email
Monde noir

Musique congolaise et biguine martiniquaise

On ne le souligne jamais assez, la musique antillaise fut la musique négro-africaine d’adoption de l’Afrique Noire en l’absence d’une musique de variétés moderne de danse dans les années 30-40, avant l’apparition de la musique congolaise moderne des années 40. On pouvait ainsi noter aux côtés de la rumba et du son cubain (Cuba c’est les Antilles, on l’oublie souvent), le merengué de Saint Domingue, le calypso de Trinidad et Tobago, la biguine de Martinique.

C’est ainsi que Paul Kamba, père de la musique congolaise, introduit dans « Catherine » , disque Ngoma enregistré entre 1948 et 1949, l’air de « Matilda » de Norman Span dit King Radio, pionnier du calypso jamaïquain qui remontait aux années 30.

Rumba et biguine sans ordre de préséance

Radios locales, bars-dancing, phonographes des foyers domestiques et autres événements festifs vibrent ainsi au rythme de la musique antillaise où rumba et biguine antillaise s’affichent, sans ordre de préséance, comme réponses pour les populations locales négro-africaines aux danses occidentales coloniales que sont la valse, le tango, la mazurka, la polka-piquée, le boléro, le paso-doble bien en cour.

La reprise du thème de clarinette de « Pavini con sa » de Sam Castendet par Jean-Serge Essous dans « Brigitte » de l’orchestre Rock-À-Mambo en 1957, une œuvre de Lucie Yenga, les nombreuses biguines enregistrées aux éditions phonographiques à Léopoldville (Ngoma, Loningisa, Cefa, Polydor, Opika, Esengo) témoignent de l’influence indéniable de la biguine martiniquaise dans la musique congolaise de variétés de danse émergente en ces années 50.

Tout comme le beat patengé (petit tambour carré joué entre les jambes) réplique du bélè martiniquais.

Sam Castendet, la tournée triomphale en Afrique Noire

Le règne de la biguine martiniquaise dans la sphère musicale africaine se traduit par le succès énorme du clarinettiste Samuel Sabinus CASTENDET dit Sam Castendet dont les œuvres caracolent au box-office des ventes de disques 78 tours en ces débuts d’années 50. Ce succès sera couronné par une tournée triomphale en 1954 à Brazzaville, puis Léopoldville (Kinshasa) et enfin Douala, à l’initiative de François Delagrange, un béké de Martinique, directeur de Radio AEF ((Afrique Équatoriale Française) qui arrose par la puissance de ses émetteurs tout le continent noir depuis Brazzaville. Au stade de Douala au Cameroun, Sam Castendet réunit plus de 5 000 personnes. Ainsi suscite t-il des vocations dans la musique congolaise de variétés moderne. Les flûtistes se convertissent à la clarinette, instrument vedette de la biguine. Deux virtuoses émergent, Jean-Serge Essous et Édouard Lutula dit Édo Clary. Si le premier s’inscrit dans l’héritage de Sam Castendet, le second, par son doigté et son phrasé long, intense et prodigieux évoque plutôt Alexandre Fructueux dit Stellio, figure emblématique et tutélaire de la biguine, qui introduit et propage ce rythme et cette danse en France hexagonale dans les années 30.

Biguine, calypso, merengue, rythmes consubstantiels à la nomenclature de la musique congolaise moderne ont disparu au profit de la rumba, mais leurs empreintes restent indélébiles et toujours perceptibles dans la chanson congolaise.

-Audifax BEMBA-

Interaction Antilles-Afrique

Laissez un commentaire
Les commentaires sont ouverts à tous. Ils font l'objet d'une modération après publication. Ils seront publiés dans leur intégralité ou supprimés s'ils sont jugés non conformes à la charte.

Recevez nos alertes

Recevez chaque matin dans votre boite mail, un condensé de l’actualité pour ne rien manquer.