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Artiste congolais

Willy Lokéto, artiste Congolais à Nantes

Willy Lokéto, danseur et chanteur congolais, a mis le feu à la baraque à l’occasion de son passage en première partie du concert de Zaïko Langa Langa, à Nantes, ce 10 décembre 2005.

Souvent, c’est en braconnant dans les zones périphériques de la musique "classique" qu’on tombe sur l’inattendu, l’inédit.
C’est ce qui m’est arrivé ce 10 décembre 2005 à Nantes où Zaïko, groupe mythique congolais, donnait un concert à l’occasion de son trente-sixième anniversaire d’existence. Willy Lokéto, passa en première partie. Lieu de la prestation : La Maison du Quartier de Dervallières.

On ne saura jamais le nombre d’artistes découverts pour avoir fait un lever de rideau. Koffi fut découvert (et se découvrit artiste) en faisant les premières de Papa Wemba. Mon axiome est que chaque chose a un début, même si parfois le début est le... "début de la fin". Ici, le hasard qui fait bien les choses, fit que Willy fut appelé in extremis pour passer en vedette américaine. Le premier groupe pressenti pour ce prestigieux lever de rideau se désista. Les organisateurs du concert de Nantes ne regrettèrent pas d’avoir fait appel à cet "ouvrier de la onzième heure". Le sort (qui fait bien aussi les choses) paya Willy au centuple.

Willy Lokéto Show en action

Interculturalité, mariage des couleurs

Originaire de Brazzaville, Willy Lokéto ( de son vrai nom Hémilémbolo Koubémba William dit Hémile Koub) s’inscrit dans la dialectique de la danse moderne et de la danse traditionnelle africaine.
Jouant la carte interculturelle, sa chorégraphie fut notamment portée ce samedi 10 décembre par six danseurs : trois européennes et trois congolais. Quand on dit que la danse n’a pas de frontière on mesure réellement la portée de ce postulat chez Willy Lokéto lorsqu’il fait exécuter les figures les plus complexes de la danse africaine par des actrices européennes : "peau blanche, masques noirs" aurait dit Frantz Fanon.

Willy Lokéto dirige sa troupe de main de maître. Distribuant des rôles délicats à quatre danseuses européennes, ce chorégraphe congolais a fait mentir l’adage que le rythme est une exclusivité africaine et que la peau des noirs est le seul réceptacle naturel du mouvement corporel cadencé et saccadé, c’est-à-dire : le rythme.

On savait déjà avec la mondialisation que la notion d’exception culturelle est obsolète. En regardant danser l’équipe de Willy Lokéto, j’ai eu la preuve que désormais structurer des pas de danse africaine n’est plus le monopole des morphologies féminines venues du continent noir.

Poussant à l’extrême la tragédie du ndombolo (émanation de l’inaltérable soukous ) les six danseurs s’exprimèrent ce 10 décembre d’abord sur un play back de leur cru, ensuite sur la musique live de Zaïko. La prestation fit l’unanimité de la salle. Ceci n’est pas un moindre détail quand on sait combien est difficile le public qui va écouter des légendes comme Zaïko.

L’atout interculturel de Lokéto Show

Disons-le, ce samedi 10 décembre 2005, Willy Lokéto eut une plate-forme de rêve : faire la première de Zaïko, en présence de son gourou charismatique Nyoka Longo. Rompu au métier de la scène depuis l’époque glorieuse des opéras comiques « Très fâchés et Mouyidika » Willy n’eut aucun mal à se fondre dans le moule du show-biz régi par des critères de plus en plus exigeants. Cet enfant de Bacongo s’en tira même avec brio, brisant sans coup férir le carcan du trac, bête noire des artistes.

Willy sur scène

D’entrée de jeu, Willy attaqua seul la scène, sur un play back. Comme il fut magnifique, ce gladiateur, seul dans l’arène, un torrent de sueur ruisselant sur son corps svelte et musclé d’athlète bantou ! Son regard d’airain, mi-figue, mi-raisin, toisait la salle, électrisant les trois cents spectateurs, afin de les préparer à recevoir plus tard le grand Nyoka Longo. Doté d’une volonté acquise à la dure école brazzavilloise, le chorégraphe chauffa la salle avec un feu prométhéen.

