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Congolais

L’Editorial de Benda Bika

Au fait, qu’est ce qui fait de nous des Congolais ?
Qu’est ce qui, au-delà du port d’un acte de naissance,
d’une carte d’identité ou d’un passeport estampillés « 
République du Congo », fait de nous des « Congolais »
 ? Qu’est ce qui, par-dessus le mal que nous nous
sommes faits, me lie au paysan de Tchinguindi, d’Oyo,
d’Owando, de Boko, de Matsoula, de Kakamoéka, de Sembé
ou de Souanké au-delà de pièces d’identité crées plus
pour la commodité du colon que pour justifier un Etat,
l’appartenance à une nation ? Etre Congolais, c’est
quoi, en définitive ?

Ces questions appellent une réponse. Tout intellectuel
est fondé à en proposer une dans sa propre démarche,
et dans le vie en collectivité, afin de se fondre dans
une certaine cohérence. Le nationalisme a eu ses
heures de gloire dans la dernière décennie. Mais nous
n’en avons connu, quant à nous autres, que les
manifestations urticaires les plus violentes. Car il y
a toujours ce jeu pendulaire des « Eux et Nous ». Il a
sollicité l’imagination des psychopathes, jetant les
uns sur les autres des gens qui étaient des voisins
paisibles. Il continue aujourd’hui à démarquer
oppositions et ‘mouvances’.

Des armes lourdes ont été achetées, et utilisées par
les dirigeants contre leur peuple. Des mercenaires ont
été recrutés par tous pour, paraît-il, défendre les
Congolais. Derrière les maisons de Brazzaville, chaque
famille a eu son nombre de buttes, lieu
d’ensevelissement de Congolais dans une sauvette qui
ne souligne que davantage l’homonymie de ses origines
sauvages. Des Congolais ont tué d’autres Congolais.
Qui étaient les bons, qui étaient les mauvais ?

Alors que notre pays se sent acculé à normaliser
bientôt sa vie publique, les choix que nous sommes
appelés à opérer devraient dire cette appartenance
commune et cette identité de destins dans un
territoire unique nommé Congo. Qu’est ce qui, en
quarante ans d’indépendance, a façonné le Congolais et
fait de lui/d’elle le frère et la sœur d’un autre
Congolais ?

Quel dirigeant a véritablement agi au nom des
Congolais et pour les Congolais ; pour le Congo ? Qui
a travaillé pour que tombent les barrières de la
langue, de la méfiance atavique, de la suspicion et de
l’orgueil exclusifs ? Qu’est ce qui, de Youlou à
Sassou II, a fait de moi plus qu’un porteur de carte
d’identité à estampille ? Qui me rend chaque jour plus
proche d’un autre, et qui mérite que je me reconnaisse
dans les six personnes qui ont assumé sept fois le
pouvoir présidentiel, en faisant « Mes », et non « 
Leurs » présidents ?

Suis-je radical : aucun d’eux n’a été Congolais. Aucun
d’eux, au-delà des discours lénifiants, n’a été autre
chose que l’otage et l’instrument de son clan fermé.
Ceux qui ont tenté d’y pénétrer on péri et ceux qui
ont survécu ont conforté les barbelés. Nos dirigeants
ont été des chefs d’équipes tribales qui, par des
gestes dérisoires : un bout de pont, quelques mètres
de bitumes, deux immeubles en verre opaque, une épouse
d’ailleurs cocufiée, ont tenté de nous vendre le
saupoudrage d’une congolité en laquelle ils n’ont
jamais crue.

Vous qui me lisez : êtes-vous différents d’eux ? Quand
demain, vous prendrez le pouvoir, n’alourdirez-vous
pas cette extraordinaire richesse des cimetières qui
nous vaut des épitaphes aussi illustres que Matsokota,
Pouabou, Boukaka, Ikoko, Anga, Diawara, Ngouabi,
Ontsou, Massamba-Débat, Kimbouala-Kaya, Biayenda et
des centaines d’autres, tous tués par ceux qui, en
principe, se réclamaient de la même nationalité qu’eux
 ?

Benda Bika

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