez en poche dans la collection "Folio".
Mais bon, on ne peut tout de même pas dire que depuis les années trente jusqu’à nos jours les banlieues sont restées identiques et que pour les comprendre il nous suffit de relire toute la deuxième partie du Voyage au bout de la nuit ! Allons, allons, Frédéric Vitoux, revenons à notre époque !...

Et puis il y a François Busnel, le directeur du magazine Lire, qui a aussi répondu à cette question. Il a par prudence conseillé les livres de Francois Bon (Daewoo, Ed. Fayard), et Gérard Mordillat (Les Vivants et les morts, Ed. Calmann Levy).
Conclusion du journaliste suédois très au fait de l’actualité littéraire française : ces ouvrages traitent plus de la condition ouvrière que de la crise des banlieues.

Toutefois François Busnel a cité la jeune Faïza Guène, auteur de Kiffe kiffe demain(Ed. Hachette Littératures), livre ayant eu un très grand succès de librairie et dans lequel l’auteur décrit la condition d’une jeune Arabe dans sa banlieue.

Curieusement, c’est le journaliste suédois lui-même qui cite les auteurs qu’il qualifie d’"issus de l’immigration" : (Milan Kundera, Tahar Ben Jelloun, Andreï Makine, Shan Sa) et de conclure tout de suite et sans voies de recours : « mais ils n’ont été reconnus qu’après avoir "adopté" le "bon" style, et s’être inclinés comme il se doit devant la culture majoritaire. Ou alors ils se trouvent relégués dans les collections spécialisées, comme la collection "Continents noirs" de Gallimard dédiée à la littérature franco-africaine ».

Un autre journal suédois, le NRC Handelsband constate que les écrivains français d’origine étrangère ne sont pas « absents des vitrine ». Il cite les précurseurs que sont entre autres Azouz Begag et Samira Bellil... et précise que les femmes savent souvent trouver les mots pour évoquer les banlieues : Marie Ndiaye, Calixthe Beyala, Lydie Salvayre ou Assia Djebar...

Bref, on aurait du envoyer cette question aux auteurs francophones vivant en France. On aurait ainsi vu les banlieues dans le roman Agonies du Congolais Daniel Biyaoula, dans les livres de la Suisso-gabonaise Bessora ou, récemment, avec le jeune auteur Camerounais Yemy (voir photo en début de cet article, à gauche) dont le titre du livre dit plus que tous les discours : Suburban blues, un livre qui suinte, qui grince...

Laissez un commentaire
Les commentaires sont ouverts à tous. Ils font l'objet d'une modération après publication. Ils seront publiés dans leur intégralité ou supprimés s'ils sont jugés non conformes à la charte.

Recevez nos alertes

Recevez chaque matin dans votre boite mail, un condensé de l’actualité pour ne rien manquer.