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Coup d’état permanent

Après les déclarations du colonel Bangui et la réplique des anciens « nsilulu » Pablo et Indien : Quatre scenarios se dessinent !

Nemrod, le « roi-chasseur » régnant sur les descendants de Noé, eut l’idée de construire à Babel (Babylone) une tour assez haute pour que son sommet atteigne le ciel (le trône de Dieu). Mais Dieu fit échec à cette entreprise en introduisant la « confusion » des langues.

Le mythe de Babel « met en scène des hommes qui essayent, non seulement d’assouvir leur désir de gloire et de puissance, mais qui essayent pathétiquement de se transcender, alors même qu’il leur est impossible de se détacher de leur essence : ils ne sont que des hommes, pas des dieux. Pour cette audace, Dieu les punit en les confondant à travers leur moyen d’expression : la langue. Ce faisant, Dieu divise les hommes et annihile chez eux toute ambition de dépassement. »

Le pouvoir de Brazzaville vit cette histoire de Babel. Le Nemrod de l’Alima est atteint de folie de grandeur. Mais à quel prix ?

Tous les hommes au pouvoir, ayant pour idiome le mbochi, rêvent demeurer au pouvoir jusqu’à la fin des temps. Se prenant pour des Dieux, ils veulent faire du Congo une monarchie où le pouvoir devrait soit passer du père au fils soit de l’oncle au neveu.

Sur cette question de la succession au pouvoir est née la fantaisiste guéguerre qui diviserait le clan en deux camps. Il s’agit du clan dirigé par le neveu de Sassou Nguesso,( mais qui, parait-il, ne le serait pas), à savoir Jean Dominique Okemba, et le clan qui veut que le fils, Christel Denis Sassou Nguesso, succède à son père. Parmi ceux qui soutiennent cette deuxième option, l’inculte général Nianga-Mbouala (celui qui se soucie de l’avenir des Mbochi). Comme dans le mythe de Babel, le projet de créer un royaume et le rêve de garder le pouvoir jusqu’à la fin des temps semblent capoter. Dieu a divisé le clan Sassou et annihilé chez eux toute ambition de dépassement.

Créer une affaire dans une affaire

Cependant, dans cette confusion, le commissaire de police de Makélékélé, le colonel Didace Alphonse Bangui, fait monter les rideaux pour faire voir le décor de la scène, et révèle le lieu où aura lieu cette guerre. C’est au Pool, comme d’habitude ! En effet, le colonel Didace Alphonse Bangui a rassuré les Congolais d’autres départements et la communauté internationale que la guerre n’aura lieu qu’au Pool.

Une façon de rassurer les sociétés pétrolières françaises. Voilà pourquoi elles avaient déjà fait débarquer au Congo des sociétés militaires privées. Elles protègent les grandes sociétés françaises ainsi que leurs personnels en fonction dans les pays étrangers. La France va loin. Elle a réintroduit le mercenariat dans le droit français. Les sociétés militaires privées recrutent souvent dans les rangs des militaires retraités.

Néanmoins, le colonel Bangui, dans une langue babélique, parle tout simplement, au marché de Bouro, situé dans le premier arrondissement de Brazzaville, d’un coup d’état en préparation dans le département du Pool, avec l’aide des mercenaires du Congo-Kinshasa. Il serait dirigé par deux anciens nsilulu : Alain Malonga alias Pablo, et Indien, lesquels ont tout nié en bloc.

Quatre scenarios se cachent derrière les déclarations du commissaire de police de Makélékélé.

Le Pool, « mpemba ga bonzo »

Le Pool est ce que les Lari appellent, eux-mêmes, « mpemba ga bonzo » c’est-à-dire un département indispensable dans tous les coups d’état. Comme le kaolin (mpemba) indispensable dans la fabrication de tous les fétiches, chez les Laris. Mais, pierre angulaire de la résistance anticoloniale, le Pool n’est pas seulement indispensable à cause de sa situation géographique ; mais aussi à cause du courage et de la détermination de ces hommes.

Premier scenario

Il vise à recueillir des informations. C’est dans la culture politique du Pct. Le jeu consiste à accuser publiquement des personnes sur lesquelles on veut avoir des informations. Voilà pourquoi la mission est confiée à un officier de police, et la déclaration est faite dans un marché où on peut vite avoir des réactions. Rappelez-vous de toutes les déclarations et accusations qui étaient faites contre les Bernard Kolelas, Fina Matsiona à la veille de chaque fête de l’indépendance, et les arrestations arbitraires qui s’ensuivaient.

