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Négritudes

Quelque « a priori » sur le Goncourt 2021 attribué à un Africain

« Le lauréat du Goncourt 2021 Mohamed Mbougar Sarr, né en 1990 à Dakar au Sénégal, a tous les mérites. Pour un coup d’essai c’est un coup de maître d’être reconnu par la communauté littéraire comme un maître de l’écriture. Mais comme toute partition de musique, les bémols et les dièses ne manquent pas. » Concerto pour un Prix qui tombe à point nommé.

PLEBISCITE DE L’INCONNU ET DE L’IMPREVU

A seulement 31 ans, il a convaincu le jury du Goncourt que cette année c’était lui le meilleur et a coiffé au poteau un nombre infini d’auteurs dont pour la plupart le français est la langue maternelle. D’accord ça ne veut rien dire d’avoir pour langue natale celle de Victor Hugo. Seulement, ce n’est pas fortuit que le prix soit décerné à un compatriote de Léopold Senghor, l’un des pères de la négritude, académicien et agrégé de grammaire française.

Ce n’est pas rien d’écrire dans une langue d’emprunt, d’en maîtriser la technique, d’en extorquer l’esprit alors que rien dans nos pays d’Afrique (où les structures scolaires sont en faillite) ne prédispose les « forçats de la page blanche  » d’être des génies littéraires.

Donc, coup de chapeau à Mohamed Mbougar Sarr, l’heureux candidat ayant marathoné dans une compétition où il y a beaucoup d’appelés et un seul élu, beaucoup de blessés, d’estropiés et de cadavres littéraires.

RECUPERATION

Le Goncourt cette année est Sénégalais. Mais quelle n’a pas été notre étonnement de voir que nombre de Noirs s’extasient et trouvent dans cette victoire le triomphe de toute l’Afrique comme si un pays comme le Congo, désorganisé comme jamais par une caste de kleptomanes et d’incultes, pouvait accoucher d’un tel génie romanesque !

Le Congo partage certes le même continent avec le Sénégal. La géographie et l’histoire entre le Congo et le Sénégal s’arrêtent stricto sensu à l’appartenance continentale et à la pratique du français, langue coloniale. Le Congo de Sassou n’est pas le Sénégal de Senghor. Les prouesses de Mohamed Mbougar Sarr font la fierté du peuple sénégalais. On apprend que tout le pays de La Teranga continue de fêter avec ivresse la victoire du fils primé. Ce n’est que logique. Aussi, pour les « Niak » (étranger chez les Ndingari) s’arroger la gloire d’une personne sous prétexte qu’on habite le même continent, ce n’est rien moins que de la récup.

C’est comme si un Russe (ou l’inverse) sautait de joie qu’un Français ait obtenu le Nobel des Mathématiques sous prétexte qu’ils sont tous Blancs et habitent le même vieux continent, L’Europe. Le Slave n’a rien à cirer !

Non, Mohamed Mbougar Sarr est Sénégalais, la victoire est sénégalaise. Le triomphe n’est ni malien, ni burkinabé, ni équato-guinéen, ni cap-verdien encore moins congolais. Le profito-situationnisme est une abomination.

Sénégalais et sûrement Sérère, Mohamed Mbougar Sarr est un disciple actif du parti grammairien senghorien. Il faut être opportuniste « à en perdre le sens de la réalité » pour prétendre faire de Mohamed Mbougar Sarr un coreligionnaire du parti congolais des tueurs (PCT).
Nous autres Congolais de Sassou avons comme représentants du parti littéraire, des camarades nommés Henri Ndjombo, Benoît Moundélé-Ngolo, Mireille Opa, Okombi Tsalisan (j’en passe et des pires). Tous des écrivains mineurs. Ils n’auront jamais le Goncourt. Même en rêve.

Et pourtant, jadis le Congo fut un quartier latin d’Afrique, un Tombouctou Bantou. Cette ère est révolue depuis l’avènement de l’irrationnel au Pouvoir.

« Le Sénégal écrit le français depuis plus d’un siècle. Il est normal qu’il apparaisse dans les prix littéraires » légitimise Mohamed Mbougar Sarr compatriote de Birago Diop, Cheick Hamidou Kane.

On ne pourrait pas dire autant du Congo où le taux de scolarité se réduit chaque année comme peau de chagrin et où en matière d’écriture on déplore un absentéisme horripilant des hommes supposés des Lettres. Le Congo, hier quartier latin d’Afrique, est devenu le quartier d’Ali Baba et les quarante voleurs du clan Nguesso. L’époque des Jean-Malonga, Tchicaya Utam Si, Tati Loutard, Létembey Ambilly, Sony Labou Tan’Si, Emmanuel Boundzéki Dongala, Wilfrid Nsondé et même Alain Mabanckou a vécu.

LES VICTOIRES AUX PRIX EUROPEENS

De l’attribution des prix européens à des lauréats noirs, on peut faire des tas de réserves sur ce phénomène culturel qui est également géopolitique.

Un agent littéraire nous disait : « quand un écrivain noir veut prétendre recevoir un prix, il lui suffit d’écrire contre les Noirs. »

L’autodénigrement paie cash ses auteurs.

C’est terrible comme thèse. Je me souviens d’un opuscule, autodénigrant à souhait, écrit par une jeune Congolaise Ketsia Beatrice Bouanga Safou : « L’ennemi du Noir c’est le Noir. ». L’auteure fit un tabac car quand le Blanc est absous sur la question Noire, celui-ci boit du petit lait. Il est aux anges.

