Ah ! mes aïeux, le monde n’est plus ce qu’il devait être ! Et si vous voulez mon avis, il ira de plus en plus en se tordant, ce monde, parce que dès l’origine Lui, là-haut, avait raté une marche. Car il ne fallait pas encombrer le Jardin de tant de créatures : « Nous » suffisions, nous ! Bon, c’est vrai : un peu de serpents (pour le venin) ; des lions (pour la majesté) ; des oies (pour le pâté) ; quelques éléphants (pour les safaris) et, sait-on jamais, une paire de paons (pour les plumes), cela suffisait amplement. Pourquoi diable a-t-il fallu planter des pommes dans ce jardin-là, je vous le demande ?
Parce que tout est parti de là, si vous voulez tout savoir : il y eut d’abord des pommes, puis des pommes d’Adam, voyez ? Naturellement, et vous l’avez compris vous qui êtes fins, la pauvre pomme en tant que pomme n’y est pour rien. Ce n’est pas elle qui a fait de nous des poires, non ! Elle a été aidée, sournoisement attirée vers le piège ; utilisée comme attrape-quelque chose ; induite en erreur. Mais cela est un autre chapitre que j’aborderai quand les temps seront accomplis. Pour l’heure, je vous écris deux lignes pour parler d’un homme que l’humanité a fait bien de classer parmi les hommes : il s’agit de Firmin, mon cousin.
J’ai freiné des quatre fers ; résisté aux pressions de la masse ; évité les chausse-trappes et les guet-apens ; paré les bombardements à fragmentation et au graphite de ceux qui voulaient à tout prix des renseignements sur mon cousin Firmin. J’ai tenu bon. Mais il y a quelques jours, deux autres demandes se sont ajoutées à la pile des précédentes, qui souhaitent en savoir plus sur Firmin. Une Mère Evé à Paris (non, de Paris, je crois), a souhaité voir sa photo. Je lui ai adressé un daguerréotype du plus joli effet. Mais je crains qu’il ne fasse pas justice à mon cousin, le plus parfait des hommes.
Ensuite, ce fut un vrai assaut mené par le Webmaster lui-même, qui cherchait d’urgence l’adresse de Firmin pour une affaire de calendrier (comment faire que les semaines comptent huit jours et les jours 23 heures, ou l’inverse, je ne me rappelle plus). J’ai analysé ces deux demandes et décidé de répondre pour couvrir mon cousin. Je vais vous parler de lui. En long, en large et en travers. Et vous verrez par vous-mêmes, chers amis, que si cet homme n’avait pas été mon cousin, eh ! bien il aurait fallu qu’il le soit ! C’était inévitable, écrit dans les tablettes de la loi : mektoub ! Car, comment voulez-vous qu’il en fût autrement, hein ? Comment Firmin aurait-il fait, le pauvre, pour être mon cousin si moi je n’avais pas été le sien, hein ?
Firmin, je vous l’ai dit il y a quelques années déjà, est un homme. Déjà, rien que ça vous en dit plus sur ses qualités. Sa moustache n’est pas fausse et quand il tutoie une bouteille, il y va vraiment avec le respect dû à l’étiquette. Il ne parle pas beaucoup, n’écoute pas beaucoup non plus : il médite. Toujours. Sa femme, c’est Séverine, le seul défaut que je lui connaisse. Firmin est président de notre club, le 3A : l’Association des Accolites Anonymes, et membre du Syndicat. Sa place de prédilection, c’est Place de la République, en face de « Chez Dédé ». Nous y taquinons la boule et le cochonnet, tous les soirs. Le maire ne dit rien, car il nous connaît. Et puis, il est le commissaire aux comptes du 3A.
Mimosa, ma femme, ne voit pas tout cela d’un bon œil. Elle n’en a rien dit explicitement, mais je le sens. Mais elle a une qualité incontournable, ma femme adorée : elle sait d’instinct quand les choses sont sérieuses et concernent la famille. Firmin est mon cousin, Mimosa est ma femme. Simple. Alors, calez-vous bien dans votre fauteuil, Mesdames et Messieurs, je vais vous parler de Firmin. Au prochain numéro. (A suivre)
BB
