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Contrat de partage de production : plaidoyer pour la mise en place d’un plan comptable sectoriel dans le cadre de l’OHADA

A l’heure où le prix du baril de pétrole est passé de 149 dollars à 63 dollars en quelques semaines et bientôt à 50 dollars comme le prédisent certains analystes financiers, tout le monde tremble, nos états le sont de plus en plus et nous profitons de cette situation pour dire aux uns et aux autres que c’est au moment où les choses allaient bien qu’il fallait engager des réflexions de fond mais la réalité est que lorsque le prix du baril était en hausse constante, nos dirigeants étaient dans une éphorie béate et beaucoup plus préoccupés par le profit escompté que par la gestion à long terme du secteur pétrolier dans nos états.

La situation actuelle, dominée par la crise financière internationale nous oblige à ne pas rester les bras croisés et à attendre à ce que ce soient les autres qui trouvent des solutions à nos problèmes.

A en croire le discours du président Sarkozy devant le conseil de l’Europe, La crise financière actuelle a une origine dans l’application des normes comptables bancaires (us Gaap aux Usa et les normes IFRS en Europe et le reste du monde) dans le cadre de l’évaluation et la comptabilisation des actifs bancaires, nous profitons de cette occasion pour tirer la sonnette d’alarme dans un secteur qui est très important dans notre économie, il s’agit du secteur pétrolier car à ce niveau aussi il y a des problèmes comptables que nos dirigeants ne veulent pas aborder soit par pure ignorance ou par méconnaissance :
Le présent article est tiré du sujet de mémoire d’expertise comptable soutenu par l’auteur en France en novembre 2005 dont certaines parties ont été publiées dans des journaux spécialisés et qu’il compte aussi mettre à la disposition de tout un chacun afin d’approfondir la réflexion :

Le Plan comptable OHADA :

L’instauration d’une pratique comptable uniforme a été à la base de la mise en place du nouveau référentiel OHADA mais malheureusement ce nouveau référentiel demeure un plan comptable général, c’est à dire il n’a pas vocation à régler les problèmes spécifiques à chaque secteur d’activité ; ce qui fait que, depuis son entrée en vigueur le 01 janvier 2001, les utilisateurs ainsi que professionnels n’ont cessé de faire face à de nombreuses difficultés.

Le secteur pétrolier est aussi confronté à ces difficultés car les principales entreprises doivent maintenant respecter les normes comptables locales(OHADA) de part leurs activités au plan national, et les normes comptables internationales à cause de leur appartenance à des groupes multinationaux.

Cette dualité pourtant nécessaire pour la gestion des sociétés pétrolières pose un réel problème d’interprétations, car les Etats reprochent à ces sociétés de ne pas respecter les obligations financières et comptables en vigueur dans leurs pays (en occurrence l’OHADA) ; les entreprises pétrolières se défendent en évoquant l’absence d’un plan comptable qui doit définir et harmoniser les pratiques comptables du secteur.

Or, Un plan comptable se nourrit des apports des utilisateurs et des professionnels à travers la doctrine comptable, car l’environnement dans lequel évoluent nos entreprises est en mutation constante, d’où la nécessité de pouvoir répondre aux attentes des uns et des autres.

Cadre Général : Rappel

La recherche pétrolière constitue ce que les professionnels du secteur appellent le secteur amont de l’industrie pétrolière : elle commence par la phase de délimitation de la zone géographique ou cette recherche se déroulera et prend fin par la mise en exploitation du gisement trouvé ; c’est un secteur qui est caractérisé par des investissements coûteux à résultat aléatoire c’est à dire un forage sur dix en moyenne pourra aboutir à une découverte susceptible de donner lieu à une exploitation.

L’Etat propriétaire de l’espace géographique met à la disposition d’une entreprise ou un groupe d’entreprise (opérateur) une zone sous sa souveraineté pour que les opérateurs entreprennent des activités de recherches pendant une durée limitée.

Ces opérations de recherche sont réglementées depuis les années cinquante, surtout dans les pays africains sub sahéliens par un contrat dont le principal est le contrat de partage de production.

Ce contrat de partage de production définit justement les droits et les obligations de chaque partie et garantit aussi aux opérateurs en cas de succès, le droit de se faire payer en nature des dépenses (coûts pétroliers ou cost oil) qu’ils auront engagées, de se partager le reste de la production ( profit oil) ; et le cas échéant de supporter seuls les coûts engagés.

