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Doris Kelanou, écrivaine et directrice de crèche maternelle à Pointe-Noire

Elle est écrivaine, mais sa contribution pour un mieux-être de la société ne se limite pas aux mots : elle y travaille de manière concrète en ouvrant une crèche-maternelle-garderie dénommée « Bout d’Chou  » à Pointe-Noire, la deuxième ville du Congo.

L.K : Doris Kelanou, vous avez longtemps vécu en France, mais vous êtes retournée vous installer au Congo, à l’heure où le rêve de nombreux Africains est de quitter le continent pour l’ ‘‘eldorado’’ occidental. Qu’est-ce qui a motivé ce retour au pays natal ?

D. K. La multinationale pour laquelle je travaillais avant de m’installer en France m’a fait une offre. Je n’ai pas hésité à retourner m’installer au pays et saisir cette belle opportunité que jamais je n’aurais pu avoir en France

L.K : Le lancement d’un projet professionnel est-il aisé au pays, eu égard à la conjoncture actuelle ?

D. K.  : Non, pas du tout. La conjoncture est très difficile actuellement. Sont associées à cela les tracasseries administratives auxquelles il faut faire face. On ne peut y arriver sans la volonté et l’abnégation.

L.K : Comment votre projet d’ouvrir une structure comprenant une école maternelle, une garderie et surtout une crèche a-t-il été accueilli ? Les écoles maternelles, on en trouve dans les grandes villes du Congo, mais une crèche est un phénomène relativement nouveau, non ? On confie son bébé à une nièce, une voisine, aux grands-parents… Peut-on dire que vous innovez ?

D. K.  : J’ai reçu beaucoup d’encouragements des personnes à qui j’ai parlé de mon projet lorsqu’il n’était qu’embryonnaire. Celles qui avaient plus d’expérience dans le domaine m’ont prévenue qu’il y avait d’énormes sacrifices à faire au début et je le constate, sans pour autant penser à abandonner.
Bien que peu nombreuses, les crèches ont toujours existé au Congo mais ne sont pas beaucoup fréquentées à cause de nos mœurs. Ce n’est vraiment pas une nouveauté. A l’époque déjà, ma petite sœur et moi-même allions à la crèche à Brazzaville. Mes parents étaient actifs et très ouverts d’esprit pour oser la modernité à cette époque. Ce qui est une nouveauté par contre, c’est la confiance que les parents font désormais à ces structures plutôt qu’à la famille, aux voisins et j’en passe. Ils n’hésitent plus à nous confier leurs nourrissons.
J’innove certes par rapport à ce que je propose à Bout d’Chou, qui est calqué sur le modèle occidental, mais les parents aussi. Ils sont désormais « émancipés ». Nombreux ont compris que la nièce, la cousine, la voisine, etc. a aussi une vie. Pourquoi la transformer en nounou bénévole qui en plus ne saura participer à la construction psychomotrice de l’enfant, alors qu’il existe des structures adaptées, avec des professionnels de la petite enfance, qui non seulement gardent votre enfant mais mieux encore, l’accompagnent dans ses éveils ?

Depuis que votre structure a été lancée, peut-on dire qu’elle constitue un véritable soulagement pour les parents de la ville où vous êtes installée ? En un mot, quel bilan dressez-vous, maintenant que vous avez un certain recul pour pouvoir juger de son impact ?

D. K.  : Depuis que Bout d’Chou existe, c’est un vrai soulagement pour les parents qui nous font confiance. Nos horaires sont flexibles, nos tarifs sont abordables, le cadre est beau, sain, propre et ludique, les repas sont équilibrés, les enfants sont bien traités et bien encadrés par des professionnels, un pédiatre consulte les enfants une fois le mois, nous proposons aussi la gratuité des frais d’inscription ainsi que les fournitures scolaires cette année marquée par la crise économique... C’est un souci de moins pour les parents qui n’ont plus à s’inquiéter pour tous ces détails. Bien que je sois encore à faire asseoir la notoriété du site, les deux premières années étant généralement les plus dures dans le domaine, le retour que j’ai néanmoins des parents est très encourageant. L’avenir est prometteur.

L.K : Les parents des enfants inscrits habitent-ils le quartier ou viennent-ils d’un peu partout ?

D. K.  : Les parents des enfants inscrits habitent les quartiers environnants. Grace à la publicité sur les médias, je suis sollicitée par d’autres parents habitant des quartiers éloignés. Cependant, confrontés au problème de transport, ils renoncent.

L.K : En cas de multiplication de la demande, avez-vous des critères qui vous permettent d’attribuer les places ou bien est-ce que ce sont les premiers arrivés qui sont les premiers servis ?

D. K.  : L’espace n’est pas très grand. Pour le bien-être des enfants, je ne tolère aucune saturation. Certes, les premiers arrivés sont les premiers servis, mais il y a un critère majeur d’attribution de places à savoir : les vaccins à jour. Un enfant non vacciné, même s’il est le premier arrivé, est refusé d’office.

L.K : Quels conseils donneriez-vous aux personnes originaires d’Afrique qui souhaiteraient aller monter une affaire dans leur pays d’origine ?

D. K.  : C’est à nous africains de construire l’Afrique. Ramenons sur le continent ce que nous avons appris de positif en Occident. Il reste beaucoup de domaines inexploités. J’encourage les gens à oser le retour aux sources, investir et créer de l’emploi. Devenir des acteurs du développement socio-économique de notre continent. Tout n’est pas rose, ne le sera peut-être pas immédiatement mais il faut oser, proposer, innover et la récolte est non négligeable. C’est très gratifiant de donner du travail à nos frères et sœurs africains qui à leur tour assurent le quotidien de nombreuses personnes.

L.K : Un dernier mot ?

D. K.  : Je souhaite longue vie à Bout d’Chou. Crèche-Garderie à ses débuts, à présent nous avons ouvert le cycle préscolaire. Nous sommes situés au quartier Tchimbamba, au prolongement du Foyer d’Eni Congo (Ex foyer d’Agip), Secteur OCI. J’invite les parents à faire bénéficier leurs enfants de l’offre exceptionnelle que nous faisons cette année vu la conjoncture difficile : gratuité des frais d’inscription et des fournitures scolaires ; des frais d’écolage revus à la baisse.

C’est très noble de mettre un sourire sur le visage des enfants et de contribuer à leur émancipation. Nous les avons dès le berceau et leur donnons des bases solides qui les accompagneront toute leur vie. Ma fierté sera grande dans quelques années de savoir que des cadres de ce pays seraient passés par Bout d’Chou.

Propos recueillis par Liss Kihindou.

Tél : 06 604 3382
[email protected]

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