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Le FMI au Congo-Brazzaville : une infamie

Viendra, viendra pas ? La chronique d’un sauvetage annoncé du Congo par le FMI a connu des épisodes hollywoodiens. Finalement, Zorro/FMI est arrivé, sans se presser (chantait Henri Salvador) - Il a débarqué ce 27 septembre 2017 pour des négociations dont l’issue ne semble faire l’ombre d’un doute. Ce sera un fiasco comme le montre la sérénité avec laquelle les voyous de Brazzaville ont attendu la mission salvatrice du FMI. Comme César, Le FMI pourra lancer une sorte de Veni, Vidi, Vici (je suis venu, j’ai vu, je n’en suis pas revenu, j’ai été horrifié)

Un peu d’histoire

Plus jeune que Denis Sassou-Nguesso, le Fonds Monétaire International, créé en 1944-45, est une Institution financière dont nombre de pays en crise attendent en vain les preuves des plans de sauvetage. Sassou est alors assez vieux pour comprendre que lorsque les Institutions de Brettons-Wood t’apportent un remède, ce remède est accompagné de poison. Mieux : les experts du FMI sont doublés d’agent corruptibles à souhait, nourris au lait et au miel par les pays hôtes, auteurs de rapports complaisants. Comble de jouissances, l’un des anciens directeurs de cette organisation est fiché à la brigade des mœurs. Vous voyez, d’ici, le bordel !

Les Africains auront maille à partir avec ces organisations internationales au sein desquelles ils ne pèsent pas en tant que pays membres. De Gaulle critiqua l’ONU (le machin) pour son impuissance à régler les crises du monde. Il ne reste pas moins que les Africains doivent au général de Gaulle le très mortifère francs CFA, piège à cons des économies francophones postcoloniales, boulet qu’ils tirent à ce jour au point de pousser l’un des leurs à brûler une coupure de banque à titre symbolique. Vous voyez jusqu’à quel geste shakespearien peut pousser la soif de désaliénation de la jeunesse africaine !

Il y a quelque chose de nietzschéen dans les rapports économiques entre les membres du FMI. « Quand tu t’associes avec quelqu’un, imagine déjà les moyens de le tromper » aurait pu penser Zarathoustra. Composé de plus de 120 Etats, le FMI est l’articulation de deux poids, deux mesures. Quand les Américains et les Anglais s’attribuent la part du lion, les autres pays membres, notamment les pays africains démunis de poids économique, se contentent de miettes. A l’inverse de la fourmi de La Fontaine, le FMI est prêteuse ; et c’est là son grand défaut. En vérité sa philanthropie repose sur un postulat : « Je t’aide parce que ça m’aide »

Dans ces conditions, à quel joli sort est voué le Congo au chevet duquel les médecins du FMI vont se pencher alors que se profile à l’horizon la crise du franc CFA promise par les panafricains de Kémi Séba ?

Choc pétrolier

Les représentations que le commun des mortels se fait du FMI sont celles d’une organisation, non pas politique, mais économique. Erreur, car c’est pour ça qu’on se trompe d’analyse quant aux origines des crises qui frappent précisément les ex-colonies françaises utilisant le CFA comme monnaie d’échange. Le FMI est une organisation éminemment politique. Certains accusent le choc pétrolier (une cause économique) pour expliquer la crise, d’autres la main noire de l’ancien colonisateur. Le pétrole ? Le bel alibi ! Mais que fait-on des pratiques politiques des dictateurs comme Sassou capable de faire mourir de faim son peuple alors que le Congo vend des milliers de barils de pétrole ? Et si la crise résultait d’un horrible choc des idées ? La pauvreté serait-elle une volonté idéologique ? Une volonté de l’homme politique congolais de nuire à l’homme congolais sur fond d’ethnocentrisme ?

Trêve de débats de sophistes.

