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Deuil

Sassou caresserait-il l’idée de restituer les restes de Massamba-Débat ?

S’inscrit-on dans une dynamique de repentance en rapport avec les crimes politiques de 1977 ?

Commençons par un rite adulé du Congo de Sassou : la fête.

FESPAM (Festival Panafricain de Musique)

Anatole Collinet Makosso aurait justifié son choix de lancer Fespam 2023 à Paris (siège de l’Unesco) (et non pas à Brazzaville) par une boutade de son cru. « Paris-Dakar, a-t-il dit, se court en Amérique du Sud et il commence à Marseille.  »

On joue tam-tam à Paris, ça résonne à Brazzaville. Village planétaire !

Rumba

Il ne reste pas moins que le test musical offert, ce 31 mai, au public sur l’esplanade de l’Unesco n’a pas plu aux riverains. Les voix de Faya Tess, Quentin Mouyasco, Théo Blaise Kounkou, Balou Canta, Pierre Mountouari, Michel Rafa, Nina Wateko...l’inévitable Roga-Roga ont porté la sempiternelle rumba sans trop convaincre. Ceux qui connaissent la rumba espagnole, cubaine ou argentine comprennent difficilement cette homonymie et cette analogie entre deux genres de musique qui n’ont rien en commun aussi bien sur le plan de la mélodie que sur celui de l’harmonie.

Secret de Polichinelle, FESPAM cette année est un gouffre financier qui rapportera davantage à ses organisateurs qu’à la culture congolaise.

Stade comble

Sur le dispositif de l’égocentrisme, les enjeux portent sur la capacité d’amener la foule au stade Alphonse Massamba-Débat par les artistes qui s’y produisent. Il y va de l’honneur des stars de la chanson.

Aussi étonnant que cela puisse paraître, vu la modeste taille du mythique lieu sportif, il semble que Massamba-Débat soit aussi difficile à remplir que le mythique tonneau des Danaïdes. A en croire Les Les Dépêches de Brazzaville, 30 mai 2023, le célèbre artiste Kinois, Fally Ipupa, s’y serait cassé les dents samedi 29 mai 2023. (On pensait le contraire au regard des images humaines.) Le bonhomme avait pourtant drainé 120.000 spectateurs au Stade des Martyrs à Kinshasa. Fally a été incapable de vaincre Ta Massamba (capacité d’accueil 33.000 places).

Le pari cruel du moment : remplir le stade avec des spectateurs désargentés, de surcroit chômeurs structurels. Du pur sadisme des organisateurs.

Aux dernières nouvelles, Fally Ipupa, ayant passé l’épreuve du feu, a adressé un message d’encouragement à Roga-Roga Lampadaire pour le 24 juin. En clair Fally dit : « J’y suis pas arrivé. Toi non plus. » « J’ai sué, à ton tour maintenant. »

Sassou soutient Missile Zangul

Dans l’optique de la solidarité de la canaille, Sassou a gentiment résolu de donner, en personne, un coup de main à Roga-Roga convié par les Brazzavillois de laver l’affront fait par Fally Ipupa. « Je serais là le 24 juin 2023 » a promis Otchombé. Entre-temps, ce samedi 24 juin 2023, Roga-Roga, patron d’Extra-Musica, meilleur musicien du Congo-Brazzaville (selon les critères harmoniques du PCT) va relever le défi engagé par l’organisateur du concert de Fally. Objectif : faire stade comble à Massamba-Débat. Etant donné que Sassou compte se jeter corps et âme dans l’arène, ce 24 juin 2023, il y aura foule. Le contraire serait étonnant. La seule présence de sa garde prétorienne à laquelle il faudra additionner députés, sénateurs et ministres, cobras, fans et bébés noirs des quartiers nord, suffira à atteindre la plénitude de Ta Massamba.

Vous vous doutez bien que l’heureux sponsor (VV Prime ) sur les épaules duquel repose cette méga-bamboula ( le concert de Fally et de Roga Lampadaire) est le prête-nom de Claudia Sassou Kiki et Edgard Nguesso. Le sassouisme est un phénomène social total au Congo. Son empreinte est partout ; aucun secteur de l’existence ne lui échappe.

Priorités

Eh oui, au Congo-Brazzaville, on en est là en termes de lutte pour l’émergence du pays. On privilégie l’évanescence au détriment de l’essentiel, le futile aux dépens de l’utile, le paraître au détriment de l’être.

Leçon d’éthique politique

Chose intrigante, à son retour du Nigéria où a eu lieu l’investiture du nouveau Président démocratiquement élu (Bola Ahmed Tinubu Buhari), le premier dossier auquel Sassou s’est attaqué est celui de la prestation de Roga-Roga alias « Missile » au Stade Alphonse Massamba-Débat.

Entre-temps, le Président nigérian sortant, Buhari, a fait rire jaune Sassou en l’invitant de quitter, comme lui, la scène. « 40 ans,c’est trop ! c’est ça qu’on appelle la dictature » chante Youss Band.

A peine rentré au bercail, Sassou a pensé à son « député sans étiquette » Roga-Roga.

Les langues de vipère n’ont pas loupé leur proie : « Mais il n’a rien d’autre à faire ? »

Amende honorable

Hum ! C’est moins jouer la Guest-star qui a motivé le Président congolais qu’une certaine façon de redorer son blason terni par des décennies de mal gouvernance.

« Alphonse Massamba-Débat » est un nom historique associé au drame sanglant du mois de mars 1977. On n’a jamais su ce qui est advenu à la dépouille de l’ancien Chef de l’Etat qui a régné de 1963 à 1968. La clameur public n’a eu de cesse d’exiger la vérité sur le sort post-mortem de celui qui fut froidement assassiné en même temps que le Cardinal Emile Biayenda. En vain.

Pour la énième fois, la problématique de la géolocalisation mortem de l’illustre Président se pose. Les ossements de Pierre Savorgnan de Brazza reposent désormais à Brazzaville un siècle après leur séjour au carré franc-maçon du cimetière d’Alger. Depuis la rebaptisation du « Stade de la Révolution » en « Stade Massamba-Débat » on attend un geste significatif des assassins du 2ème Président du Congo. La re-nomination a certes été effectuée par la voix souveraine du peuple dans le sillage de la Conférence Nationale de 1992. La connotation sémantique événementielle gouvernementale ne suffit pas. On veut des preuves.

Il est stupéfiant qu’en dépit de tout le tapage onomastique fait autour de Massamba-Débat, les oreilles de ses tortionnaires ne sifflent pas et son potentiel assassin ne caresse pas l’idée de restituer ses restes mortuaires.

Lambert Ekirangandzo

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