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"Sauvé" l’école

"Etats Généraux de l’Education Nationale, de la Formation et de la Recherche" , par Hellot Matson Mampouya

« Animées par la volonté de redresser le système éducatif, reconnu malade, les autorités congolaises ont ouvert jeudi 25 janvier (2024) les travaux des états généraux de l’éducation et de la recherche. Il s’agit de diagnostiquer les maux qui minent le secteur et de trouver une thérapeutique de choc. » (RFI)

Au Congo, l’Ecole, structure molle, bricole, racole, ne décolle point, ce, depuis la séparation de 1965 quand le privé fut renvoyé aux calendes grecques au profit de l’école laïque.

Refoulée dans la poubelle du « dogmatisme bien pensant », l’école religieuse est de retour, et semble, en compagnie de l’Ecole privée, la pierre angulaire d’une Ecole publique en déficit, alors que, cette pierre, disions-nous, fut jetée par les révolutionnaires des « Trois glorieuses » sous Alphonse Massamba-Débat.

C’est une tâche féroce qui a été assignée à Hello Matson Mampouya que celle d’organiser les Etats Généraux de l’Education.
Or, plus de quatre décennies ont mis cette école dans un piteux état. Tout comme l’état de notre Etat, lui-même mis dans... tous ses états.

Toutefois, à l’issue des Etats Généraux de l’Education Nationale, de la Formation et de la Recherche ( EGENFR) on peut dire que Hellot Matson Mampouya, Haut Commissaire, a fait...école.

Il est vrai que depuis les tentatives de « L’Ecole du Peuple » sous Marien Ngouabi, toutes les planifications sont restées lettre morte. Et rien n’a plus ressemblé à l’anti-pédagogie que cette école qu’on voulait « agréable » avec un peu de sable, de jolies tables etc. (comme le chantait Abel Malanda avec le groupe « Les Anges »). Ecole du peuple ? Balivernes ! Cette époque est révolue. En vérité le peuple est sans école. Le mythique taux de scolarité à 100 % vanté sous Marien Ngouabi est quasiment tombé à 60 % sous Sassou si ce n’est moins ; l’incurie gouvernementale et les différentes guerres civiles sont passées par là.

Cette fois-ci, c’est la bonne ou une fois de plus s’agit-il d’un coup d’épée dans l’eau ? Les réformes se suivent et se ressemblent en fiasco.

Ecce Homo

Depuis l’avènement marxiste, l’Ecole congolaise n’a jamais réfléchi sur l’immensité des problèmes qui la minent. Le mode de production de l’Etat a privilégié les budgets militaires au détriment de l’Education nationale. Normal : le pouvoir est au bout du fusil, pas au bout du stylo à bille.

En définitive, en 2023, pour avoir fait cet inventaire sur notre Ecole agonisante, voici enfin l’homme à qui est confié la mission de trouver des solutions à l’Ecole. Hellot Matson Mampouya peut passer pour celui qui a positivement anticipé les enjeux évoqués sur la jeunesse dans le discours de Sassou à l’occasion de son message à la Nation pour l’année 2024.

On peut lire : « Les états généraux sont l’expression de la volonté du Président de la République, chef de l’Etat, qui y tient et aux côtés du Premier Ministre , Chef du gouvernement , il s’investira pleinement pour leur réussite. » (p.19)

Hello Mampouya est donc un chargé de mission de Sassou, une mission que d’aucuns considèrent impossible.

« Nombreux se sont certainement laissés avoir par le déploiement médiatique qui a précédé les différentes stratégies sectorielles de l’Education et de la formation (SSEF 2012-2020, SSEF 2015-2025 et SSEF2021-2030 ) organisé en partenariat avec l’UNESCO et les autres PTF. » peut-on encore lire dans son livre, page 10.

« Mais en réalité le Congo n’a jamais réalisé des Etats Généraux » (idem p.10)

Triste réalité, en effet, car qui donc ne connaît pas le narratif révulsif incrusté dans nos représentations de gamins, (chauver ou sauver l’école) ?

Désormais, en raison du phénomène dit des « Bébés noirs » ou « koulouna » et des batailles rangées entre gangs scolaires, les raisons de « chôvé l’école » (école buissonnière ou bifurcation scolaire) sont réelles.

On s’étonne qu’en dépit de tous les discours caressant la jeunesse dans le sens du poil (Sassou en 2024 n’en a eu que pour cette jeunesse, fer de lance du développement), on ne songe à « sauver l’Ecole » qu’au moment où les supposés sauveurs reconnaissent que les indicateurs économiques sont en rouge. « Paradoxal non » aurait dit cher Côme Manckassa, notre prof en sociologie de l’Education !

Générique sur les Etats Généraux

Avant la lettre, avant même l’esprit, des querelles byzantines ont fusé. Les langues d’aspic n’ont pas arrêté de se délier. Il y avait de quoi. Il n’était pas facile, en délocalisant une partie des Etats Généraux dans les locaux de l’Ambassade Congolaise à Paris, il n’était pas facile de ne pas suspecter une tactique malicieuse des organisateurs de se servir généreusement en perdiem. Cette façon de s’enrichir entre copains sous prétexte de travailler pour l’intérêt public a trop... fait école sous le Congo du Chemin d’avenir.