Le pamphlet autocritique et masochiste de Ketsia Béatrice Bouanga Safou fut, dit-on, lu à la l’Assemblée Nationale Française.

« Si c’est eux-mêmes qui le disent, pourquoi chercher d’autres arguments du sous-développement noir  ? » disent ceux qui avaient jubilé quand Nicolas Sarkozy prononça son discours de Dakar où il balaya d’un revers de la main la thèse de « L’Europe inculpée » (Antoine Létembet Ambilly).

LES BIENFAITS DE LA COLONISATION

Dans la même lignée, quand un Africain reconnaît les aspects positifs de la colonisation, c’est très bien vu par les Occidentaux. Les bienfaits de la colonisation font partie d’une philosophique qui ne saurait souffrir un négationnisme ni un révisionnisme.
Toute la campagne du suprématiste Eric Zemmour articule les aspects positifs de la colonisation et plaide le non-lieu quand il s’agit de la destructuration des sociétés africaines par l’Europe. Les Occidentaux aiment qu’on les dédouane dans la tragédie coloniale.

Mais précisément, de quoi a parlé Mohamed Mbougar Sarr, dans son ouvrage « La Plus Secrète Mémoire des hommes » primé par le jury du Goncourt et sélectionné par celui de Femina et celui du Renaudot ? De la disqualification d’un auteur malien du début du siècle dernier (1930) accusé de plagiat puis tombé dans l’oubli. On l’appelait le Rimbaud nègre.

« Décédé en 2017 à l’âge de 77 ans, il est le vainqueur du prix Renaudot en 1968 pour son prier roman « Le Devoir de violence ». C’est la première fois dans l’histoire de la prestigieuse récompense qu’un homme originaire du continent africain reçoit cette distinction. Mais voilà, le jeune écrivain qu’il est n’a pas longtemps savouré sa victoire. Et pour cause, de nombreuses voix s’élèvent presque aussitôt pour dénoncer ses écrits, estimant que le texte de Yambo Ouologuem, une saga fictionnelle sur huit siècles sur des seigneurs féodaux africains du nom des Saïfs, insinue que des chefs locaux ont contribué au colonialisme en Afrique. On lui reproche d’être un traître, surtout au regard du contexte international des années 1960, période des indépendances. »(Valentin Etancelin in HuffPost )

Toujours cette thèse que l’ennemi du Noir c’est le Noir. Celui-ci a vendu ses frères déportés en esclavage.
Pour avoir soutenu ça dans son livre, Yambo Ouloguem obtint les palmes du Renaudot. Harcelé par l’opinion, le jury fit marche-arrière et lui retira le trophée.

Il ne reste pas moins que « Dans son pays, Yambo Ouloguem est aujourd’hui considéré comme un écrivain illustre. »

NEGRE BAS-TOI DEPUIS BATOUALA !

Depuis « Batouala » de René Maran (un Antillais) le Goncourt n’a jamais consenti d’honorer un auteur Noir. Il aura suffi que Mohamed Mbougar Sarr réhabilite Yambo Ouloguem pour que le jury du Goncourt se souvienne d’un écrivain khémite.

LE NEGRE DU NEGRE

Accusé de fraude littéraire, Ouologuem fut sorti des rangs des as de l’écriture. Curieusement, s’étonne Jean-Pierre Orban, le faussaire ne sera pas démasqué par ses relecteurs Blancs car les manuscrits des Nègres sont réécrits par des travailleurs tapis dans l’ombre.

« Que le manuscrit a été retravaillé pendant l’hiver 1967-1968 de concert entre Ouologuem et son éditeur François-Régis Bastide. Que personne, au Seuil, ni ailleurs, sauf une exception [Robert Kanters, du Figaro Littéraire], ne décèle clairement les emprunts à Schwarz-Bart, ou en tout cas ne les prend en compte », constate l’écrivain et chercheur Jean-Pierre Orban dans le journal Le Point.

On comprend ici un secret de Polichinelle à savoir que la main de l’écrivain noir reçoit un coup de main. Pourquoi ? Pour multiplier ses chances dans un concours littéraire.

En fait la main de l’écrivain tout court bénéficie de la courte-échelle. Normal. Voltaire (oui le grand Voltaire aussi) était chaque fois éligible à l’aide de relecteurs tant le grand philosophe était champion de coquilles rendant ses manuscrit illisibles et, par conséquent, non publiables.

On a attendu un siècle pour que le Prix échoit à un Nègre. Effet Sommet Afrique-France de Montpellier ou effet Eric Zemmour (a contrario) ?
Tout jury a ses raisons que la raison ignore.

Entre René Maran et Mohamed Mbougar Sarr, on a vu passer Camara Laye, Cheick Hamidou Kane, Bernard Dadié, Ferdinand Oyono, Hamadou Kourouma, Tchikaya U Tam Si, Sony Labou Tan Si (j’en passe et des cracks). Le Goncourt a laissé passer sans broncher ce réseau de plumes noirs.

La réécriture des manuscrits noirs par les éditeurs blanc est une coutume. Philippe Rey coéditeur de Mohamed Mboucar Sarr a avoué être sans influence dans le lobby des jury. Il ne soutiendra pas qu’il ne possède pas de gros bras dans son comité de relecture.

Question finale : y aurait-il un nègre derrière le Nègre distingué au Goncourt 2021 ?

THIERRY OKO

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