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Le Congo charrie toujours des corps invisibles

Lu pour vous dans www.humanite.fr

Judith Depaule a présenté la Folie de Janus, de l’auteure congolaise Sylvie Dyclo-Pomos, dans la salle parisienne Confluences.
Voilà que s’avance cet homme traînant une vieille valise qu’il serre par une poignée informe, qu’il ne quitte pas des yeux. On comprend qu’il n’a plus rien à quoi se raccrocher, sinon cette vieille mallette cabossée, cognée, qui contient des souvenirs, vestiges d’une autre vie. D’une vie avant la guerre, avant les massacres, avant les viols, avant les tortures…

Ce n’est pas le texte qui est violent, dérangeant. Ce sont les faits, minutieusement consignés dans la mémoire collective, mais soigneusement tus et effacés par les autorités d’une guerre civile au Congo Brazzaville, qui sont terribles. Guerre civile, tribale, appelez-la comme vous voulez. Le résultat est là, dans toute son horreur.

En 2005, un procès a condamné le pouvoir congolais à dédommager les ayants droit des disparus. Depuis, en dépit des tentatives d’associations de droits de l’homme, l’affaire reste en suspens, peut-être au nom de l’amitié franco-congolaise…

Judith Depaule a découvert le texte de la Congolaise Sylvie Dyclo-Pomos, la Folie de Janus, au cours d’un séjour à Brazzaville. Elle l’a mis en scène et présenté quelques jours durant sur la scène du théâtre Confluences (1). La sobriété de la mise en scène n’a d’égale que la force du récit, témoignage brut de décoffrage qui donne à entendre cette histoire, perçant ainsi à jamais le silence officiel autour de ces massacres perpétrés par l’armée congolaise en 1999 sur des réfugiés disparus au port fluvial de la capitale, le Beach.

Ludovic Louppé incarne tour à tour ces hommes et ces femmes revenus de l’au-delà. Il est leur porte-voix quand eux n’ont plus la force de raconter. Sur le fil, d’une justesse à l’épreuve du choc ressenti par cette longue descente aux enfers, il capte l’attention du spectateur tout en maintenant une distance nécessaire pour que nous puissions aller jusqu’au bout du récit.

Seul, il ne l’est pas tout à fait. Derrière lui, sur un écran, son visage en gros plan digne de ces mauvais portraits-robots qui hantent les commissariats. Au fil du récit, son visage se transforme, réagit. Vivant, ce visage, au départ incongru, devient un partenaire muet et indispensable au jeu théâtral. C’est un beau travail, sobre, nécessaire et utile que nous tenions à saluer, même s’il faudra patienter pour le revoir. Nous ne manquerons pas de vous en avertir.

(1) C’était à Confluences jusqu’au 22 mars, 190 bd de Charonne, 75020 Paris, tél. : 01 40 24 16 34. Le texte de la pièce est publié dans Écritures d’Afrique, Paris, Cultures France Éditions, 2007.

M.-J. S.


La Folie de Janus

Publié par Agathe Parmentier dans Théâtre le 18 mar 2009
In www.theatrorama.com
Crédit photos Thomas Pachoud

Récit de réfugiés…

Présentée dans le cadre du cycle Afrique, violence extrême en héritage, La folie de Janus s’inspire de l’affaire des disparus du Beach de Brazzaville, qui, fuyant un génocide qui tait son nom, accostent au port fluvial de Brazzaville, le « Beach ». Ces réfugiés se voient parqués, triés puis séparés les uns des autres. Zatou (Ludovic Louppé) est l’un d’eux, et seul, dans le dénuement le plus complet, il se remémore les instants heureux de sa vie comme les exactions sans nom dont lui et les siens ont été victimes.

