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Ballet :

Wa bela yaoula : danse d’un soir d’été

Le ballet Wa béla Yaoula, expression culturelle congolaise

La culture est tout ce qui reste lorsqu’on a tout perdu. C’est exactement le cas des artistes congolais de Lyon chassés du Congo par la guerre civile, dépouillés de tout leurs biens matériels, nus comme ver de terre à leur arrivée en France voici peu de temps. Fort heureusement, il leur restait leurs talents culturels.

Le ballet Wabéla Yaoula a été fondé en 1999 à Lyon. Son créateur est Serge Saboukoulou. Le chorégraphe en est Serge Mambou.
« Au début, Saboukoulou misait sur les cours de percussion. Ca s’arrêtait là. Quand je suis arrivé, je lui ai dit qu’on pouvait s’organiser en association et monter un ballet. Ainsi est né Wa béla Yaoula » se souvient Joseph Malonga, pilier du groupe.

Les membres sont : Bienvenu Saboukoulou, Fred Albertti, Thom Loubelo, Joseph Malonga (Président manager), Fortuné Dih-Lalla, Séverin Matingou, Davy Hombessa, Vivien Mbizi, Rostand Nganga, Roseline, Astrid Alanakien.
« Ils ne sont pas tous là. Certains sont partis en vacances » ajoute J. Malonga.

Le ballet compte plusieurs sympathisants dont J. Yanguissa qui a vu sa prestation à Marseille et en a été séduit.
« Je leur ai dit de profiter de la période estivale pour faire le sud de la France » précisa M. Yanguissa, guide spirituel du groupe.

Wabéla Yaoula puise son inspiration dans les profondeurs de l’Afrique centrale et vous initie à la culture congolaise à travers ses chants et ses danses, ses rites et ses rythmes.

Le répertoire puise ses rythmes dans les différents groupes ethniques du Congo lari, bembé, bakongo, sundi, batéké, mbochi, kingoli.. et parfois d’Afrique (Guinée) :

En tournée dans différents pays et continents, le jeu de scène est à voir et à écouter.

POLICE

Un jour, le groupe Wabéla Yaoula s’arrête à Montpellier et décide de squatter les rues de la ville. Le spectacle bat son plein. Soudain, la police surgit. Le ballet ne possède aucune autorisation pour se produire sur la place publique. Le Président, Joseph Malonga est conduit au poste de police. Le commissaire l’interroge, veut dresser un procès verbal.. On vient du Congo, dit le responsable. Notre pays est en guerre. Nous jouons pour aider nos parents qui sont encore dans les forêts. Chez nous on dit « Wa béla yaoula ». (littéralement : si tu souffres, dis-le). Nous témoignons de la souffrance de notre peuple. Voilà pourquoi nous chantons dans les rues de France.

Wa béla yaoula, proverbe kongo emblématique de la souffrance d’un peuple accablé par des différents pouvoirs soucieux d’enrichir ses membres au détriment du pays. Rien dans le répertoire du ballet ne ressemble à des revendications politiques ni à un discours de protestation. Au contraire, l’enjeu est de présenter le Congo à un public qui ne se doute même pas que ce pays existe quelque part sur la carte du monde.

« Notre but est de sensibiliser et collecter des dons tout au long de l’itinéraire pour soutenir les différentes actions de l’association Wabéla Yaoula en faveur des enfants orphelins victimes de la guerre au Congo. » explique le prospectus invitant les lyonnais à venir voir le spectacle « Regard sur le Congo ».

A Montpellier, le commissaire , compatissant, laissa champ libre au ballet de donner son spectacle sur la Place de la Comédie. La musique exerce souvent un effet magique sur ceux qui veulent entraver son cours.

A Nice, ce 17 août 2002, le groupe occupe la Place Masséna, point nodal de la ville.. A peine a-t-il commencé son spectacle que deux policiers municipaux (dont une femme) s’amènent . « Avez-vous une autorisation pour jouer sur la place ? » demande le policier. Plus loin, deux CRS observent la scène, prêts à venir en renfort aux deux municipaux. …
« Bien sûr que nous avons l’autorisation. Elle a été délivrée par le maire en personne » répond Fortuné Dih-lalla, un percussionniste /danseur.
Il ajoute « De toute manière, notre responsable ne va pas tarder à venir. Il est allé signé un contrat ».

