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Afghanistan

Les nouveaux maîtres de Kaboul

Le gouvernement intérimaire issu des accords de Bonn prend ses fonctions ce samedi en Afghanistan. Une équipe où les lieutenants du commandants Massoud tiennent les postes-clefs autour de Hamid Karzaï.

L’Alliance du Nord concrétise ce samedi sur le plan politique sa victoire militaire sur le régime des Talibans. Le gouvernement intérimaire qui entre en fonction fait, en particulier, une large place aux fidèles d’Ahmed Shad Massoud, le célébre chef de guerre assassiné le 10 septembre dernier.

Les ministères-clés des Affaires étrangères, de la Défense et de l’Intérieur seront détenus par trois représentants de l’ethnie tadjik. Ces trois quadragénaires ont en commun d’avoir travaillé étroitement avec Ahmed Shah Massoud.

Abdullah Abdullah, médecin de formation, sera le nouveau visage de la diplomatie afghane. Depuis le début des années 80, ce quadragénaire a multiplié les missions à travers le monde pour le compte des forces hostiles aux Soviétiques puis au régime des Taliban. A partir de 1996, Abdullah Abdullah devient le principal porte-parole d’Ahmed Shah Masssoud avant de représenter aux Nations unies le gouvernement afghan en exil. Autant d’expériences indispensables, au moment où le pays va devoir convaincre la communauté internationale de financer sa reconstruction.

Un Pachtoune en rupture avec les Taliban
Le portefeuille de la Défense échoit, sans surprise, au général Fahim. Longtemps éclipsé par l’aura de son mentor, Ahmed Shah Massoud, le général Fahim a su s’imposer grâce à des qualités guerrières développés depuis l’invasion de l’Afghanistan par l’armée soviétique, en 1979. On lui doit également la résistance des forces de l’Alliance du Nord contre les bombardements sur Kaboul ordonnés par le chef de guerre pachtoune Gulbuddin Hekmattyar.

Dernier poste-clé détenu par un tadjik, le portefeuille de l’Intérieur. Son titulaire Yanous Qanouni fut durant des années l’homme chargé de fournir armes et financement à Ahmed Shah Massoud. A partir de 1996, le nouveau ministre de l’Intérieur travaille pour tenter d’unifier les différents mouvements hostiles aux Talibans. Ce goût pour la diplomatie le place naturellement à la tête de la délégation de l’Alliance du Nord aux récentes négociations de Bonn.

Face à ce triumvirat, c’est un pachtoune qui a été désigné pour diriger le gouvernement intérimaire afghan pour les six prochains mois. Hamid Karzaï a pour principal atout d’appartenir à l’ethnie majoritaire du pays. Cette ethnie pachtoune dont sont également issus les Taliban. Le nouveau président fut même tenté un moment de collaborer avec les miliciens islamistes lors de leur prise du pouvoir en 1994. Deux ans plus tard, il est pressenti pour devenir leur représentant aux Nations unies. Hamid Karzaï refuse, affirmant à l’époque que les Taliban sont des agents pakistanais. Ses relations avec les Taliban vont aller jusqu’à la rupture en 1999. Le père d’Hamid Karzaï, ancien député est assassiné au Pakistan. Même si le meurtre n’est pas revendiqué, Hamid Karzaï accuse le régime de Kaboul de l’avoir commandité.

Il multiplie alors les contacts avec l’Alliance du Nord et se lie d’amitié avec Ahmed Shah Massoud. Cela devrait donc faciliter son travail avec ses nouveaux ministres. Le président par intérim peut également se targuer d’excellentes relations avec l’ex-roi Zaher Shah qu’il n’a pas manqué de consulter à plusieurs reprises avant sa prise de pouvoir. Hamid Karzaï avait même fait campagne pour un retour au pouvoir de l’ancien souverain. Dernier atout, et non des moindres, du nouveau chef du gouvernement afghan, ses bonnes relations avec les Etats-Unis. Hamid Karzaï avait, dès le départ, approuvé l’offensive militaire américaine contre les Taliban. Il apparaît donc le mieux placé pour convaincre les autorités de Washington de soutenir la reconstruction de son pays ravagé par 23 ans de guerre civile.

FRANCK WEIL-RABAUD
22/12/2001

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