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Conversation avec une amie : pourquoi les hommes politiques africains n’écrivent pas des livres politiques ?

En France, les ouvrages politiques se ramassent à la pelle ces derniers mois. La plupart de ces livres, rapporte-t-on, sont parfois écrits par des nègres. Nous serions de mauvaise foi si nous cautionnions systématiquement un tel préjugé. Des hommes politiques de premier plan ou des anciens dirigeants – comme Giscard d’Estaing – livrent leur vision du monde et portent un regard (parfois narcissique et allégeant) quant à leur gouvernance. Tout homme politique français veut certes écrire son livre. Certains d’entre eux ont excellé dans le genre, nous livrant, par le biais de leur témoignage, de belles pages de littérature que leur envierait tout auteur "littéraire". Ce fut le cas jadis de Mitterrand par avec son célèbre pamphlet Le coup d’Etat permanent. Ou encore des Mémoires de guerre de de Gaulle. Celui-ci est d’ailleurs dans La Pléiade, a collection qui consacre l’oeuvre d’un écrivain pour les générations futures. Avec une amie, nous discutions vivement hier sur ces questions de livres politiques alors que nous attendions notre avion pour Los Angeles. Le constat qu’elle m’a dressé a été effroyable : pourquoi les dirigeants africains ne laissent guère de trace écrite ? Est-ce de leur part une incapacité à l’écriture, à la chose écrite ou tout simplement parce qu’ils n’ont rien à dire, ayant brillé par des actes qu’ils souhaiteraient plus masquer que livrer à la curiosité du lecteur ?

Paradoxalement, lorsqu’ils s’y mettent, les dirigeants africains livrent d’ordinaire des interviews à peine masquées, le journaliste intervieweur se chargeant de faire le reste – mais l’allégeance est, une fois de plus, au rendez-vous. En général les livres de ces hommes politiques africains ne circulent pas en librairie. Ils sont achetés immédiatement en masse par les auteurs eux-mêmes et les ministres qui crient au génie de leur chef. Comment alors avouer, lorsqu’on est ministre, que le livre du président est nul et que c’est du papier gaspillé ? Le livre étant un espace de démocratie, peu de dirigeants africains s’y risquent, souligna mon amie. " Ah bon ?" fis-je. Et c’est alors qu’elle poursuivit : "Comment ces dirigeants parleraient de la démocratie dans leur bouquin puisqu’ils ne sont pas à même de mesurer la portée de cette notion ?" Et j’ajoutai : "Et pourquoi ne parleraient-ils pas de la dictature dans ce cas ?" Sans rire, mon amie conclut : "Parce qu’ils sont persuadés qu’ils ne sont pas des dictateurs. Donc ils ne peuvent pas parler d’une situation qui n’est pas la leur !"...

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