Mieux, pour les cassandres, de toute façon, les Etats Généraux de Hellot Matson Mampouya « devraient accoucher comme les précédents d’une petite souris. » ( p. 10)

Curriculum

« Hellot Matson Mampouya va se casser la gueule. » Vraiment ?

C’est mal connaître le Haut commissaire, ancien ministre de l’Enseignement (Hellot Matson Mampouya) en pensant qu’il va échouer.

Le professeur Roger Armand Makany qui a préfacé le livre trouve le Haut Commissaire doté de « qualités exceptionnelles » lui permettant de « réaliser (...) une telle entreprise ».

R. Makany ne tarit pas d’éloges quand il écrit : « C’est un homme de tout premier plan », « capable de mener » avec brio « un vaste chantier » (en l’occurrence les Etats-Généraux).
Le professeur Armand Roger Makany, lui-même à la tête de l’un des rares Instituts supérieurs de commerce existant au Congo, sait de quoi il parle.

Selon lui, Hellot Matson Mampouya possède de « nombreuses qualités particulièrement efficientes », entre autres, « une connaissance du pays profond, respect de sa hiérarchie, une maîtrise de ses dossiers, humilité, courage, sagesse, efficacité, intellectuel érudit, communicateur, esprit patriotique, sens du contact, courtois, optimiste, sens d’anticipation » ( pp16, 17)

Bancs scolaires

De quoi éclipser l’image burlesque de l’homme qui commanda des tables-bancs en France, lesquelles fournitures laissées à l’abandon sous un hangar finirent par moisir sous les intempéries. Quand on a la « connaissance du pays profond » (p16) et une « maîtrise des dossiers » (p16) on ne commande pas à des prix exorbitants des tables scolaires en Europe alors que le Congo produit du bois (à en revendre) et à n’en plus finir.

Difficile de faire table rase de ce passé peu glorieux et pas élogieux du tout d’Hellot Matson Mampouya.

Mais rendons à César ce qui est à César. Hellot Mampouya, Maciste du Chemin d’Avenir, a entrepris de nettoyer le système scolaire congolais, véritables écuries d’Augias.

Les thèmes

Les Etats Généraux se sont structurés en ateliers, (16 au total) qui ont planché sur différents thèmes. En voici in extenso :

1- Ecoles inclusives, équitables, sûres et saine, 2 - Financement de l’Education et gouvernance du système éducatif, 3- Disponibilité des enseignants de qualité et valorisation de la profession enseignante, 4 - Amélioration de la qualité des apprentissages, pertinence des curricula, 5 - Programmation et transformation numérique, 6 - Développement de l’Enseignement Supérieur, 7- Développement et modernisation de la recherche scientifique, 8- Infrastructures scolaires et universitaires, 9- Lycées d’excellence, 10- Enseignement technique et professionnel : employabilité et entreprenariat des jeunes, 11- Violences en milieu scolaire et universitaire, 12 -Système éducatif et développement du sport scolaire et universitaire, 13 - Enseignement des valeurs, 14 - Développement des établissements privés d’enseignement , 15 - Alphabétisation, Education non formelle et Education inclusive, 16 - Rencontre de libre échange avec les ministres honoraires des secteurs de l’Education Nationale, de la Formation et de la Recherche.

On n’a pas vu des thématiques sur la démographie, le taux de naissance, le taux de mortalité au Congo (infantile et adulte), l’espérance de vie ...

On a fait les Etats Généraux de l’Education Nationale. Fort bien. A quand les Etats Généraux de la Nation. Peut-on sauver l’Education quand tout le pays fait naufrage ? Autant panser une jambe de bois.

En attendant, les enseignants continuent de tirer le diable par la queue. Le statut des volontaires de l’enseignement est au statu quo. Leurs grèves sont sauvagement interdites.

On a peur que les Etats généraux n’accouchent d’une souris. Pire on craint que la montagne n’accouche d’un lapin.

De toute façon on n’ a pas hâte de lire les Actes de ces Etats Généraux puisqu’ils ne paraîtront jamais. Témoin : le lapin que les Etats généraux ont posé récemment aux participants à Brazzaville au mois de janvier 2024. Hellot Matson Mampouya a été aux abonnés absents.

Ca vous étonne ? Ca ne devrait étonner que les inconditionnels du Chemin d’avenir et de la Nouvelle Espérance.

Les ateliers, c’est comme les commissions. Le professeur Jean-William Lapierre disait que pour enterrer un problème, il suffit de créer des commissions.

Hellot Mamapouya croque-mort désigné par Sassou, fossoyeur du Congo ?

Qui vivra verra ; qui a vécu sous Sassou, vaurien, ne verra rien.

Thierry Oko

1- Hellot Matson Mampouya : « Les Etats Généraux de l’Education Nationale, de la Formation et de la Recherche : un défi multidimensionnel. » 114 p Editions ICES, Collection Etudes sociales, 14 euros France 2023.

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