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Débat sur le dialogue : Et, si on reprenait les voies prises, en 1994, pour arriver au Forum national pour la culture de paix !

Depuis quelques semaines, la diaspora congolaise de France est, non seulement secouée et fragilisée, mais complètement divisée par sa participation ou non à un dialogue inclusif ou exclusif (peu importe les adjectifs qualificatifs) ; un dialogue qu’entendrait organiser le pouvoir illégitime et illégal de Brazzaville.

Il parait que Sassou Nguesso aurait tiré les leçons des échecs de tous ses précédents dialogues qui ont eu lieu (Ewo, Sibiti et Dolisie). Cette fois-ci, il voudrait associer les Congolais de l’étranger. Faut-il y croire ?

Cependant, les Congolais, abusés par sa mauvaise gouvernance, ne croient plus à sa bonne volonté. Chat échaudé, craint l’eau froide. Un menteur n’est jamais cru même quand il dit la vérité. Du coup, les populations, victimes de ses récurrentes guerres politiques, pensent comme le fabuliste La Fontaine. Elles parlent d’une invitation faite par le loup à l’agneau. Un dialogue avec quelqu’un qui vous roule dans la farine ? Voilà un contre-sens. Un agneau peut-il aller dialoguer avec un loup, une biche avec le lion ?

Il reste que le projet divise déjà la diaspora congolaise de France. Deux tendances s’opposent farouchement dans les médias sociaux et à travers des déclarations intempestives. Si la première semble être menée par l’ancien ambassadeur du Congo au Cameroun, Marcel Makomé, la deuxième, encore désorganisée, est composée par plusieurs individualités et mouvements dont les plus connus sont les Indignés du 242, Sassoufit et la plateforme associative, Assises Nationales du Congo.

Le Dialogue ? Parlons-en sans passion !

Pour avoir été membre du Comité préparatoire du Forum national pour la culture de paix, organisé conjointement, à Brazzaville, par le gouvernement congolais et l’Unesco, du 19 au 23 décembre 1994, après les troubles politiques qui avaient opposé les partisans de Pascal Lissouba et ceux de Bernard Kolelas et de son allié Denis Sassou Nguesso, entre 1993 et 1994, nous pouvons en parler.

Nous voulons ici dépoussiérer l’histoire et ressortir les différentes étapes qui ont conduit à la tenue de ce Forum. A notre avis, le principe d’aller à un dialogue ou à une conférence internationale, devait, du coup, être accepté par tous. Les démocrates ne doivent pas refuser le débat. Cependant, il appartient à chacun de faire savoir ses préalables ou proposer son contenu. Comme en 1994.

Le Mbongui, le Kanza et le Nzo-a-loono

Souvent, ce n’est que le mot mbongui que les Congolais utilisent lorsqu’ils parlent du dialogue ou invitent à s’asseoir autour d’une même table pour régler les contentieux ou laver leur linge en famille. Kanza, en mbochi, mwâze, en vili, et Nzo-a-loono, en teke sont synonymes du mot lari mbongui. Ca permet de dire que chez tous les peuples au Congo, le parlement lignager est une institution. La culture du mbongui est partout répandue. Aller au mbongui pour régler les problèmes du pays devraient donc être un reflexe des dirigeants congolais. Hélas ! C’est l’inverse. D’abord on massacre à tour de bras, ensuite, charrue mise avant les bœufs, on invite de se rendre au mbongui.

Le Forum national pour la culture de paix : l’aboutissement d’un long chemin

Dans un article que nous avons déjà publié sur ce même site de Congopage, nous avons dit que c’était un papier de Gaston Bazengamio sorti dans La Semaine Africaine et dans laquelle il appelait les jeunes démocrates qui sont dans tous les partis politiques congolais de sortir de leur peur et d’amorcer le dialogue entre eux, qui avait servi de déclic pour mettre les Congolais sur la voie du Forum national pour la culture de paix. Nous avons même dit que les bureaux de La Semaine Africaine étaient devenus le centre de l’actualité politique du pays pendant des mois. Nous y recevons tous ceux qui avaient adhéré à ce projet pour en discuter la faisabilité.
Heureusement, dans tous les grands partis politiques, en l’occurrence le Mcddi de Bernard Kolelas, le Pct de Denis Sassou Nguesso, l’Upads de Pascal Lissouba, l’Udr-mwinda d’André Milongo, le Rdd de Jacques Joachim Yombi Opango, le Rdps de Jean-Pierre Thystere Tchicaya… des braves militants étaient sortis du bois et avaient adhéré au projet, travaillant, chacun, son milieu politique, pour aller au Forum.

Des préalables

Aucun parti politique n’avait pratiqué la politique de la chaise vide. Des préalables ou des propositions sur les thèmes ou encore les sujets à mettre à l’ordre du jour de ce qui, au début, n’était qu’un dialogue national, étaient publiés dans les journaux. Il y a eu un vrai débat dans la presse. La Semaine Africaine avait publié des dossiers entiers pour convaincre et préparer l’opinion nationale et internationale à cette grande rencontre. Les universitaires avaient rompu le silence et inondé les pages des journaux par des articles de réflexion. Chaque parti ou personnalité politique avait fait savoir ses préalables et ses propositions dans la presse.

Devant cette pression des intellectuels, Pascal Lissouba céda

Le président Pascal Lissouba n’avait pas résisté devant la pression des intellectuels qui était grandissante dans tout le pays y compris dans son propre parti politique et dans son fief électoral.

Sassou Nguesso exigea l’égide de la communauté internationale

C’est le ministre Jean-Baptiste Tati Loutard, membre du Parti congolais du Travail, qui est venu, au Comité préparatoire, avec cette exigence de Denis Sassou Nguesso.
Nous étions dans le groupe de travail qu’il présidait. Devant cette exigence, une délégation conduite par le ministre Gabriel Matsiona était obligée de se rendre à Oyo pour rencontrer le leader du Pct. D’où vient-il qu’aujourd’hui, Sassou Nguesso ou ses partisans refusent ce qu’ils avaient exigé au président Lissouba ?
Sassou Nguesso craignait de tomber dans un piège. Il avait fait deux préalables avant d’accepter l’invitation. Soit le Forum se tenait sous la présidence de Nelson Mandela. Soit celle de l’Unesco. Et, c’est celle de l’Unesco qui avait été retenue puisque cette institution avait déjà organisé une telle activité dans un autre pays qui, lui aussi, connu la guerre.

La politique de la chaise vide ne profite qu’au pouvoir

Rejeter tout simplement et catégoriquement le principe de dialoguer avec Sassou Nguesso bien qu’il soit un président illégitime ou illégal ou encore génocidaire, sans proposer une autre issue de la crise, ne serait qu’une sorte de lâcheté. Acceptez de dialoguer et faites savoir vos exigences ou préalables.

Voilà une voie qui peut être salutaire. Rehaussons donc le débat s’il vous plait ! Mais, nous n’encourageons pas l’initiative privée de Marcel Makomé et compagnie d’aller rencontrer le pouvoir sans auparavant faire savoir à l’opinion nationale et internationale leurs propositions et leurs préalables. Mais, la rencontre de Makomé avec le pouvoir serait profitable si notre ancien ambassadeur y était allé avec un Mémorandum de la diaspora. Malheureusement, cette diaspora est incapable de fournir un tel document.

Serge Armand Zanzala, journaliste et écrivain

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