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Militaires

Nous avons accompli une décennie de démocratie pluraliste, c’est à dire de régimes où plus d’un parti est toléré, et nous en sommes toujours au même point. C’est comme si nous en étions au monopartisme toujours : un monopartisme à plusieurs voix ! D’ailleurs le phénomène dangereux visible aujourd’hui est que les coups d’Etat eux-mêmes ont fini par être « nationalisés », « démocratisés », « légalisés ». On fait le coup d’Etat, on soulève les indignations de principe de l’Union Africaine, un peu de l’ONU et de l’ancienne puissance coloniale. Puis tout retombe.

Parfois, sinon souvent, le coup d’Etat rencontre l’assentiment d’une population exsangue, qui voit dans le changement, n’importe quel changement, une manière de meilleure respiration : tout sauf lui, disaient les Ivoiriens de Konan Bédié. Le général Gueï est venu, sous leurs applaudissements : les Ivoiriens ont cessé de rire le jour où il a littéralement emporté les urnes au palais. Pour mieux compter ses voix.

Marc Ravalomanana a-t-il gagné les élections, honnêtement, à Madagascar ? On ne le saura pas. Son adversaire, Didier Ratsiraka, n’a rien fait pour nous laisser juger par nous-mêmes. Leur duel, militaire, avec implication possible de mercenaires, s’est terminé par le départ en exil en exil de l’amiral. En France. Ravalomanana a gagné. En démocrate, dit-on. L’Union africaine a boudé un an, puis cette année elle a effacé tout. Madagascar est un pays en démocratie.

François Bozizé est Président de Centrafrique depuis le 15 mars dernier. Il avait auparavant tenté de renverser, par deux fois, Ange-Félix Patassé, Président élu pourtant. Dès son installation au pouvoir, c’est le Congolais Rodolphe Adada et le Gabonais Jean Ping qui sont allés lui donner du « monsieur le Président ». L’Union africaine n’a pas bronché. Patassé, sous le coup d’un procès, ne pourra pas même revenir chez lui. Il vit démocratiquement dans une autre démocratie magnanime : le Togo.

Démocratique aussi le renversement de Kumba Yala, en Guinée Bissau. Un Président saoûlard, limogeant et nommant un ministre par semaine, déposé par une armée adoubée par les Chefs d’Etat d’Afrique de l’Ouest accourus. On dit qu’ils ont « rétabli la légalité institutionnelle ». C’est à dire qu’ils ont demandé à un Président élu, de s’en aller avant terme. Démocratiquement.

Notre Congo ? Il se pose un peu là aussi en matière de cette démocratie-là ! Un Président élu avec plus de 60% des voix - à la régulière. Puis le déchaînement des guerres à répétition, une par année de mandat ou presque, jusqu’à celle sans doute qu’il ne fallait pas. Et qui a vu son renversement par plus expérimenté que lui en la matière. Exit Lissouba, arrive (de nouveau) Sassou : c’est le Président démocratiquement reconnu aujourd’hui.

Qu’est-ce qui a changé ?

Mais, surtout, comment avons-nous influé sur les changements si tant est qu’il y en ait eus ? Nos Présidents, élus ou non, sont des amateurs de violences. Tous : civils ou non. Et nous, peu ou prou, faisons des mains pour les soutenir ou les flatter. Un intellectuel congolais critique ? S’il est du sud c’est qu’il s’exprime contre un Nordiste, et s’il est du nord, contre le Sudiste. Le bien et le mal immuables depuis toujours ; figés dans le camp en face.

Questions : les militaires peuvent-ils faire notre bonheur ? Ont-ils rôle d’arbitres quand nos « démocraties » s’essoufflent et s’effondrent, ou nous font mal ? Sont-ils des acteurs incontournables du jeu de nos alternances - toujours avec eux, et jamais sans eux ?

Benda Bika

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