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Bataille autour de la croissance économique

Les institutions de Bretton Woods calculent les prévisions de croissance du Congo-Brazzaville à la baisse. Une révision de la croissance qui n’est pas du goût des autorités de ce petit « émirat pétrolier  » d’Afrique centrale. Le contexte et la conjoncture économique internationale pourtant s’y prêtent. Les principaux partenaires du Congo-Brazzaville sont touchés de plein-fouet par la crise. Celle-ci est devenue le lot de tous les pays organisés autour de la mondialisation de l’économie du fait de l’effondrement général de la confiance, de la valeur des biens et de l’activité.

Economie mondialisée à la peine

Les prévisions semestrielles publiées par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le 28 novembre 2011, sont sombres. " Contrairement à ce que l’on pouvait attendre au début de cette année, l’économie mondiale n’est pas tirée d’affaire " écrit Pier Carlo Padoan, secrétaire général adjoint et chef économiste de l’organisation, dans son rapport. Certes, elle ne sera pas en récession comme en 2009, mais la décélération en cours est incontestable. La croissance mondiale reviendra de 5 % en 2010 à 3,8 % cette année et à 3,4 % en 2012. Les raisons de ce coup de déprime sont connues. C’est d’abord la zone euro qui n’arrive pas à gérer la crise de sa dette. Ses atermoiements ont engendré une défiance des marchés sur sa capacité à éviter un défaut de ses membres les plus fragiles et jeté le doute sur la solidité de la monnaie commune. L’OCDE prédit que l’année 2012 sera pratiquement blanche avec une croissance de 0,2 % seulement. En réalité, la zone euro devrait connaître une nouvelle récession pendant six mois, durant le quatrième trimestre 2011 (-1 %) et le premier trimestre 2012 (-0,4 %) pour repartir ensuite très lentement (Le Monde,29 Novembre 2011).

Un pays à la remorque

Si la crise économique venait à se poursuivre, elle porterait un rude coup à nombre de pays pauvres en mettant un frein au commerce mondial. Bénéficiaire d’une croissance exogène, le Congo-Brazzaville ne dérogera pas aux effets de la crise économique internationale. 7,8 %, c’est la croissance prévue par le FMI pour le Congo-Brazzaville en 2012. Ça veut donc dire qu’il va falloir de nouveau trouver quelques milliards pour le budget exercice 2012 à des taux d’intérêt élevés du fait de son statut.

Au Congo-Brazzaville, un pays pauvre très endetté (PPTE), comme dans tous les pays qui traînent une lourde dette publique, la vie politique se déroule sous l’œil vigilant des institutions économiques et financières internationales et des marchés, dont la confiance se mesure au baromètre ultrasensible des taux d’intérêt qu’ils exigent des Etats.

De quoi dépend cette confiance ? De critères macro-économiques objectifs et de classements internationaux ; mais aussi de la nature du débat public dans les pays débiteurs. Au Congo-Brazzaville, il ne vole pas haut. Les institutions économiques et financières internationales et les marchés, on le sait, aiment la stabilité : ils apprécient les pays où règne la culture du compromis, ils se méfient de ceux où la vie politique se déroule sur le mode de l’affrontement radical, où chaque camp cherche à se démarquer à tout prix des initiatives ou des projets du camp adverse.

Le Congo-Brazzaville appartient, à l’évidence, à la deuxième catégorie.

Sésame

7,8 % de croissance du PIB ne fait pas l’unanimité parmi les prévisionnistes. Avec un gros point d’interrogation, parce que les experts ne sont évidemment pas d’accord.
A commencer par le gouvernement. Gilbert Ondongo et Nicolas Okandzi (le directeur général du budget et assassin du jardinier Bambélo) ont déjà révisé à la hausse ses prévisions et reconstruit le budget sur la base de 10 % pour l’année budgétaire 2012. « Suivant les prévisions des experts du Ministère des finances, la croissance économique nationale, en 2012, oscillerait autour de 10% », a fait savoir Gilbert Ondongo. Pour beaucoup d’économistes, les hypothèses de travail du budget présenté par Gilbert Ondongo sont trop optimistes, notamment le taux de croissance de 10%, et ne reflètent pas la situation de la conjoncture économique internationale.

En revanche, pour Sassou Nguesso, le PCT les leaders du courant libéral du « chemin d’avenir  », les engagements seront tenus. Sur la base donc de 10 % de croissance du PIB, le Parlement a adopté ainsi le projet du budget de l’Etat exercice 2012 arrêté en recettes et en dépenses à la somme de 3.645.575.000 francs CFA (congosite.com, 12 décembre 2011). Pour boucler le budget exercice 2012, le Congo-Brazzaville n’a pas renoncé à recourir au déficit qui irait alourdir le chiffre de la dette. Car, la dette est la somme des déficits accumulés en plusieurs années. Les emprunts extérieurs seraient de 464 milliards de francs Cfa. L’Etat bénéficiera, en 2012, aux taux fortement concessionnels, de trois autres emprunts de 100 milliards, de 10 milliards et de 5 milliards, respectivement, pour les relevés géophysiques sur l’ensemble du territoire, pour l’électrification rurale et pour l’équipement de l’hôpital Blanche Gomes.

Il y a belle lurette, hélas, que le Congo-Brazzaville a renoué avec le chemin de la dette. Le service de la dette publique extérieure absorbera 91 milliards de francs Cfa, contre 73 milliards de francs Cfa en 2011. Le service de la dette publique intérieure passera, quant à lui, à 80 milliards de francs Cfa, contre 65 milliards de francs Cfa, en 2011. Au même moment, le Gouvernement a indiqué que depuis 2009, le Congo-Brazzaville est le pays qui détient le plus d’avoirs extérieurs à la Banque des Etats de l’Afrique centrale(B.e.a.c). En 2011 « on s’approche de la moitié du total, soit un peu moins de 3.000 milliards de francs Cfa, en septembre, pour un total estimé à un peu plus de 7.000 milliards de francs Cfa » a précisé innocemment Gilbert Ondongo. D’un côté on creuse le déficit, de l’autre on accumule des avoirs à la BEAC (Banque des Etats d’Afrique centrale) : cherchez l’erreur.

Ring

Il faut en prendre son parti. Entre les institutions de Bretton Woods et le Congo-Brazzaville, la guerre de la croissance est engagée. Qui l’emportera ? Pour le Congo-Brazzaville, Sassou Nguesso, Gilbert Ondongo, Nicolas Okandzi, Sylvestre Ossiala (le Président de la commission Finances et Economie de l’Assemblée) et les agents du « chemin d’avenir », il s’agit, en bombant le torse, de brandir « 10 % de croissance » comme un trophée afin d’entretenir l’illusion de la croissance alors que les indices de performance classent ce pays en queue de peloton. Ce n’est pas avec une telle technique qu’on peut sérieusement faire le poids sur le ring économique.

Benjamin BILOMBOT BITADYS

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