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Le Palais de la Méditerranée à Nice -Promenade des Anglais : lieu de repos des rois nègres

FIN DE SOMMET - Ce 1er juin, le hall du stalinien palais de la Méditerranée (5 étoiles), n’a pas désempli de la journée. C’est un melting-pot où tous les pouvoirs noirs se sont concentrés après la Conférence de presse à Acropolis. Sarkozy préoccupé par la flottille pro palestinienne mitraillée au Moyen-Orient par Tsahal, l’armée israélienne, a déjà pris ses clics et ses clacs pour Paris, dès 14 h. Les Présidents africains, rois feignants, font la troisième mi-temps après les fiestas internationales du sommet. Des exceptions tout de même : Blaise Compaoré a déjà levé l’ancre. Sauf qu’il a quitté le palace pour un dîner (de gala) offert par son consul ce soir à Villeneuve –Loubet. En fait il est encore dans le coin. En revanche, le Président malien n’a pas tardé à décamper. Le sud-africain aussi. Bref On reconnaît les bosseurs à leur diligence à dégager les lieux.

Les rois fainéants sont dans leur suite tandis que dans la salle des pas perdus défile une noria de journalistes, de gardes du corps, de ministres, de conseillers et de badauds. Le Palais de la Méditerranée dont la nouvelle façade ressemble à un bâtiment néo brejnévien est une vraie passoire. On y entre comme dans un moulin malgré la présence de cars de CRS et de gendarmes alignés à côtés des limousines officielles. Le luxe de ce palace réhabilité dans les années 90 fait toutefois penser au palais de Versailles au summum de sa splendeur royale. Ce n’est pas étonnant que les monarques africains adorent descendre dans ce splendide hôtel, négligeant son rival, Le Négresco, situé à un jet de javelot de là. Sassou-Nguesso, Paul Biya, Bozize, le délégué de Joseph Kabila, Me Abdoulaye Wade, Ali Bongo comptent parmi les traînards. Le propre du pouvoir étant de se faire désirer, un petit groupe de congolais niçois présents dans le hall prend son mal en patience en attendant, sans doute que Sassou, daigne se montrer.

Soudain, je vois surgir une figure connue du pouvoir plénipotentiaire sassouiste, sans garde du corps : Henri Lopes.

Cobra teigneux

Au fond du hall, vers les ascenseurs enjolivés d’or, on m’indique un homme au téléphone. Je m’approche. Mon appareil photo Samsung à la main, je mitraille. Mal m’en prend. La riposte ne se fait pas attendre. L’agression vient de ma gauche, en la personne d’une espèce de marabout portant une serviette à mi-chemin entre la mallette satellitaire et la valise diplomatique. En fait, l’homme en train de téléphoner au fond du couloir, c’est Cristel Sassou... pressenti comme l’héritier du trône congolais. Le marabout, c’est son garde du corps. Dès qu’il me voit faire une photo, ce chien flaire vite le danger.

L’héritier fait les cents pas dans la salle des pas perdus alors qu’il est en grande conversation au téléphone. Le cobra qui lui tient lieu et de garde-corps et probablement de féticheur ne le quitte pas d’un iota. Paparazzi en herbe, je veux donc faire la photo du prince. Raté ! Le bonhomme (bien vu !) devine le danger que je représente pour l’image de son maître. Moi qui voulais croquer le fils faute du père, voilà qu’un chien (façon de parler) vient de me mordre au bras. Ci-après le dialogue surréaliste : « Vous représentez qui ? » me demande le teigneux cobra. « Je suis un ordinaire citoyen congolais » reprend le photographe amateur que je suis. Le cobra hésite entre confisquer l’appareil et en venir aux mains. Au bout du compte, il exige la suppression de l’image de son petit chef. Flairant l’incident politico-policier, ma parade est de battre en retraite. Le bonhomme est sûrement armé, comme l’autre. C’est qui l’autre ? (Vous le saurez plus loin). La scène ne dure même pas une minute. Sassou/fils ne se doute même pas du bras de fer qui vient d’avoir lieu à un jet de salive de son auguste personne. Toute son attention est concentrée sur son combiné téléphonique plaquée à son oreille alors qu’il parle avec de grands gestes. Physiquement le prince consort me parâit débonnaire. Il n’a pas vraiment le physique de son futur emploi. Mais ça viendra sans doute, si Dieu lui prête vie. Cependant, dans nos contrées tropicales bananières, l’histoire ne se répète pas toujours. Ce qui est arrivé en RDC, au Togo, au Gabon ne risque pas de se reproduire au Congo.

Bref, si j’avais croisé le célèbre Jean-Claude Kakou (Tobali) bien avant (me dis-je) peut-être que le clébard de Sassou/fils n’aurait pas sorti ses crocs. Et j’aurai fait ma photo de la journée. Le "prince héritier" l’a échappé belle.

Là-dessus passe un homme dont la silhouette est vaguement familière : « c’est le fils de Marien Ngouabi » murmure un quidam. Quelle ressemblance ! Le portrait craché de son père. « Il conseille le président centrafricain, Bozize » ajoute le connaisseur des mœurs politiques africaines. Quels conseils peut-il lui donner ? On se le demande.

