email
Economie de cueillette

L’oseille de la poudre brune (cacao) échappe à Brazzaville

Le syndrome hollandais frappe de plein fouet l’économie du Congo-Brazzaville. La rente pétrolière a cannibalisé les autres secteurs de l’écosystème productif. Le cacao et le café qui fondent la richesse de la Côte d’Ivoire et du Ghana ont été abandonnés au Congo-Brazzaville au profit des hydrocarbures. Le système économique du Congo-Brazzaville est pétro-dépendant.

Filière cacao-café

Le petit pays d’Afrique Centrale a jeté son dévolu sur la manne pétrolière au détriment du cacao et du café. L’or noir a relégué au second plan la poudre brune. La filière cacao et café naguère très florissante dans la région de la Sangha et la région de la Likouala a été sacrifiée par les différents ministres de l’Agriculture à l’instar de Marius Mouambenga qui a battu le record de longévité à la tête de ce département. Jeanne Dambenzet, Rigobert Maboundou et Henri Djombo n’ont guère fait mieux dans la diversification de l’économie du Congo-Brazzaville prônée par la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International (FMI). La campagne de commercialisation du café et du cacao était rythmée par l’organisation du championnat de football du café et du cacao par l’ONCPA ( office national de commercialisation des produits agricoles ) crée par Alphonse Massamba-Debat et rebaptisé OCC (Office du Café et du Cacao). L’économie de la Sangha et de la Likouala reposait, en sus du bois, sur la culture du café et du cacao. Du jour au lendemain, Denis Sassou Nguesso, Louis Sylvain Goma (Premier Ministre), Pierre Moussa (Ministre de l’Economie et du Plan) et Marius Mouambenga (Ministre de l’Agriculture) ont décidé de la liquidation de l’OCC sans autre forme de justification. Au même moment, Denis Sassou Nguesso et les propagandistes du PCT avaient décrété « Agriculture, priorité des priorités  ». Ce fut la genèse de la descente aux enfers de la filière café et cacao au Congo-Brazzaville. Le FMI faisait pourtant la promotion des biens d’exportation dans le cadre des programmes d’ajustement structurel (PAS) des années 1980-1990.

Pris de court, comme pour le consoler de n’avoir pas été mis au parfum, Bernard Kombo Matsiona a été parachuté au Bureau politique du PCT et a fait son entrée au gouvernement comme Ministre de la santé. Sans perspectives de commercialisation, les planteurs de cacao et de café de la Sangha et la Likouala se sont retrouvés privés de ressources financières et avec en prime d’énormes stocks sous le coude en raison de la disparition de l’Office congolais du café et du cacao (OCC) dirigé par Bernard Kombo Matsiona.

Face à la déconvenue des planteurs de la Sangha et de la Likouala, les paysans de la région du Pool et de la région de la Bouenza tentés par l’expérience du cacao et du café se sont vite détournés de la filière qui ne nourrissait plus ses exploitants.

Poudre brune contre or noir

Ironie de l’histoire, le cours du cacao que le Congo-Brazzaville a snobé au profit de l’or noir a atteint des sommets. La Côte d’Ivoire (1) et le Ghana en tirent d’importantes ressources financières. La filière cacao-café utilise beaucoup d’emplois manuels contrairement à l’industrie pétrolière qui est hautement capitalistique. Rien ne prédit que les discussions aboutiront à un repli des prix. En tout cas, pas pour le chocolat. Et pour cause. Avec le cacao, les spéculateurs ont tiré la fève. La poudre brune s’est enflammée sur les marchés. Fin octobre, elle se négocie à près de 3 800 dollars (3 600 euros) la tonne à New York, un coût plus haut depuis quarante-quatre ans. En effet, il faut remonter à 1979 pour retrouver un tel niveau de cotation (Le Monde, 28 octobre 2023).

Le cacao a supplanté le baril de pétrole sur le marché des matières premières. L’argent n’a pas d’odeur. La poudre brune a damé le pion à l’or noir. Le Congo-Brazzaville passe ainsi donc à côté d’une manne financière autre que l’or noir.

Sassou, ardent défenseur du Bassin du Congo, boit du petit lait à l’idée de se faire du blé grâce à son Sommet des Trois Bassins. Le sociologue Côme Manckassa a montré dans ses études sur la Sangha que le cacaoyer n’est pas seulement un arbre ; le cacao est une institution socioéconomique autour de laquelle s’organisent des « mariages concurrentiels. »

Depuis l’avènement des chantres de « l’agriculture priorité des priorités », depuis leur conversion en ardents défenseurs de l’environnement, la forêt a caché l’arbre.

Benjamin BILOMBOT BITADYS

(1) La légende dit que les premières boutures du cacao ivoirien et du safoutier proviennent du Congo.

Laissez un commentaire
Les commentaires sont ouverts à tous. Ils font l'objet d'une modération après publication. Ils seront publiés dans leur intégralité ou supprimés s'ils sont jugés non conformes à la charte.

Recevez nos alertes

Recevez chaque matin dans votre boite mail, un condensé de l’actualité pour ne rien manquer.