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Pompes funèbres

Congo-Brazzaville - Les obsèques de Fernand Mabala, un bon coup de com de Sassou

Décédé le 4 août 2019 en France, l’artiste musicien Fernand Mabala, a été inhumé dans son pays le Congo-Brazzaville mercredi 28 du même mois.

Ce qu’il faut signaler dans cet évènement, c’est le contraste entre le faste officiel de la cérémonie et l’indifférence légendaire que le gouvernement congolais a toujours manifestée dans la prise en charge des obsèques de ses ressortissants décédés à l’étranger.

L’artiste musicien (en tout cas sa dépouille) a bénéficié d’un traitement qui est rarement d’usage quand il ne s’agit pas d’un chanteur officiel ou d’un membre important du gouvernement, du parti congolais du travail, du Parlement ou du Sénat.

La préfecture de Brazzaville où était exposé le catafalque du défunt a été décrite par les médias comme noir de monde, parmi lequel ses collègues musiciens, des officiels de la politique, les parents, les sapeurs et les badauds.

Jamais défunte personnalité congolaise n’a suscité une telle unité et pareille unanimité au sein d’une nation congolaise d’ordinaire encline à la division politique. Aucune voix discordante n’a été entendue au sujet de l’illustre disparu, compositeur d’un remarquable répertoire de chansons parmi lesquelles Yatama.

Toute cette sollicitude officielle ne ressemble pas aux mœurs culturopolitiques de ceux entre les mains desquels le Congo est géré depuis le coup d’état du 5 juin 1997.
« On ne nous avait pas habitués à autant d’humanisme et d’humanité depuis des lustres, pas même après les explosions du 4 mars 2012 à Mpila » a dit, dubitatif, un activiste de la diaspora.

Aussi cynique que cela puisse paraître, la vérité est que le célèbre musicien, devenu bagagiste à l’aéroport de Roissy Charles de Gaulle, est mort au bon moment.

Tiraillé entre pressions du FMI et revendications d’étudiants, de travailleurs et de retraités, le gouvernement de Mouamba-Sassou avait atteint sa plus haute cote d’impopularité depuis le début de ce qu’il nomme Rupture. Il ne savait plus où mettre la tête. Panama Papers, achat d’appartements luxueux outre-Atlantique, révélations sur le détournement filial de millions de dollars, disparition inexpliquée des réserves destinées aux générations futures etc., les tuiles ne cessaient pas de tomber sur la tête de l’exécutif congolais.

Fernand Mabala serait-il le Saint auquel le gouvernement s’est voué ? Quelque part, il s’agit de l’exploitation du proverbe kongo « Wa fwa wa toma. »

Redorer le blason

Le ramassis de kleptomanes que compte la classe dirigeante et qui se tue de démolir le pays avait besoin de redorer son blason terni par sa très mauvaise gouvernance.

La mort de Fernand Mabala, artiste qui a façonné l’imaginaire des Congolais dans les années 80 (ça ne date pas d’aujourd’hui étant donné sa longue éclipse hexagonale) sa mort (disions-nous) est tombée à pic. Non-originaire de la planète ethnique d’Oyo (comme Roga-Roga ou Chairman), Fernand Mabala a été un « bon macchabé. »

C’est de la récup dans les règles de l’art machiavélique. « Il n’est pas des nôtres donc on ne peut nous soupçonner de partisannerie  » ont calculé les stratèges des affaires funèbres du régime.

Le paquet a alors été mis. Déjà actif dans les pompes funèbres de Simaro Lutumba, le secrétaire d’Etat à la culture de Sassou, Dieudonné Moyongo, n’a ménagé aucun effort pour des obsèques dignes d’un musicien de renom qui a « fait danser le Congo. »

Exit (pour le moment) la grogne sociale et la clameur publique chez les grévistes de la fonction publique. Le pouvoir a réussi une trêve sociale de la virulente diaspora congolaise extra muro et des insurgés sociaux intra muro.

Sassou a réussi un bon coup de Jarnac. Il a d’abord tenté le coup avec la découverte onshore du pétrole du Delta de la Cuvette. Sans succès. Le musicien Yatama est une opportunité en or. Sa disparition a adouci les mœurs contestatrices postérieures au douloureux accord FMI. Jusqu’à nouvel ordre.

Thierry Oko

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