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L’émergence de la narration chez Eveline Mankou Ntsimba

Visibilité

Eveline Mankou a écrit 4 romans que les lecteurs apprendront à découvrir au moment opportun. Pour l’heure, pour se distinguer dans l’immense foule des écrivains anonymes, E. Mankou explore les réseaux sociaux très puissants et peu onéreux quand on veut quitter l’ombre pour la lumière.

Charité bien ordonnée commençant par soi-même, il ne se passe pas un salon, un colloque, une émission de radio sans que E. Mankou ne saisisse l’opportunité de s’y rendre pour gagner en visibilité.

Comité de lecture

Reste que le jeu arbitraire des lobbies de l’édition donne du fil à retordre aux jeunes auteurs chaque fois confrontés au syndrome de Marcel Proust. On sait que « A la recherche du temps perdu  » fut refusé par un comité de lecture qui comptait en son sein un certain André Gide. Combien de chefs-d’œuvre seront jetés à la poubelle parce qu’une simple ponctuation mal mise aura rendu furieux un jury et privé le public d’une occasion de s’enrichir l’esprit.

Quand on parcourt l’œuvre d’Eveline Mankou, on voit que dans la vie, la persévérance est une béquille qui peut porter jusqu’au seuil de l’excellence. « Son œuvre » dira la critique Lina Badila dans une note de lecture, « gagne de plus en plus en maturité. » Pourtant Dieu sait combien les débuts furent laborieux. « Désormais j’ai compris les codes de l’écriture. Je n’ai plus droit à l’erreur » avoue l’auteure qui doit aussi une fière chandelle à la romancière Liss Kihindou, l’une de ses premières critiques. Eveline ne se contente pas d’écrire, elle crie, creuse, croie, croit en tout, croise tout le monde (y compris Jean-Luc Mélenchon), ne crache sur rien, ne crane point, ne craint rien.

Ouvrages

(1°) « Patience d’une femme  » - (2°)« Misère humaine  » - (3°)« Dialogue imaginaire et imagé avec un fœtus  » - (4°)«  Instinct de survie » (paru ce 1er novembre 2012) - 5° « Danseurs de l’ombre  » (à paraître).

Dans « Patience d’une femme », sa première œuvre, le matériau de l’écriture est puisé dans ses douloureuses expériences de jeune fille immigrée empêtrée dans un mariage interculturel où son conjoint européen la soupçonne de l’avoir épousé pour avoir ses papiers. Dans « Misère humaine  », la condition d’immigrée de l’auteure continue de dominer l’œuvre. C’est ce qui a fait dire aux premiers critiques que son système de narration avait du mal à se libérer du carcan « autobiographique ». Au bout du compte, l’auteure commence à prendre une relative distance avec son propre vécu dans « Dialogue imaginaire et imagé avec un fœtus ». La rupture devient radicale avec « Instinct de survie  » (bientôt en librairie) où l’auteure fait carrément preuve d’œuvre d’imagination. Dans «  Danseur de l’ombre » Eveline Mankou s’aventure davantage dans la création romanesque, domaine où, quelque part, l’homme en donnant forme à des personnages imaginaires se fait l’égal de Dieu le Créateur. Grâce à cette puissance quasi divine E. Mankou peut désormais se prévaloir du titre d’auteure à part entière et, pourquoi pas, plus tard, entièrement à part.

Le fantasmatique

Bien que désormais campée dans la fiction, il reste qu’Eveline Mankou dont le cerveau a été alimenté, enfant, par les mythes et légendes du Bassin du Congo, puise dans ce magma ad ’hoc les briques qui lui permettent de construire son univers romanesque.

Alors qu’elle nous a habitué à une narration logique, brusquement, sans transition, les canons du rationnel sautent, le fantasque est carrément convoqué pour servir et valoir ce que de droit quant à son intrusion dans le monde de l’étrange. Ce changement devient opératoire dans « Dialogue imaginaire et imagé avec un fœtus  » dont l’intrigue se base sur un incroyable échange intellectuel : un enfant qui n’est pas encore né en train de faire une leçon de morale à sa mère sur le monde où il est en voie d’être accouché. Le changement de registre surprend dans la mesure où E. Mankou coiffe le chapeau de magicien, elle qui se bornait de copier le réalisme matérialiste en vogue dans la littérature ambiante. On aurait dit Gogol avec son Nez ou André Boulgakov avec son « Maître et Marguerite  ». Dans « Instinct de survie » Eveline Mankou s’attaque à un tabou en Afrique : l’albinisme, phénomène entouré de fantasmes et dont la sorcellerie s’est emparée comme objet d’investissement magique.

Formation

Dire que la métaphysique des contes écoutés au « mbongui » (foyer clanique) influence l’écriture de la romancière n’a rien ici d’original. C’est même inventer le fil à couper du beurre que d’avancer pareille hypothèse dans le cadre de la critique littéraire.

Alain Mabanckou a convaincu le jury Renaudot avec un roman «  Mémoires d’un porc-épic » élaboré suivant ce système narratif du conte où le merveilleux le dispute au rationnel. C’est dire combien suivre cette piste-là peut s’avérer payant du point de vue de la distinction. Eveline Mankou peut désormais jouer dans la cour des Goliath de la trempe de Jean Malonga, Tchicaya U’Tam’si, Létémbey Ambilly, Sony Labou Tan’si, Alain Mabanckou, Marie-Léontine Tchibinda, Marie-Noëlle Bizi-Bazouma, Sylvie Bokoko, Gislaine Sathoud, Marie-Louise Abia ; autant d’écrivains dont elle est la compatriote.

Motivations

Eveline Mankou est venue à l’écriture aussi bien par accident culturel que par amour des belles lettres, autant dire que tout chemin mène au quartier latin pour peu qu’on aime rimer avec les vers.

Après une enfance à Brazzaville, pays de Sony Labou Tan’Si, et une scolarité à Abidjan (pays d’Hamadou Kourouma) rien ne prédispose notre auteure au jeu intellectuel de la création romanesque. Enfant elle eut du mal à lire « Les versets sataniques » de Salman Rushdie qu’un beau-frère conservait dans sa bibliothèque. « Trop obscur pour moi  » avoue-t-elle. Ensuite, elle fit sienne cette proposition : pour bien écrire, il faut écrire. Mieux : pour bien écrire, il faut lire, beaucoup lire. Mais last but not the least Eveline écrit en raison de cette rage qui l’habite depuis qu’elle a compris que seule l’écriture peut libérer l’Africain de sa « façon exagérée de vivre le monde  ». Depuis, E. Mankou écrit et sublime la réalité, encore et encore, pour changer le monde noir de façon durable. « Instinct de survie » participe de ce combat qui consiste à faire la chasse à cet homme africain de Sarkozy qui n’est pas encore entré dans l’histoire. Ce qui est rassusrant, à ce sujet, c’est que N. Sarkozy valida une image d’Epinal.

Au fait, écrire ne valide-t-il pas une façon exagérée de vivre le réel ?

http://www.jetsdencre.fr/lng_FR_srub_11_iprod_346-L-Instinct-de-survie.html

http://evelinemankou.vip-blog.com/

« Instinct de survie » Jet d’encre, Paris 2012, 14,50 €

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