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Flash-back sur la sortie officielle de Willy Lokéto à Nantes

Willy Lokéto a cassé la barraque à Nantes. On n’en attendait pas moins de cette bête de scène douée d’une énergie hors du commun et d’une pêche incroyable.

Ce samedi 24 juin 2006, Willy Lokéto a tenu sa promesse. La sortie officielle de son groupe a effectivement eu lieu à Nantes au Centre Socioculturel de Jamet. Comme promis, Congopage a été de la partie. Le concert s’est déroulé dans un environnement assez délicat. Le même jour Nantes accueillait des pointures de la world music : Salif Kéïta et Mory Kanté. A cela il faut ajouter les cérémonies classiques comme les mariages qui tombent les week-end.

Résultat : la foule n’a pas entièrement répondu au rendez-vous fixé par le jeune artiste congolais. Fort heureusement, l’affluence numérique n’est pas toujours le gage de la bonne qualité.

Willy Lokéto, une bête de scène aux ressources insoupçonnées

Reste que c’est toujours agréable de faire salle comble.
Aussi, à l’avenir, il faudra étudier le calendrier avant de conclure une date.

PONCTUALITE, POLITESSE DES ROIS

Prévu pour 21h30, le spectacle a commencé (ceci est un exploit) à l’heure dite. L’équipe de Congopage (Elisabeth, Alain Kounzilat, Simon Mavoula.) n’est arrivée à la fête que vers 23h à cause d’un intense trafic routier sur l’autoroute Paris/Nantes et d’une étourderie sur la rocade de Nantes. Munis d’à peine quelques indications, il ne fut pas facile de retrouver le lieu du concert alors que la nuit venait de tomber sur la ville. « Il pleut sur Nantes... » chanta Barbara. L’air me revint à l’esprit. En effet, en ce début d’été, quelques gouttes commencèrent à perler sur le pare-brise de la voiture d’A. Kounzilat pendant que nous longions la Place du Commerce avec ses quais où se pratiquait jadis le négoce du bois noir (esclaves).

"La Loire, fleuve noir à l’ombre des espoirs, gémissent ceux qui partaient dans le désespoir...."

Nantes est une très grande agglomération. Retrouver le spectacle de Willy équivalait à chercher une paille dans une botte de foin. Après avoir longtemps tourné en rond dans la ville, nous arrivâmes à bon port, guidés par des petits jeunes pour qui Willy n’était pas un inconnu : "Oui, ça se passe juste derrière ce grand bâtiment. Vous y êtes presque" dirent-ils tout exaltés.

Musiciens magiciens : Felly Koubaka, Auguste Mouamba, Régis Malonga, Emo

Situé non loin du terminus du tram (ligne 1) rien ne ressemble plus à un autre centre socioculturel que celui de Jamet. La salle des spectacles est de dimension raisonnable et peut accueillir jusqu’à trois cents personnes.

DE GROSSES POINTURES SANS GROSSE TETE

Pour ce concert inaugural, Willy Lokéto s’était entouré de musiciens de qualité. Felly Koubaka à la guitare solo, Auguste Mouamba à la rythmique, Emo à la basse, batterie Régis Malonga, percussion Blaise Tindi, Claude Boukaka, chant Ghady Koubemba, Serval, Alain, Potrain, Loko, Abel Sada, Swédé Lokolé. Toley, animateur (atalaku)

Danseuses : Camille, Claire, Aurelie, Nolwene.
La sono fut à la hauteur de l’événement. Seul ennui : le niveau des chants en façade manquait de puissance de feu.

Après le passage de Ludy HUXTADLE en vedette américaine, le concert proprement dit débute par un instrumental des Bantous de la Capitale : Maswa, tube de la fin des années 1960.

COURANT ARTISTIQUE, STYLE

Tous les musicos ont un bagage artistique considérable. En témoigne leur interprétation du morceau mythique Maswa. Cet hommage à Pamélo Moun’ka donnait des indications sur le courant dans lequel se situe Willy Lokéto. Incontestablement Willy s’inscrit dans l’école de Brazzaville, voire de Boundzéki, avec quelques incidences kinoises, intertextualité oblige. Et surtout ce fut une manière de montrer que tous les genres lui sont accessibles, celui des "anciens" et des "modernes". Willy Lokéto se situe entre "tradition" et "modernité". Il y a du walla dans son style, alternant du rythme binaire au ternaire. Pour Willy la scène est un lieu de continuité de sa philosophie d’existence. Or Willy est farouchement conservateur, ritualisant l’existence selon les schémas traditionnels de sa société congolaise. L’écouter théoriser sa musique est fort délicieux. "C’est un sage" conclut Elisabeth, frappée par sa vision éclairée du monde. Lokéto est un conservateur qui utilise les aspects positifs de la modernité à des fins traditionnelles. A 25 ans, il peut se prévaloir d’avoir un parcours de patriarche. Si jeune et déjà une étoffe de leader. "Africa Tambours", son association, est bâti sur le modèle d’une entreprise dont il est à la fois acteur et leader.

