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Congo : le gouvernement contraint de capituler dans la "guerre des Téké"

BRAZZAVILLE (AFP) - Au terme d’un bras de fer sans précédent, le gouvernement du Congo a finalement capitulé dans la guerre de succession qui déchirait le royaume des Téké, l’ethnie majoritaire du pays, contraint de se ranger aux exigences des descendants de Pierre Savorgnan de Brazza.

Ignoré depuis deux ans par les autorités de Brazzaville, le roi Nguempio, 79 ans, a fait un retour triomphal samedi dans les rues de la capitale congolaise, à trois jours de la cérémonie au cours de laquelle la dépouille de l’explorateur français du XIXe siècle doit être ré-inhumée en grande pompe dans la ville qu’il a fondée il y a 126 ans.

Vendredi, le président de la Fondation Pierre Savorgnan de Brazza Aimé Emmanuel Yoka, également directeur de cabinet du président Denis Sassou Nguesso, était venu lui-même à Mbé, à 250 km, pour lui remettre une invitation officielle à participer à la cérémonie de mardi.

Ce bristol a levé la dernière hypothèque qui pesait encore sur le transfert des restes de l’explorateur français, et mis un terme, comme l’a reconnu la très officielle Radio Congo, à deux longues années de "fâcherie" entre les autorités du pays et le chef de la communauté téké.

Cette querelle a débuté fin 2004, lorsque le gouvernement a décidé de bouder l’avènement du 17e "makoko" ou roi des Téké Anguste Nguempio, pourtant désigné selon les usages traditionnels par dix des douze des "grands électeurs" qui composent sa cour royale.

Au contraire, le pouvoir s’est empressé de reconnaître l’arrivée sur le trône d’un autre septuagénaire désigné par les deux "grands électeurs" démissionnaires, Maurice Intsilambia, un féticheur connu pour ses liens privilégiés avec le chef de l’Etat, d’ethnie mbochi.

Les "légitimistes" ont crié au scandale, accusant le camp présidentiel de vouloir prendre le contrôle d’une population qui s’étend du Congo au sud du Gabon et à la République démocratique du Congo (RDC) voisine et représente près de 40% des 3 millions de Congolais.

Le roi des Téké n’a certes qu’un rôle purement symbolique mais, en raison de ce poids démographique, sa bienveillance, croit-on à Brazzaville, peut s’avérer déterminante en période électorale.

Depuis cette date donc, les rupture était consommée entre le gouvernement et la cour royale de Mbé. Jusqu’à ce que le président Sassou Nguesso ne décide de faire ramener à Brazzaville la dépouille de Pierre Savorgnan de Brazza, mort en 1905 à Dakar et inhumé à Alger.

Très vite, la famille de l’explorateur met son véto au projet. Et en échange de son feu vert, elle exige la reconnaissance par les autorités congolaises du roi Nguempio, descendant du roi Ilo 1er avec lequel de Brazza avait signé en 1880 le traité qui ouvrit la voie à la colonisation française et à la création de l’actuelle Brazzaville sur la rive droite du fleuve Congo.

Le gouvernement refuse de céder mais la détermination de la famille est sans faille. Et provoque à deux reprises le report de la cérémonie de transfert.

Si bien que le président Sassou Nguesso n’a d’autre choix, à l’issue d’une ultime réunion le 7 septembre avec des émissaires des deux cours rivales, que de finalement se plier à ces exigences et d’inviter officiellement Nguempio à la cérémonie du 3 octobre.

Signe que la crise a laissé des traces, il faudra encore que le porte-parole de la cour téké, le prince Louis Nsalou, se rende à Rome mardi à la requête du gouvernement pour arracher à la famille de Brazza le "oui" qui permettra, enfin, à son ancêtre de reposer dans la ville qui porte son nom.

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