La comptabilité étant l’algèbre du droit, il s’en suit que chaque contrat de partage de production doit faire l’objet d’une tenue comptable où les comptes annuels seront établis et publiés.

L’OHADA ET LE CONTRAT DE PARTAGE DE PRODUCTION

Le 17 octobre 1993, les seize Etats africains francophones ont signé un acte uniforme relatif à l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires ( OHADA) dont le volet comptable fait obligation, à toutes les entreprises effectuant leurs activités ou ayant leur siège social dans l’un des Etats signataires, de tenir et publier leur comptabilité selon le nouveau référentiel comptable.
Au sein des pays signataires de l’acte uniforme OHADA, les trois quarts sont des pays producteurs de pétrole et ont conclu avec les sociétés pétrolières, une centaine de contrats d’exploration ou de partage production ces trois dernières années ; selon l’Association des Producteurs de Pétrole Africains (APPA)dont le siège est à Pointe Noire au Congo, l’activité de recherche pétrolière pourtant peu nombreuse à la fin des années 90, va s’intensifier dans les dix prochaines années ; Le cas le plus concret est celui de la Guinée Equatoriale qui a signé au total dix contrats de partage de production entre 2001 et 2003.

Le contrat de partage production a un impact important sur l’opinion publique de ces pays à cause de son poids dans les recettes budgétaires d’une part et d’autre part, il demeure vital pour les entreprises pétrolières dont la pérennité dépend largement des réserves pétrolières exploitables à court, moyen et long terme

Au niveau des Etats, il y a de plus en plus un droit de regard sur les contenus des coûts présentés par les opérateurs et ne disposant pas d’une expertise en matière de contrôle de coûts pétroliers, ils font appels à des cabinets d’audit pour réaliser ces travaux, dont les conclusions leur permettraient d’accepter ou de rejeter certains coûts pétroliers.

En réalité, les Etats sont confrontés à deux difficultés majeures pour comprendre les informations comptables et financières mises à leur disposition par les opérateurs et les contrôler par la suite : l’absence d’un plan comptable sectoriel et le manque de formation des différents intervenants (agents du Ministère des hydrocarbures, des finances etc.) qui ne savent pas contrôler ces opérations.
Par contre au niveau des opérateurs, il est évoqué le caractère technique, juridique et économique fortement marqués par les opérations complexes, dont le traitement comptable exige des règles et pratiques comptables spécifiques.

Or ces règles et pratiques comptables relatives au contrat de partage de production ne sont ni adéquates avec le nouveau référentiel ni uniformes d’un opérateur à l’autre.
L’intérêt serait qu’à travers la mise en place d’un plan comptable sectoriel, nous puissions réduire au maximum ces disparités de pratiques comptables, en définissant un cadre commun où les professionnels et l’Etat auront un outil de travail de base.

Le plan comptable général étant un ensemble de règles et de modalités permettant de remplir correctement les fonctions comptables dans une entreprise ;il n’en demeure pas moins que l’existence et la prise en compte des spécificités sectorielles, le traitement des opérations complexes impliquent un apport sans cesse croissant de la part des professionnels pour aider ces entreprises et les autorités à comprendre les informations comptables et financières afin de mettre en place aux besoins, des législations adéquates, car un plan comptable a toujours une source réglementaire.

Dans nos pays africains francophones, nous sommes habitués, face à un problème comptable ou à une imputation des opérations comptables à nous référer d’abord au plan comptable général et dès qu’il y a un vide en la matière, les professionnels ainsi que les utilisateurs ont du mal à avoir une démarche appropriée car la doctrine comptable n’est pas organisée, ni diffusée dans nos Etats.

L’existence d’un plan comptable et l’apport de la doctrine en la matière ont un coté rassurant à la fois pour l’Etat dont les principaux agents n’ont pas de connaissances comptables approfondies et pour les entreprises qui ont en la doctrine une réponse à leurs problèmes.

Si le rôle de l’expert-comptable est d’appliquer la loi ou faire rappeler l’application de la loi dans une entreprise, on ne peut pas non plus lui reprocher d’utiliser les failles de la loi au profit de ses clients ; en l’état actuel des choses, il n’en demeure pas moins que ces lois sont prises par l’Etat, qui en amont, doit être attentif aux travaux des professionnels.

Guy Patrice AGUINGO
Expert-comptable diplômé
Associé Gérant du Cabinet Elohi-Congo

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