D’où lui vient ce pouvoir d’organisation ? Assurément de son passé brazzavillois et de sa compagne nantaise Camille, mère de sa petite fille Ismaël. La musique, il l’a commencée dans le milieu du ballet congolais brazzavillois où il a acquis ses performances de danseur afro. « Je l’ai connu gamin à Bacongo quand nous nous occupions du ballet Damart » se souvient Cisco, artiste congolais de Nantes. D’où son imagination débordante quand il s’agit de mettre en place des chorégraphies.

Des trajectoires musicales allant de la roumba au jazz

L’enfant de Bacongo a grandi. Venu représenter le Congo à un festival de jeunesse en France dans les années 2000, Willy s’est évanoui dans la nature avec sa bande. Rentrer au bercail était hors de question. Willy jeta ses amarres à Nantes où son destin et celui de Camille se croisèrent pour le meilleur et pour le...meilleur. Six ans plus tard, l’enfant prodige est devenu artiste confirmé, responsable d’un groupe de musiciens professionnels.

HORIZONS ET TRAJETS CULTURELS

Voici quelques parcours : Felly Koubaka, ancien guitariste de Zao a également joué dans Les Bantou. Son jeu est très jazz-rock. Felly a une maîtrise du manche impressionnante. Subtil, il n’hésite pas à faire appel à des sonorités soul pour exprimer ses chorus. Il a la particularité de lire la musique. Ceci explique sans doute cela. Aucun genre ne lui semble étranger. Equipé de pédales, Felly transmet à sa guitare un son wawa qui donne à la roumba une dimension supplémentaire acide, métal/fusion. Il a l’intelligence d’attribuer un statut d’étrangété aux morceaux sans trop les délocaliser de leur matrice culturelle car le dosage est savant. C’est l’école de Géry Gérard. Un guitariste, Juva ( de Papa Wemba) articulait son jeu de la même manière, au grand bonheur de tous ceux qui ne détestent pas que nos musiques braconnent d’autres planètes harmoniques.

En fait Felly Koubaka est le cerveau musical du groupe. C’est lui qui commande toutes les fonctions artistiques de chaque instrumentiste. « Oui, je connais Basile Tsika » avoue-t-il car son jeu ressemble à celui de cet autre virtuose de la guitare croisé à Montpellier dans Zimaméya. Pour la petite histoire, Felly Koubaka est entré dans le groupe de Zao après le décès du guitariste soliste Pémbellet, un virtuose lui aussi.

Auguste Mouamba, rythmique, est également pianiste, ce qui est un atout majeur quand on s’aventure dans le labyrinthe de l’écriture et de la lecture musicale. Il a joué avec Wemba au Festival de Carthage. Emo (bassiste) a accompagné Awilo Longomba, Mbilia Bel. Régis Malonga (batteur) demeure incontestablement la colonne vertébrale du groupe. Son jeu est franc et ferme. Ses coups de batterie précis, ses ballades en place. On pourrait lui reprocher de trop jouer « carré ». Mais à sa décharge, on peut dire qu’on ne doit pas toujours donner libre cours à un jeu de batterie quand les circonstances ne s’y prêtent pas. En l’occurrence nous étions ici à un spectacle d’un groupe en train de se mettre en place. Après la défection des anciens musiciens de Willy (ils ont leur propre formation « Système A » ) monter un groupe de toute pièce, un groupe doté de cohérence, ça prend un temps fou. Et, les folies ne sont pas toujous de mise.

VALEUR AJOUTEE

L’autre force de frappe de Willy ce sont ses danseuses, presque toutes des européennes (Camille, Claire, Aurelie, Nolwene ) et ses danseurs black : Serval, Alain, Potrain, Loko, Abel Sawa. Les danseurs chantent également. Les danses sont à la fois agressives et souples, acrobatiques et linéaires ; en un mot athlétiques. Une rivière de sueur arrose les corps endiablés. On aurait dit qu’ils sont possédés par quelque esprit rebelle. Leur mode d’exécution des danses les conduit à la limite de l’aliénation spirituelle des Eglises noires syncrétiques. Danse et transe sont des soeurs siamoises.

