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Air Afrique

L’Éditorial de Benda Bika

Notre compagnie multilatérale, Air Afrique, va mourir. Le Conseil d’administration a signé, la semaine dernière, son acte de décès. Et, en théorie, une nouvelle société devrait lui succéder. Nouvelle Air Afrique aurait le même logo – ce beau logo aux cornes vertes d’antilope, enchâssé dans un cercle à carreau – et une partie du personnel actuel serait reconduit. « Serait » oui, parce qu’entre les départs en retraite sans recrutements substitutifs, les licenciements secs et les intentions réelles ou cachées du nouveau partenaire principal, Air France, on ne sait plus très bien qu’est-ce qui est certain, et qu’est ce qui l’est moins.

L’Editorial de Benda Bika

Les malheurs de notre compagnie multinationale, exemple unique de coopération continentale et de volonté d’union parmi des pauvres, révèlent au moins trois de nos faiblesses reconnues. Nous aurons du mal à nous raccorder au train de la mondialisation par des politiques de pisse-petits. Nous continuons de vivre notre relation avec l’ancienne puissance coloniale, la France, avec des arrière-pensées d’assistés boudeurs. Nous ne savons pas gérer un bien, même quand il est chargé du plus beau des symboles et d’affirmation d’une souveraineté.

La déréglementation du ciel européen, il y a deux ans, a ouvert la voie des airs à la compétition féroce qui nous vaut, à nous autres utilisateurs, de faire un Paris-Madrid ; un Vérone-Leicester ; un Malaga-San Francisco à moindres frais. Mais ces avantages ne nous touchent pas en Afrique, dans la partie centrale et/ou francophone du continent. Parce que les pesanteurs à mouvoir et les nationalismes étriqués créent des résistances en béton. Le Burkina Faso, le Mali, le Sénégal (en coopération avec le Maroc) viennent de mettre sur pied des sociétés nationales aux appétits régionaux et inter-continentaux. Des appétits nationaux vont tuer une ambition continentale.

La France a été tout de suite vue comme La solution. D’abord avec Yves-Roland Billecart, français repêché par Félix Houphouët-Boigny pour diriger la compagnie. Ensuite avec l’achat des Airbus préférés aux traditionnels Boeing. Enfin, avec Air France comme partenaire incontourné de reprise.Air Afrique en est arrivée à la situation que même pour ses deux avions, les vols devaient se faire en direction de Paris. Frais aéroportuaires d’un avion rendu Roissy : 17 millions de francs CFA. Dette de la compagnie : 33 milliards de francs CFA.

Enfin, nous avons brillé par l’incompétence et l’irresponsabilité magnifiques. Des scènes du genre : « ne décollez pas, le ministre prend sa douche », on les a entendus à Brazzaville, Ndjaména et Niamey. Les Etats-membres ont ajouté le poids de la gabegie. Les syndicats ont donné le coup de grâce en revendiquant plus que le raisonnable. Air Afrique est un éléphant à terre. La danse de scalp est commencée…

De tout cela naît une amertume d’on on ne sait qui doive en être le destinataire principal. Nous assistons, sans mots, au cocasse qui fait des nous des jouets aux mains de Air France, régnant impérialement sur le sol d’Afrique. Samedi dernier, plusieurs passagers ont été refoulés à Brazzaville au motif que leurs billets étaient d’Air Afrique. Leurs passeports fouillés et refouillés. Les vivres sans containers ont été rejetées. Les retards de correspondance se sont accumulés sans excuses. Nous continuons à nous dire Africains et indépendants.

Benda Bika

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