Le colonel Bangui s’attend à ce qu’on lui reporte deux types d’informations. Celui dans lequel il veut avoir des éléments précis sur Alain Pablo et Indien, notamment s’ils sont encore très forts et prêts à reprendre les armes. Signalons que ces deux anciens nsilulu ont, dans la dernière guerre du Pool, en ont fait voir de toutes les couleurs aux mercenaires de Sassou Nguesso. Beaucoup ont laissé leurs vies dans les savanes et les forêts du Pool. Et, en bon résistant, Alain sait très bien faire sauter les ponts avec des engins bricolés. Le second type d’information vise les complices d’Alain et d’Indien et la capacité de nuisance de ces derniers. Sont-ils fatigués et devenus des simples charbonniers ? Le pouvoir veut donc en savoir plus. Le marché de Bouro était, ce jour-là, infesté de flics chargés enregistrer les réactions et cueillir les informations. Mais, cette déclaration du colonel Bangui peut paraitre aussi comme un clin d’œil fait à ces deux grands et anciens nsilulu.

Deuxième scenario

Il s’agit d’une provocation. On "pique" deux anciens nsilulu qui sont très célèbres et qui avaient géré des fronts. Pablo et Indien, ainsi que leurs hommes, repartent dans les forêts et préparent leur défense. Le piège se referme sur eux. Leur absence dans les villages servira de justifier une rébellion. Et, Sassou Nguesso trouve là une occasion en or et une raison apparente de déclencher une guerre dans le département du Pool. Tout en prenant soin pour qu’elle ne se généralise pas dans tout le pays, même si elle pourra fera quelques dégâts humains et matériels dans d’autres départements.

Mais, la vraie raison de cette énième guerre contre le Pool, est celle de ne pas aller à l’élection présidentielle en 2021. Ce, d’autant plus que le plan de Sassou Nguesso de faire adhérer l’opposition politique à son projet de l’élection du premier ministre devant remplacer l’élection présidentielle en 2021, a été étouffé dans son étape embryonnaire. Pourtant, le pouvoir était prêt à troquer ce projet contre la libération de Jean-Marie Michel Mokoko et d’André Okombi Salissa. Rappelons aussi que l’Opération Mouébara qui vise le dépeuplement de la partie sud du pays n’a jamais été abandonnée par Sassou Nguesso. Pour preuve, l’existence de la caserne et d’une armée privée de Sassou Nguesso, composée de beaucoup de mercenaires étrangers, et devant laquelle les deux chambres du parlement, la France, avec elle, toute la communauté internationale sont restées muettes.

Troisième scenario

Le Pool, « mpemba ga bonzo », l’expression pousse à croire que le pouvoir de Brazzaville a déjà un ou des complices dans le Pool. Les accords de paix signés entre le Cnr, le parti du pasteur Frédéric Binsamou, chef des nsilulu, l’arrêt de toutes les poursuites judiciaires à son égard, et l’autorisation qui lui a été faite de reprendre les activités de son église et de son parti, présageaient rien de bon. Le rendez-vous de 2021 était donc pris à cette date. Le premier scenario dans ce troisième scenario peut être qu’Alain Malonga alias Pablo et Indien ne soient pas au courant du nouveau deal de leur leader politique avec le pouvoir de Brazzaville ou ils s’y seraient farouchement opposés. Craignant donc de se faire découvrir, Frédéric Binsamou pourrait demander au pouvoir de Brazzaville de provoquer les deux nsilulu afin de les contraindre à reprendre les armes parce qu’ils se sentiront menacés. Et, pour ce faire, ils chercheront à se défendre.

Nous avons aussi le droit de nous demander pourquoi le colonel Bangui n’accuse pas directement Ntumi ? C’est Ntumi qui a les moyens financiers et les contacts avec le pouvoir, notamment les officiers militaires des Forces armées congolaises qui lui dotent en armes et en munitions. Alain Malonga et Indien ne vivent que de la vente du charbon. Où peuvent-ils trouver les moyens de se payer des mercenaires, les ravitailler et les doter en armes ainsi qu’en munitions ?