Ce maître en danse fut ensuite rejoint par ses six partenaires, projettant littéralement sur l’écran de nos consciences un film en noir et blanc.
Qu’ils étaient beaux ces danseurs Black & White surfant sur un tempo « made in Congo » ! Du binaire ndombolo au tempo "six-quatre-deux" du folklore kongo assorti de quelques excursions dans le rap (notamment dans les solos chorégraphiques de Willy) tous les rythmes y passèrent,

Le parcours

Willy Lokéto est un rescapé de la turbulente période du Congo de la fin des années 1990.

Surtout Willy est un produit de l’incurie congolaise. En 2000, débarquant en France en compagnie d’un ballet venu représenter le Congo au « Rassemblements des enfants francophones du monde » à Chanteney Malabrey, Willy et tout le ballet s’évanouirent dans la nature apès les représentations. L’idée de rentrer au pays dans un horizon sans perspectives ne les enchantèrent sûrement plus.
Quinze artistes, sous la dénomination d’Africa Tambour, s’évaporèrent dans l’espace français.
A cela s’ajouta un aspect psychologique : « On ne s’entendait plus avec l’accompagnatrice » me dit Willy pour justifier son choix de ne plus rentrer au bercail.

Après la défection, l’artiste monta dans un premier temps à Rouen, puis à Paris. Après un bref séjour d’un an dans cette ville, Willy, cherchant sa voie, vogua vers Nantes.

Il décide de transformer le ballet en groupe Soukous. Africa Tambour devient Willy Lokéto Show. Avec son passé "Mouyidika et Très fâché", Willy était structurellement équipé pour changer de genre.

Après avoir sévi à Paris en tant que danseur du groupe d’Aurlus Mabélé, Willy Lokéto décida de jeter l’ancre dans la ville portuaire de Nantes en novembre 2001.

Pourquoi Nantes ? « J’y avais accompagné Cisco, un percussionniste congolais. Depuis, je n’ai plus jamais levé les voiles »

C’est à Nantes qu’il rencontre sa future épouse, Camille, danseuse formée à l’école du classique et du jazz.

Passé pré-colonial

Jadis, Nantes fut un important point de charge et de rupture de charge dans la chaîne du commerce triangulaire entre l’Afrique, l’Europe et l’Amérique. Les âmes des esclaves africains qui transitaient par cette ville doivent encore roder dans ses quais et onduler sur les vagues de la Loire. Serait-ce cette magie qui y a aussi attiré Willy, danseur émérite, originaire de Bacongo dont il a toutes les caractéristiques culturelles ?

Dynamisme

Ce soir-là, à la maison du Quartier de Dervallières, Willy attira mon attention au milieu des musiciens du groupe Zaïko, discutant avec Doudou, plaisantant avec Adamo, échangeant ses coordonnées avec Bidjana, l’ataraku.

Rien ne trahit mieux l’identité d’un homme que son accent linguistique. « Oui, je viens de Brazzaville. Je m’appelle Willy Lokéto. Je vais danser ce soir. Je ferai la première partie de Zaïko » me dit-il d’un trait. « Tu seras surpris par la qualité du spectacle » ajouta-t-il « modestement ». Je le fus en effet.

Willy (à gauche) ; séquence de répétition

Lokéto Show est composé de 12 musiciens dont un bassiste, Clovis , un ancien de chez Koffi, originaire de la Rép. Démocratique du Congo ; un guitariste soliste Dady (RDC) ; un accompagnateur Makosso (RDC) ;
Yondi, chanteur animateur (RC), Abel, chanteur (RC) ;
7 danseurs dont 4 françaises ( Camille, Claire, Aurelie, Céline) et trois Congolais de Brazzaville ( Servan, Alain, Villier),
Un batteur : Mani.
Willy Lokéto n’a pas perdu de vue l’esprit du ballet : « De temps en temps nous nous retrouvons pour des spectacles »

Clovis, Makosso et Dady

Aujourd’hui, Willy peut se sentir satisfait.
« Je sors un Dvd soukous en janvier 2006 et un CD »

Un tandem nantais de Willy Lokéto, ce samedi 17 décembre 2005, en compagnie d’ Extra-Musica de Quentin Moyascko donne raison à l’adage " les grandes âmes finissent par se rencontrer".

Le début du commencement

En tout cas, Willy est plein de détermination, il a le bagout, la niaque, la tchatche, le nzounzou, bref, il parle, et il parle bien. On entendra parler de lui, bientôt.


Willy Lokéto Show passe ce 30 décembre 2005 à Paris en duo avec Extra-Musica International de Quentin Moyascko.

Contacts : Willy Lokéto 0664659029

[email protected]

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