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Pointe-Noire, les scandales du péage de Côte Matève

L’instauration de péages sur les routes nationales pose forcément un problème éthique. Qui dit route nationale dit à charge de l’Etat et qui dit à charge de l’Etat dit à charge du contribuable. Si le contribuable a payé pour la construction d’une infrastructure, le taxer pour qu’il l’utilise nous semble relever de l’escroquerie la plus flagrante. Si ce péage est installé à l’intérieur même des nouveaux quartiers d’une ville en pleine croissance, ça ne fait qu’ajouter à l’injustice, mais quand on traite les différents usagers selon des régimes qui n’ont rien à voir entre eux là, rien ne va plus. Le péage de Côte Matève dans les quartiers sud de Pointe-Noire est l’exemple à ne pas suivre.

La loi N°7-2003 du 13 février 2004 à instauré le péage routier au Congo. Le gouvernement justifie cette mesure en affectant les recettes au "Fonds Routier" chargé de l’entretien des routes. De fait cette loi ne fait que faire passer de l’informel au formel les barrages de policiers véreux se constituant illégalement sur les routes sous prétexte de contrôle.

En mars 2007, alors que les premières barrières de péage légales sont déjà fonctionnelles sur la route nationale 2 au nord de Brazzaville (Péages de Djiri et d’Odziba), une étude très approfondie des infrastructures routières congolaises est rendue publique à Brazzaville. C’est le volet routier du Plan National des Transports. Ce rapport extrêmement détaillé du Cabinet Louis Berger SAS a certainement couté excessivement cher. Il est rédigé depuis 2004 mais il n’a encore jamais fait l’objet de communication. Sa présentation fait l’objet à l’hôtel Méridien d’un séminaire de trois jours placé sous la haute autorité du ministre des Travaux Publics, le général Florent Tsiba. Sont présents la plupart des préfets de département, le Directeur Général des Travaux Publics Blaise Onanga, celui du fonds routier Elenga Oba Nzengué, les différents Directeurs Départementaux des Travaux Publics etc. En exposant les chapitres concernant le financement du Fonds Routier Etienne Randriamanana y déclare que les postes de péage pourraient coûter plus cher que ce qu’ils rapportent. [1]

Le Fonds Routier, soutenu par le ministère des TP maintient la décision de poursuivre la construction des postes de péage du Kouilou. Une localisation se trouve sur la route nationale N°5 à environ 5 kilomètres à l’extérieur des limites de la ville. Une autre sur la route nationale 4 au lieu dit Côte Matève que l’urbanisation sauvage complaisamment orchestrée par les services municipaux et ceux du cadastre, a déjà dépassé. C’est celle-ci qui entraîne le plus gros de la grogne des usagers. Il est mis en avant que cette localisation est urbaine et qu’un emplacement beaucoup plus logique et favorable se trouve à une vingtaine de kilomètres plus loin au pont sur la Loémé, passage obligé des véhicules se rendant sur Cabinda. Pour les pouvoirs publics une telle implantation implique aussi des recettes moindres puisque les lieux sont beaucoup moins passants. Ils excluent en particulier les très nombreux de véhicules qui chaque jour font l’aller et retour du terminal pétrolier de Djeno.

Les postes de péage ne comportent qu’une voie dans chaque sens, leur franchissement aux heures d’affluence est incroyablement long. Les véhicules légers doivent s’acquitter d’une taxe de 500 FCFA dans chaque sens (mille francs pour un aller et retour), 1000 francs pour les 4x4 et les taxis, bien plus encore pour les poids lourds. La route n’est toujours pas entretenue.

Les pétroliers et les parapétroliers qui leur emboitent le pas, argumentant qu’ils ont financé les travaux de construction de la route, les revenus qu’ils apportent au Congo et les emplois qu’ils fournissent aux congolais, refusent de se plier à la taxe, évidente atteinte à la souveraineté nationale. Pendant ce temps les congolais, résignés comme trop souvent, subissent et paient, du moins ceux qui ne sont pas privilégiés.
La mesure qui devait rapporter de l’argent au Fonds Routier tombe à l’eau parce que des opérateurs économiques, pour leur plus grande partie étrangers, refusent de se plier à une législation certes absurde mais néanmoins applicable. L’autorité temporise et laisse courir tolérant une situation qui risque de se voir entérinée par l’usage.

M. Jean Marie Ngambou, coordonnateur de ce poste de péage, nous a déclaré : « Le problème ne peut être résolu que par les autorités du pays. Je ne suis qu’un exécutant qui reçoit des ordres de ses supérieurs. Ces derniers m’ont demandé de laisser passer jusqu’à ce que ce problème soit résolu. Ça n’est plus de ma compétence. Comme tout le monde j’assiste impuissant à un état de fait qui est une injustice. ».

S’il y a des pays où l’on paye pour rouler là dessus...

Un agent qui a requis l’anonymat se demande pourquoi les pétroliers bénéficient des largesses des hautes autorités de l’Etat. Poursuivant, il se demande si de telles choses peuvent avoir lieu dans les pays comme la France, l’Italie ou les Etats-Unis. « Dans tous les cas, conclut-il, Le noir subit toujours la loi coloniale qui coule dans ses veines par les chicottes reçues par nos grands parents et ces derniers nous l’ont transmis, ce qui explique qu’il restera toujours esclave du blanc.  ». Comment pourrait-il imaginer que dans les pays qu’il cite les routes payantes n’ont strictement rien à voir en qualité avec celles dont nous parlons ici ?

...au Congo on a droit qu’à ça.

Que doit-on penser de ce raisonnement absurde qui fait que la résistance des pétroliers et l’atteinte à la souveraineté nationale qu’elle représente, masquent aux yeux des congolais le vrai problème : la profonde injustice de l’implantation d’un péage sur une voie urbaine ? Pourquoi les autorités, perdant la face, ne lèvent-elles pas le petit doigt pour faire appliquer les lois de la République ou pour déplacer leur dispositif ? Pourquoi les congolais ne prennent-ils pas eux aussi le maquis contre ce péage inique ?

Subir l’injustice c’est l’encourager.

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