Nous nous demandons : que sont devenues les relations entre ces deux anciens nsilulu avec leur leader, Ntumi ? Il se peut que Ntumi veut sacrifier ses deux anciens poulains. A-t-il seulement réagi pour les défendre après les déclarations du colonel Bangui ?

Le deuxième scenario viendrait de la peur de l’entrée des adeptes du mouvement séparatiste Bundu dia Kongo du Congo-Kinshasa dans la guerre du Pool. Ceci au nom de la solidarité des Bakongos. Le projet de création d’un Etat appelé Sud Congo, fait toujours son chemin, chez certains Congolais originaires de la partie sud du pays, et que le leader du Dibundu dia Kongo, Zacharie Badiengila alias Ne Muanda Nsemi, a été arrêté au cours d’un assaut contre sa résidence qui a fait au moins huit morts, selon la police. Le pouvoir de Brazzaville pourrait donc soupçonner les adeptes de Ne Muanda Nsemi de se refugier dans le département frontalier du Pool.

Quatrième scenario

La météo politique nationale et internationale continue d’annoncer un ouragan qui va emporter la dictature de Brazzaville. Le soulèvement populaire est évident. Cependant, pour freiner l’élan des Congolais et retarder ce mouvement populaire, le pouvoir présente Jean-Dominique Okemba comme l’homme qui veut succéder à Denis Sassou Nguesso, et qu’il serait prêt à en découdre même avec les armes. Le conseiller spécial de Denis Sassou Nguesso, n’a-t-il pas déclaré devant les sages et notables mbochi que lui aussi a des militaires et des armes ? Mais, ce scenario peut être aussi un test sur la popularité de Jean-Dominique Okemba. Denis Sassou Nguesso le laisse tout faire et tout dire pour le mettre à l’épreuve et voir de quoi il est capable.

Le colonel Bangui, un piètre officier

Le colonel Didace Alphonse Bangui devient un piètre officier de la police nationale lorsqu’il parle des mercenaires venus de l’autre côté du Fleuve Congo et qui campent déjà dans le Pool. Certes, les frontières du Congo sont perméables et que les populations des deux Congo n’ont pas de difficultés pour se retrouver dans l’un ou l’autre pays. Mais, il faut noter que dans toutes les guerres récurrentes que le Pool a connues, il n’y a jamais eu la participation des mercenaires étrangers dans les rangs des ninjas ou des nsilulu, les combattants du Pool. Depuis les luttes anticoloniales jusqu’aux guerres que leur impose Denis Sassou Nguesso, les fils du Pool n’ont jamais eu besoin des mercenaires. « Gonda kwa ba weyi, ba gonda kwau  » est leur cri de guerre.

Les fils du Pool ne peuvent donc pas prendre le risque d’associer, dans leur lutte, des Congolais de la RDC dont ils reconnaissent être des parents par alliance de Denis Sassou Nguesso. Dans les veines de son épouse et celles de son fils, Christel Denis Sassou Nguesso, coule le sang des Congolais de la RDC.

Aussi, faut-il souligner que le colonel Bangui est de la police. Donc sous les ordres de Jean-François Ndengue, le directeur général de la police nationale, que d’aucuns rangent du côté de Jean-Dominique Okemba.

Tour d’ivoire

La guéguerre au sein du clan Sassou restera une guerre des discours. Elle ne se transformera pas en une guerre armée. Christel Denis Sassou Nguesso ou Dominique Okemba, personne ne déposera Denis Sassou Nguesso ou ne cherchera à le tuer. Et aucun d’entre eux n’ira jusqu’à tuer l’autre tant que Sassou Nguesso sera encore vivant. Cette guéguerre n’est qu’une diversion. D’ailleurs, la vérité sur ce long métrage sort de la bouche de Jean-Dominique Okemba lorsqu’il dit clairement, dans son entretien avec les sages mbochis, qu’avant de tuer Sassou Nguesso, il faudra d’abord enjamber son cadavre à lui.

Congolais mobilisons-nous pour empêcher cette énième guerre inutile du Pool qui s’annonce. Unissons-nous pour construire le Kongo Ya Sika, le Nouveau Kongo. Ne comptons pas sur Jean-Dominique Okemba pour chasser Denis Sassou Nguesso au pouvoir. Ce n’est pas un démocrate. Le chef des Mbochi n’est même pas victime de la Tour de Babel mais de la tour d’ivoire dans laquelle les a enfermés le tribalisme.

Serge Armand Zanzala, journaliste et écrivain

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