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Football

Diables-Noirs, champions du Congo 2007 avec Jean-François Ndenguet

Dans sa folle frénésie de tout contrôler, La Nouvelle Espérance a placé à la tête des Diables-Noirs l’un de ses meilleurs fers de lance, le colonel Jean-François Ndeguet. Résultat : l’équipe du Stade Missafou vient d’être sacrée championne du Congo 2007.

Ecrit en collaboration avec Mobouckou-Louamba

La victoire des Diables Noirs sacrés champions du Congo 2007 ferait partie du cours normal des compétitions si à la tête de cette équipe ne régnait pas le colonel Jean-François Ndenguet(*), succédant lui aussi à la non moins iconoclaste présidence d’un certain Hugues Ngouolondélé.
On ne peut pas ne pas penser à la fameuse prophétie populaire assortissant la chute du régime de Sassou à la victoire sportive des Diablotins. Y aurait-il relation de cause à effet entre ce parachutage d’un proche du Pouvoir dans la gestion administrative des Diables-Noirs et la fin du régime de Mpila ? S’agit-il d’une "infiltration en règle de l’adversaire" (pour reprendre les termes d’un fan de Yaka dia mama) ?
C’est, en effet, le comble des curiosités de voir une bête noire du Pool présider aux destinées de l’équipe à la tête de laquelle a traditionnellement campé un "natif du coin", une équipe, a fortiori, représentative de l’aire géographique à laquelle a appartenu la plupart de ceux que le vocabulaire judiciaire congolais désigne désormais par « Les Disparus du Beach ». A cause justement du soupçon de la participation du colonel Jean-François Ndenguet à la boucherie du port fluvial de Brazzaville, rien n’est plus surprenant, en effet, de le retrouver là où il est actuellement.
Etrange manière pour La Nouvelle Espérance de combattre le tribalisme (car c’est la raison officielle de cette nomination) quand on sait que l’actuel manager a déjà fait la prison…en France. On se souviendra qu’il a été extrait nuitamment d’une cellule des geôles de La Santé où il séjournait suite à un mandat de dépôt relatif aux massacres du Beach en mai 1999.
On pourrait, en forçant un peu les traits, comparer cette insolite nominartion au cas d’un ancien membre du IIIè Reich auquel le gouvernement allemand aurait confié les rênes de l’équipe de foot de la communauté juive de Berlin. "C’est de la provocation ! " s’insurgerait en choeur l’opinion internationale.
Les observateurs ont dû se gratter la tête lorsque les images de Télé Congo ont montré Jean-François Ndenguet, le présumé bourreau du Beach, jubilant en compagnie des joueurs des Diables-Noirs à sa descente d’avion en provenance de Pointe-Noire, la coupe à la main.
Comme les temps changent !
Même dans le pire des cauchemars, dans leur entendement, des farouches fans de yaka dia mama comme Kwakara et Un ngado (paix à leur âme) n’auraient jamais envisagé un personnage politique au passé aussi trouble que celui de Ndenguet à la tête des simba nsakala. Tout comme personne n’aurait imaginé Bernard Kolélas (avant sa reddition) présider aux destinées d’Etoile du Congo, étoumbou lo kia, dongolomisso.
Les temps ont vraiment changé.

A la décharge de cet appartchik (J-F Ndenguet) il faut dire qu’il n’aime pas que la guerre. Pour avoir déjà dirigé l’équipe de St-Michel de Ouénzé il aime aussi le sport. En tout cas il a une folle envie de gommer l’image de "tueur" qui lui colle à la peau depuis l’Affaire dite "du Beach." C’est sans doute pour cette raison également que les paroissiens de l’église Sainte-Marie de Ouénzé le voient chaque dimanche s’abandonner dans la prière.

