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Le Gabon veut lui aussi freiner l’immigration africaine

GABON - AFP
La vague est moins spectaculaire et moins puissante que celle qui déferle sur l’Europe, mais tout aussi réelle. Chaque année, des milliers d’immigrants africains débarquent illégalement au Gabon, sous l’oeil inquiet, impuissant et parfois complice des autorités.

Officiellement, les statistiques n’existent pas. L’Etat gabonais comme les organisations internationales estiment toutefois à « au moins 400.000 », pour la plupart en situation irrégulière, les étrangers installés dans le pays, soit près du tiers de son petit million et demi d’habitants.

Pendant le temps béni du « boom » pétrolier, le Gabon a accueilli à bras ouverts tous ces « frères » d’Afrique de l’Ouest, indispensables pour compenser son déficit démographique et de main d’oeuvre.

Depuis la fin des années 1980, l’âge d’or du petit « émirat » du Golfe de Guinée est révolu et ses frontières fermées. Mais il a gardé l’image d’un pays de cocagne aux yeux des nombreux Béninois, Burkinabè ou Togolais qui continuent à prendre la mer à destination de Libreville.

« Quoiqu’on dise, notre pays est riche et il est stable. Alors de nombreux Africains pauvres continuent à vouloir s’y installer, par tous les moyens », constate un responsable des services d’immigration gabonais.

Mais aujourd’hui, les autorités du pays estiment que la cote d’alerte est dépassée. « Il faut le dire, les clandestins nous causent d’énormes problèmes », assène le ministre gabonais de l’Intérieur André Mba Obame.

« Ils exercent une pression considérable sur nos structures de santé, nos écoles, nos logements. Ils sont responsables d’une large part de la criminalité et ils rapatrient chaque année chez eux 4 à 500 milliards de francs CFA (600 à 750 millions d’euros) », poursuit-il. « L’économie du Gabon ne peut plus se permettre une telle saignée ».

Ce discours n’est pas nouveau. Régulièrement, la presse locale claironne que le « seuil de tolérance » des sans-papiers africains est dépassé. Le gouvernement répond à ces colères épidermiques par des opérations « coup de poing » spectaculaires, mais souvent vaines.

Les filières d’entrée des Africains de l’Ouest au Gabon sont pourtant connues de tous. L’avion, la route, mais surtout la mer. Tous les mois, des pirogues surchargées partent du Nigeria déverser leur cargaison de « boat-people » sur les côtes gabonaises. Discrètement. Sauf quand un bateau chavire et précipite ses dizaines de passagers à la mer et à la mort.

Face à ce trafic, la police est impuissante. « On manque de tout, on ne peut rien faire », déplore un policier, « nous n’avons que 14 hommes pour surveiller nos 500 km de frontière avec le Cameroun et la Guinée équatoriale ».

Entre autres griefs, les responsables des services d’immigration déplorent aussi la rareté des expulsions et les « interventions intempestives des autorités », qui ferment les yeux ou parfois favorisent le recours à la main d’oeuvre illégale, forcément bon marché.

« L’immigration clandestine arrange beaucoup de monde », relève Baba Aboudjac, responsable d’une association d’entraide aux immigrants togolais. « Il n’y a pas de volonté de l’arrêter car elle profite à l’économie, notamment en pourvoyant les petits boulots dont les Gabonais ne veulent pas ».

Dans la foulée de la conférence euro-africaine de Rabat, André Mba Obame espère, lui, fermer le robinet d’entrée vers son pays, ou au moins réduire son débit. « Les pays émetteurs se sont engagés à lutter contre l’immigration sauvage, nous allons donc négocier avec eux des quotas », assure-t-il, « et renvoyer chez eux leurs ressortissants en situation irrégulière ».

Même assorti de promesses budgétaires, le coup de colère du ministre laisse sceptique. « Tant que des gens auront faim dans leur pays, rien ne pourra les empêcher de tenter leur chance ailleurs », lui rétorque Baba Aboudjac. « Autant leur demander de renoncer au paradis ».

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