Pendant près d’une heure, le spectateur est happé par un texte sobre, plein de pudeur, parfois psalmodié comme une litanie monocorde, parfois scandé avec une hargne contenue, mais toujours vécu avec une intense sobriété. La force de l’écriture de Sylvie Dyclo-Pomos réside dans l’emploi d’un vocabulaire et un style naïfs, quasi-enfantins, en rupture totale avec les faits dramatiques qui sont évoqués. Sans fioriture, la parole de Zatou résonne dans l’espace et pèse sur les consciences.
Vibrant témoignage…

La mise en scène minimaliste de Judith Depaule sert l’intensité du témoignage qui nous est livré. Les effets visuels sont « maîtrisés », pensés pour permettre le prolongement de la réflexion du spectateur sans parasiter la portée de la parole. Les métaphores sont préférées à l’explicite, laissant le champ libre à l’interprétation de chacun. L’utilisation de la vidéo, permettant une représentation de l’âme torturée du héros, met en lumière cette référence à Janus, le dieu au double visage. Il s’agit ici de dénoncer les horreurs dont peut être capable l’être humain tout en mettant en garde contre l’écueil des jugements à l’emporte pièce et du manichéisme.

Dans la continuation du questionnement de Primo Levi dans Si c’est un homme, la pièce interroge sur l’idée même d’humanité : que reste-t-il à l’homme lorsqu’on lui a ôté jusqu’à sa dignité ? Où situer la frontière qui sépare l’humain de l’inhumain ? L’acuité de cette réflexion est accentuée par la dénonciation de faits réels pour lesquels les juridictions françaises se sont récemment jugées compétentes afin de « poursuivre et réprimer les auteurs des crimes de tortures qui ont conduit au massacre de plus de 350 personnes au Beach de Brazzaville en avril et mai 1999 » (arrêt du 10 janvier 2007 de la cour de cassation). La folie de Janus interpelle, dérange ; cela sans céder à la tentation de proposer des réponses « prêtes à penser ». A méditer…


La folie de Janus

DU 10 AU 22 MARS
Du mardi au samedi à 20h30
le dimanche à 17h
tarif unique : 10 euros - durée du spectacle : 1h

Dans le cadre du cycle AFRIQUE : VIOLENCE EXTRÊME EN HÉRITAGE
Confluences et Mabel Octobre présentent LA FOLIE DE JANUS de SYLVIE DYCLO-POMOS publié in Ecritures d’Afrique, Paris, Cultures France Editions, 2007

mise en scène JUDITH DEPAULE
vidéo et programmation OLIVIER HEINRY, THOMAS PACHOUD
lumières BRUNEL VIVIEN MAKOUMBOU
création son PHILIP GRIFFITH
avec LUDOVIC LOUPPÉ
production MABEL OCTOBRE (cie conventionnée DRAC et Région Ile-de-France)
Avec le soutien de Cultures France et de la Mairie de Paris

Durant la guerre civile de 98 du Congo, Zatou quitte Brazaville, se réfugie dans la forêt du Pool, puis dans un camps du HCR en RDC. Suite à l’appel de son gouvernement, il accoste avec ses congénères au Beach de Brazzaville. En attendant de connaître son sort, il se remémore ses années en forêt et les exactions dont été victime sa famille. Mais les rapatriés sont triés, et conduits vers des destinations inconnues…

DEBATS

Les représentations seront suivies de débats du mardi au vendredi et précédées d’un film les samedis. Les débats débuteront à 21h30, ils sont accessibles à toutes personnes munis de billets.
une P.A.F de 5 euro sera demandée pour ceux qui n’assistent pas à la représentation

EXPOSITION

Dans le cadre de la thématique, la Galerie Photo de Confluences présente l’exposition de photographies de Philip Poupin, Partis les mains vides, populations en fuite au Kivu (République Démocratique du Congo) -
www.philip-photos.com

+ d’infos sur http://confluences.jimdo.com

Confluences
190 bd de Charonne
75020 Paris métro Alexandre Dumas
réservations : [email protected] - 01 40 24 16 46

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