Des vainqueurs au triomphe modeste

En tout cas, les fans des Diables-Noirs, d’ordinaire exubérants, n’ont montré aucun enthousiasme débordant à l’issue du match final que leur équipe a remporté sur le score de deux buts à zéro. Certes, il y a eu un cortège de véhicules entre Maya-Maya et les quartiers sud. Mais les rues de Bacongo son restées calmes. D’ailleurs, on peut se demander pourquoi cette finale a eu lieu à Pointe-Noire et non à Brazzaville. Sans doute pour neutraliser "l’onde choc" au cas où cette victoire avait été obtenue au Stade Alphonse Massamba-Débat, c’est-à-dire à quelque jet de pierre de Mpila, siège du pouvoir politique. Le choix pontonégrin aurait donc été gouverné par la peur des débordements ?
De toute façon, les fans ne sont pas dupes. Cette victoire, selon eux, serait l’œuvre d’une manigance comme les stratèges de La Nouvelle Espérance savent l’orchestrer. « A vaincre sans péril... »
Dans son nouveau crédo, Jean-François Ndenguet n’a donc pas hésité à faire gagner une équipe qu’il doit mépriser dans son for intérieur. Le jeu en valait la chandelle. Faire gagner l’adversaire n’a donc rien de douloureux pour Ndenguet puisque, dans tous les cas, les retombées de la victoire profiteront encore au supporteur d’Etoile du Congo dit étoumbou lo kia qu’on suppose qu’il est. Aussi n’a-t-il pas hésité, dans son calcul, de prendre le risque de placer à la tête du championnat national, le symbole sportif de ses pires adversaires. C’est compliqué tout ça, mais c’est ça aussi la poolitique (pardon, la politique)
Jean-François Ndenguet, neveu de Sassou et Hugues Ngoulondélé, beau-fils de Sassou seraient devenus, tout à coup sympathisants diablotins ? Etonnant quand on sait que leur mentor, Otchombé, avait coutume de sommer ses poulains (les Stelliens) d’être battus par n’importe quelle équipe (y compris Kotoko de M’foa ou V.Club Mokanda) sauf par les Diables-Noirs. Peur de la fatale prophétie de la perte du pouvoir ou expression de la haine ancestale à l’égard du Pool ?

Cheval de Troie

Ce que la Nouvelle Espérance vient de faire sur Diable-Noirs, n’est rien moins qu’une OPA, un raid, un noyautage, une infiltration de la région adverse du Pool. Jean-François Ndenguet sert ici de Cheval de Troie. Hier c’était Hugues Ngoulondélé, maire non élu de Brazzaville.
Aujourd’hui c’est le colonel Ndenguet. La stratégie semble marcher. On a domestiqué militairement la région, on s’est par la suite accaparé son signe de reconnaissance le plus fort : "Yaka dia mama". On peut désormais se vanter de « coucher chez l’ennemi ». Rien de tel pour le surveiller dans ses moindres faits et gestes. Il ne suffisait pas d’avoir sur l’échiquier poolitique des pions comme Isidore Mvouba ou Gérard Bitsindou, il fallait en plus une pièce-maîtresse, un caïd, un joker, spécialiste des coups bas, un méchant, un repris de justice : Jean-François Ndenguet. On ne peut jamais être plus prudent.
On voit jusqu’où nos amis de La Nouvelle Espérance sont capables d’aller pour bâillonner la région, à leurs yeux, la plus récalcitrante du Congo, la locomotive (d’après Lissouba), fief où comme les Gaulois de Vercingétorix vis à vis de Rome, Ntoumi, le trublion, continue à narguer le pouvoir de Mpila.
Parions que la victoire des Diables-Noirs, loin d’être celle du public du stade Marchand (stade Missafou) est, en définitive, celle du clan Nguesso, un clan boulimique, totalitaire, envahissant désireux de tout contrôler au Congo, aussi bien l’économie, l’admnistration, l’armée que les parties les plus intimes de leurs adversaires, pour mieux les mettre à genoux.
Diable Noir a gagné, Etoile du Congo a perdu. Mais pour Ndenguet comme pour n’importe quel froid calculateur, le principe reste le même : qui perd, gagne.

*Nota Bene : Colonel au moment du carnage du Beach, Jean-François Ndenguet a été promu général de brigade.

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