Avant l’incident avec le gorille de Cristel Sassou, mon Samsung capture l’image d’Ali Bongo qui, excellent communicateur, pose dans le hall et sur l’esplanade du Palais de la Méditerranée avec des fans gabonais, dont un sapélogue.

Les Sénégalais, ces démocrates

Soudain du fond du couloir apparaît un homme en uniforme kaki collé aux basques d’un personnage escorté par cinq ou six bonhommes en civil et quatre à cinq journalistes armés de caméras et de téléobjectifs. L’officier d’ordonnance est précédé par un homme à la prestance duquel on devine qu’il représente un grand pouvoir. Son crâne est rasé. Il a quelque chose de malicieux dans le regard. Vous l’avez deviné, il s’agit de Me Abdoulaye Wade, Président du Sénégal. Le sapeur gabonais de tout à l’heure tend son appareil photo à un garde du corps et se colle au Chef de l’Etat sénégalais pour une photo-souvenir. Le Président se prête au jeu. D’autres imitent le sapeur. Wade pose avec qui veut être photographié avec lui. Sa garde le presse. Non Me Wade n’a pas envie de décevoir son public. A la sortie de l’hôtel, avant de monter dans sa limousine, une petite colonie de Sénégalais lui réserve un accueil des plus conviviaux. Une jeune militante wolof lui remet un journal (Diasporas news) qui parle de la diaspora africaine. « Lisez-le Monsieur le Président. Il est gratuit et ne perçoit aucune subvention » dit cette jeune demoiselle avec passionaria. Elle répond au nom de Coura Sene.

Le sourire ne quitte pas le visage du Président Wade qui a dû en voir d’autres en matière de bain de foule.

Assurément, l’émotion est nègre, la démocratie en Afrique est sénégalaise. Rien à voir avec le rejeton de Nguesso dont le garde du corps n’est rien moins qu’un curieux roquet brutalement transplanté de son Talangaï natal à la Promenade des Anglais. Hanté par la peur de l’assassinat politique, le Bantou de l’Afrique Centrale cultive une incroyable agressivité quand il se retrouve hors du sanctuaire de Brazzaville, de Kinshasa ou de Luanda.

Si vous faites un geste, je tire

Justement je vais vous parler de « l’autre ». Alors que je suis à la quête du scoop, celui-ci ne tarde pas à se présenter. Le dieu des journalistes est avec moi. L’évènement est là, au moment où je ne l’attends plus vu que Sassou ne veut pas s’extraire de sa chambre afin de saluer son peuple.
Soudain, un homme, véritable armoire à glace, déboule de l’ascenseur, toise la petite foule de Congolais RDC discutant à côté de moi, pointe son index vers celui qui paraît être le leader du petit groupe, les yeux en sang, lui lance cette question : « Que se passe-t-il ? J’ai appris que vous voulez faire de l’agitation. Je monte chercher le Président. Si jamais l’un de vous s’avise de troubler l’ordre à son passage, je vous préviens, sans hésitation, je vais tirer ». Stupeur. « Qui c’est ? » dis-je à l’une des deux dames qui compose la délégation des supposés trouble-fête. « C’est un colonel de l’armée ». Il est en civil. On dirait même un sapeur. Tout civil qu’il soit, il doit alors être armé pour menacer ainsi son monde. « Maître, tonne le militaire à l’autre dame, vous êtes avocate, je ne supporterai pas de troubles au passage du Président » - « Personne ne veut rien perturber » rétorque Me Céline Sanda du barreau de Nice.

En fait le Président Joseph Kabila, absent (comme Laurent Gagbo) au sommet françafricain, s’est fait représenter par le Président de l’Assemblée Nationale, Monsieur Boshab. En vérité, enquête faite, le remplaçant de Joseph Kabila semble lui-même à l’origine de la mini-révolte qui a déclenché la colère noire de son agent de sécurité et qui aurait pu salement rayer son image de marque auprès de J. kabila. Son erreur vient de la taille du cadeau (trop petit au goût des bénéficiaires ) remit à ses compatriotes venus faire antichambre au palace azuréen alors qu’il se prélasse tranquillement dans sa suite hôtelière située, probablement, à côté de celle de Denis Sassou-Nguesso. Donc l’objet de l’ire de ses supporters : une enveloppe contenant la modique somme de 400 €. « Quoi ! Malgré les dépenses faites, il ne nous a remis que ça ! » s’indignent les membres de la délégation non sans rappeler que, plus généreux, les autres chefs d’état séduisent la clientèle des supporters en glissant au moins 6.000€.

C’est quand même un métier dangereux que celui de faire les groupies des chefs d’Etats qui descendent dans les palaces azuréens à l’occasion des sommets. A cause du voyeurisme, votre serviteur a failli essuyer un coup de feu tiré d’un état voisin.

En quittant les lieux, je croise un Africain en grande discussion avec un gendarme français. Je cherche à savoir qui est ce black. "Quoi, tu ne le reconnais pas ? C’est Loulou" me dit Michel Ngombo, ancien gardien d’Etoile du Congo.

"Loulou ? Qui c’est encore, celui-là ?" me dis-je en remontant la rue du Congrès.

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