Les négociations

Le rapport de force que Sassou va instaurer durant les négociations seront en sa faveur car le tyran congolais compte un homme de main dans la maison. De l’avis général, l’ex-directeur Dominique Strauss-Kahn (car c’est lui le cheval de Troie) utilisera toute son énergie pour aider Sassou à se tirer d’affaire une fois de plus. En dépit de sa faible contribution financière au fonctionnement du FMI, le Congo de Sassou aura un traitement de faveur. Une sorte de deux poids, deux mesures à l’envers. Ensuite, selon un paradoxe bien rôdé en en matière de dette, moins le despote congolais remplit les conditions d’aide, plus il est aidé. Son admission à l’initiative PPTE (pays pauvre très endetté) illustra ce paradoxe d’un état qui compte des milliers de milliardaires mais qui est considéré comme pays mendiant.

A-t-on besoin de sortir de la cuisse de Jupiter comme Macron pour comprendre que le FMI n’est pas une banque mais un appareils idéologique mondial au service de l’aliénation des pays pauvres que les pays riches aident encore plus à appauvrir ?

En clair Sassou s’en tirera à bons comptes. Aux yeux du FMI, le sort des Africains ne vaut pas un billet de cinq milles francs CFA brûlé.

Le héros Zorro a tout zéro

Dans ce scénario du criminel absout par les gendarmes du Fonds monétaire, les Congolais s’abreuveront d’eau de mer comme lorsqu’ils vécurent durement sous le PAS dans les années 1985. Le FMI était venu, avait vu, avait convaincu l’Etat mendiant de serrer la ceinture jusqu’au dernier trou. C’est là où le bât blesse profondément. L’appel au FMI est un redoutable bâton que Sassou donne aux bienfaiteurs du Fonds pour fouetter à mort ses compatriotes. Et là où le jeu augmente en perversité c’est que le peu de pouvoir d’achat qui reste à ceux qui sont volés, ce peu-là leur sera ôté sans que cela ne coûte politiquement aux voyous de la République. Vraiment horrible.

La rue

Mais (car il y a un mais) la visite du FMI au Congo est le prélude de lendemains qui déchantent. La grogne sociale va accompagner les nombreux retards de salaires. Alors que l’ATC (Agence de transports congolais) , un naufragé qui cumule plus d’une année de salaires impayés, ne pousse pas ses travailleurs à la grève, rien ne dit que que Sassou mènera en bateau les agents du CHU et de l’Université (quatre mois d’arriérés) . La rue risque d’être la prochaine perspective d’attaque des congolais en colère. Cela même si Firmin Ayessa, qui donne désormais de la voix depuis qu’il est vice-premier ministre a promis « désamorcer » toute grève pour épargner le désagrément à Sassou. Mais, pour reprendre Alain Mabanckou, Sassou aura tort, depuis son palais, de se boucher les oreilles pour ne pas entendre, dans la rue, le piétinement des jeunes en colère.

Président africain

Emmanuel Macron, élu démocratiquement, n’aime pas la rue. Le jeune Président français a comparé Jean-Luc Mélenchon à un Président africain qui ne supporte pas de perdre les élections. « Heureusement qu’il n’a pas l’armée avec lui » a ironisé Macron au sujet du leader de La France Insoumise qui lui, envisage souvent la perspective de la rue comme lieu d’expression sociale. Le leader d’ En Marche (qui n’aime pas ceux qui marchent dans la rue) oublie que Mélenchon dispose d’une armée plus redoutable que la Grande Muette : le peuple. Marx, dans un autre contexte, appelait cette forte armée le prolétariat. François Hollande (l’homme à qui l’on doit Sassou) parlait de sans-dents comme métaphore du prolétariat. Les laissés-pour-compte congolais qui en ont ras le bol de vivre durement aujourd’hui pour vivre encore plus durement demain, auront beau jeu de dire à Sassou « allons seulement » vers la situation de 1991 et tu verras si « le ciel ne tombera pas. »

Pour ceux qui ont la mémoire courte, le ciel tomba sur la tête de Monsieur 8% en 1992 parce que ses poches étaient pleines tandis que celles des Congolais étaient vides.

Simon Mavoula

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