Quand la danse prend des couleurs, c’est un régal pour l’esprit

Ce qui ressemble à un bateau ivre est en fait structuré. Les chorégraphies sont conçues par Willy. Elles sont exécutées avec brio par des danseuses aux horizons artistiques originaux, sans liaison avec la danse afro. Venues du "classique" et du "moderne" les danseuses se sont mises à la danse africaine avec une aisance remarquable.

Sur scène on est frappé non pas par le "choc" mais par la connivence des cultures

Le spectacle de ce samedi 24 juin avait ceci de particulier qu’il était varié à outrance. Les chorégraphies se succédaient sans se ressembler. La plus impressionnante fut ce morceau d’équilibrisme sur les chaises. Dangereuse aussi...

Gadhy Koubemba possède la danse et le chant

Un mot sur Ghady Koubémba, remarquable danseuse, frangine de Willy Lokéto. Très belle...soeur, Ghady chante et bouge selon les règles de l’art corporel. Une démonstration de la danse kisagnola, sourire aux lèvres, ajouta au charme de cette jeune congolaise. C’était pendant la présentation des artistes. Un mot également pour Alma, Congolaise, danseuse anonyme dans la foule des spectateurs, compagne d’Abel Sawa. Par la qualité de sa danse, Alma fit du spectacle dans le spectacle.

APRES LE SPECTACLE

La "deuxième mi-temps" du spectacle eut lieu tard dans la nuit chez Eric Boukaka, un nantais qui donnait une fête dans son salon privé. Les aléas des parcours faisant bien les choses, il se trouve qu’on avait un ami commun, Guy Richard Songho, webmaster de Congopage. Il faut signaler, à ce sujet, que Congopage a bonne audience en milieu congolais. On s’en rendit compte à l’occasion de la quatrième mi-temps, ce dimanche, 25 juin, au stade Pablo Neruda (terminus de la ligne 1 du tram) où toute la communauté congolaise des deux rives se retrouve, discutant de tout et de rien.

Le passé commun de Willy avec ses choristes danseurs renforce leur complicité sur scène

La troisième "mi-temps" du spectacle se joua au matin, chez Willy et sa compagne Camille. Musiciens compris, on se retrouva tous dans leur loft. Rien de tel pour mieux comprendre un groupe que de voir les artistes en dehors de la scène. Les anecdotes des uns et des autres sont des mines d’informations de première main. Ca blague, ça plaisante, ça rigole. On comprend mieux les itinéraires. On se repassa la cassette du spectacle de la veille. Le feed-back est important pour se corriger.
Une guitare acoustique trainait dans un coin. Felly en extirpa des sonorités incroyables. Ce fut le boeuf. Muni d’une maracas, Régis Malonga donnait le tempo. On reprit les vieux airs de Zao, Jacques Loubélo, Kosmos, Trio Cépakos.

Quatrième mi-temps : parc Néruda, rendez-vous de ce que Nantes compte d’Africains des deux Congo. L’idée est pittoresque, le cadre bucolique, presque champêtre. Un gros arbre trône au milieu de ce pré urbain. C’est l’arbre à palabre au pied duquel s’organisent des échanges aussi bien verbaux que culinaires (brochettes de viande, beignets, bière fraîche). Une association y est née Eureka Cerbère, sous la responsabilité de Duke, artiste congolais. Duke a promis monter un podium dans le parc ce 15 août 2006 (fête nationale du Congo-B, en connivence avec les services de l’Ambassade de Paris.
C’est dans ce parc que l’équipe de Congopage a fait la connaissance de CISCO, personnage incontournable de Nantes, mémoire vivante, fin analyste, artiste dans l’âme, ami d"Alain Kounzilat, conseiller spirituel de Willy Lokéto. Ne partagent-ils pas la même sorcellerie, celle de la danse congolaise ?

En somme, Willy Lokéto a remporté la bataille de Nantes. Reste le plus dur des combats : conquérir le monde. D’autres l’ont fait. Pourquoi pas lui ?

Contacts WILLY LOKETO

0240367945

0664659029

AFRICA TAMBOURS

37 rue PAUL BERT
44100 NANTES

[email protected]

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