« Oui mais, il me faut un papier » insiste l’agent de l’ordre.
« Tenez, voici son téléphone. Vous pourrez vérifier »
Les forces de l’ordre téléphonent en vain. Joseph Malonga est injoignable.
« Je vous ai écouté depuis hier. J’aime ce que vous faites » confie, en passant, le policier municipal.

Le public commence à s’exciter. La vue des uniformes irrite.
« Pour une fois qu’on a un beau spectacle gratuit vous ne pouvez pas nous fiche la paix » proteste un spectateur qui doit avoir une dent contre le maire, amateur notoire de musique militaire.

Les policiers, de guerre lasse, battent en retraite. Le spectacle peut commencer.
Le ballet se dispose d’abord en cercle. Les artistes démarrent systématiquement la danse par une prière collective.

MAGIE KONGO

La prière a dû opérer. Le groupe n’avait pas l’accréditation pour jouer sur la place. Dieu seul sait pour quelle raison la police municipale a baissé les bras. La fête pouvait commencer. Le public, nombreux, était au rendez-vous. Un spectacle de cette nature, Place Masséna, était inédit.

« Je ne connaissais pas les percussions congolaises. Les Djémbé sénégalais ont envahi l’espace européen alors que l’Afrique compte plusieurs formes de rythmes » nous confie Momar Gaye, conteur sénégalais résidant à Cannes.

« En général nous attaquons le spectacle par des rythmes classiques connus de tout le monde. Le Walla kongo vient à la fin, quand le groov atteint son comble » dit Malonga.

Les percussions kongo sont structurées comme un système de parenté : il y a la mère, le père et les enfants. Le tam-tam qui fait la basse a le statut de la mère. Les percus qui tiennent la rythmique ont le statut des enfants. Cette articulation est le reflet de la parenté kongo/lari, matrilinéaire. L’enfant appartient au clan de sa mère. L’axe dominant est un segment qui relie l’oncle au neveu ( des sujets mâles). Matrilinéarité ne signifie donc pas absence de virilité puisque c’est le frère de la mère (l’oncle) qui détient l’autorité.

Le pouvoir donne le leadership au tam-tam-tam/mère dans le rythme kongo.
Séverin Matingou boxe le tam-tam/mère. Ses solos sont monstrueux. Mais trop brefs (à notre goût).

Le public est quasiment en transe vers la fin de cette soirée d’été. Jean-Pierre Milandou, spectateur, ne peut plus se contenir. Il se lance dans la danse à cœur joie. La souplesse de son corps en dit long sur ses talents de danseurs. Son corps svelte transpire. La contre-danse lui impose des montées au créneau vers les percussionnistes et des retours vers le public. Les joueurs sont disposés en tenaille comme pour se saisir du monde des danseurs. Français, Italiens, Congolais, Capverdiens, Sénégalais, Ivoiriens sont autant de nations unies captivées par le fétiche congolais délivré à Banza-Kongo, capitale mythique et réel.

La scène de la Place Masséna est une cuvette. Les spectateurs ont une vue imprenable des artistes. Ceux-ci, écrasés par le regard du public ne se laissent pas impressionner outre-mesure.

Il est 22h, le point d’orgue est atteint. Le son s’éclate. Il s’envole dans le bleu azuréen du ciel. Les eaux de la Méditerranée leur servent de chambre d’écho. Au grand large les bateaux tanguent à la cadence et de l’eau et du walla.

Séverin Matingou frappe le cuir dans un solo assourdissant. Nos tripes en prennent un coup. Pitié ! pitié ! implore l’assistance. Les percus sont impitoyables. Wa béla yaoula, wa béla wassa. Un message doit être délivré. La mission du ballet est d’informer de l’état des lieux au Congo-Brazzaville. Mission accomplie, ce dimanche du mois d’aôut.

Dans la foule, se tient admiratif un grand artiste local, Dady Mimbo, Tchadien. Dady Mimbo porte comme nom de scène celui de Général.
« Je suis Général parce que, en Afrique, les généraux font la guerre. Moi j’apporte la paix avec ma musique. Je suis un général de la concorde. » explique-il.

Association Wabéla Yaoula
273, cours Emile Zola
69100 Villeurbanne.
Tél : 04 78 68 62 65
[email protected]

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