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Étudiants

- L’Editorial de Benda Bika -

C’est Bamako aujourd’hui, c’était Ouagadougou hier. Et bien avant c’étaient Dakar, Abidjan, Bucarest et Moscou ou encore La Havane. Partout, nos étudiants souffrent. Et ils en sont réduits à des actions spectaculaires pour dire leur misère. A Bamako, ils viennent d’organiser un sit-in pour attirer l’attention sur les 26 mois de bourses que l’Etat – notre Etat – leur doit. 26 mois d’arriérés de bourse : c’est à dire deux ans et deux mois pendant lesquels des jeunes ont été oubliés de tous !

Cette misère n’est pas nouvelle, certes. Déjà sous Sassou I, et sous Lissouba, nos jeunes compatriotes en étaient réduits à tous les expédients pour tenir partout où on les envoyait. A Brazzaville, ils multipliaient les grèves. Mais contre quoi feraient-ils grève à Bucarest, Roumanie ? Ou à Mourmansk, en Russie ? Dans des pays où leur présence n’est que de moins en moins tolérée, maintenant que les vernis de l’internationalisme ont renvoyé à la brutale réalité du quotidien des peuples qui vivent comme une concurrence déloyale la présence de ces étrangers ?

Les Congolais aux études souffrent. Ils sont acculés partout à n’avoir de choix que dans la recherche des moyens de survie, ou se laisser mourir. Les études, pourtant bénéfiques au pays, sont compromises par les difficultés d’une existence qui se rappelle à eux dès la chambre du campus (pour ceux qui en ont une). Payer le loyer, les frais scolaires, les transports – manger, tout simplement : ils vivent le miracle de la survie au quotidien.

Pour ceux qui vivent dans la plupart des pays d’Europe Occidentale, tout pousse et bien vite, à rechercher un petit boulot. Le plus sûr chemin vers la sédentarisation dans des pays où ils ne sont pas toujours accueillis les bras ouverts, ni même désirés. Dans tous les cas, qui trouve son job fait son nid et adieu le futur cadre ! D’où des situations d’humiliation : hyperdiplômés, mais hyper-déconsidérés !

Le scandaleux dans la situation est que nous ne sommes pas n’importe quel pays ! Troisième producteur africain de pétrole après le Nigéria et l’Angola dit-on, le Congo produit 265.000 barils de pétrole brut par jour. Nous ne sommes que 3 millions d’habitants. Ne réussirons-nous jamais à nous nourrir, nous soigner, nous scolariser et prendre en charge nos retraités avec ce que nous rapportent nos ressources ? Si nous ne le faisons pas maintenant, que deviendrons-nous lorsque nous serons dix millions de Congolais ?

Reviennent les poncifs à succès. Une 4X4 VX, deuxième voiture officielle au pays, coûte 60 millions de FCFA pour les exemplaires les plus frustes. Il y a de quoi verser une bourse à 2000 étudiants pour le prix d’un seul de ces bolides.

Le Congo se prépare des lendemains de misère. Parce qu’il sacrifie ce qui devrait faire sa fierté de demain. Contraints à s’en sortir par eux-mêmes, nos étudiants se fixeront en majorité dans les pays où ils se seront réalisés. La fuite des cerveaux n’est pas toujours du manque de patriotisme. Ni la recherche absolue de bien-être au-delà des mers. Car bien des cerveaux qui souffrent aujourd’hui cherchent surtout les moyens d’abréger leurs souffrances. Pour longtemps.

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