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Président !

L’Éditorial de Benda Bika

Nous nous remettons à peine des émotions du référendum qu’il faut de nouveau parler vote. Démocratie. Transparence. Opposition. Participation. Victoire ou défaite. La semaine prochaine, en effet, commence la campagne pour l’élection présidentielle. Car en mars (premier tour) et en avril prochain, les Congolais seront de nouveau consultés pour savoir qui de la multitude de candidats proposée, ils entendent placer (ou conserver) à la tête de l’Etat. Les jeux de pronostic annoncent un scénario déjà rôdé : qui que ce soit qui l’emporte, sa victoire sera contestée par le(s) camp(s) en face.

Et, pourquoi ne pas le dire, quelque sympathique qu’apparaisse la candidature d’un André Milongo, Sassou Nguesso ne semble devoir redouter aucun de poids ! A moins d’un retournement sérieux de notre opinion, et d’une prise en main tout aussi sérieuse de son rôle par l’opposition. Tout porte à croire qu’en avril notre prochain Président aura pour noms et prénom Sassou Nguesso Denis !

Mes souhaits ne sont pas en cause. Mes préférences ne sont pas étalées ici. Je constate un état de fait qui nous conduira à la même analyse que pour le référendum : Sassou Nguesso a tissé avec patience une stratégie de durée. Que ferons-nous pour le rappeler à notre souvenir ? Et, d’abord, a-t-on seulement la certitude que tout autre président au Congo sera mieux que l’actuel-futur ?

Que cela fasse partie de la stratégie ou non, constatons que le jeu démocratique suppose un échange et un va et vient de balancier. Au Congo, nous sortons de trois guerres. L’avant-dernière s’est soldée par la victoire (militaire) de Sassou Nguesso. Que l’on hurle à l’usurpation aujourd’hui, ou à l’illégalité, ces arguments ont eu leur temps et leur effet. Sassou veut sa victoire, par les urnes. Et il y a mis le prix !

L’opposition ne nous a pas, en plus de quatre ans de traversée du désert, habitués à compter avec sa vigilance et sa force de contre-proposition. Elle nous a habitués au vide. Ecoutez Pascal Lissouba, Moungounga et Yhombi, au lendemain du procès par contumace qui les a condamnés à de lourdes peines à Brazzaville, sur l’affaire du pétrole bradé. Ce sont des réactions d’une affligeante vacuité. Rien de construit, qui soit une contestation sérieuse des arguments ou des méthodes (parce que hier ils ont usé des mêmes ?)

Lissouba a dit : « je vais rentrer ; qu’ils me tuent s’ils veulent ». Courage ou témérité, mais assurément pas démocratie. Ni réponse. Moungounga a dit : « J’avais demandé un audit du pétrole. Qu’on nous dise où est passé l’argent du pétrole depuis notre départ ! » La question sera aussi posée, M. Moungounga. En attendant qu’avez-vous fait, vous, de l’argent – de votre temps ? Yhombi Opango s’est contenté de souligner ce que même les enfants ont vu : un procès inique, mené avec des visées politiques pour écarter des opposants. Oui : mais quelle est la bonne réponse à la bonne question posée par le mauvais procès ?

Bernard Kolélas, à la veille du référendum, avait appelé au boycott de « la mascarade de Brazzaville ». Si ses services sont efficaces, ils devraient nous rendre compte de la part de mascarade certaine, et celle de l’apathie de nos compatriotes, qui ne donnent plus prise aux injonctions même de l’opposition en exil. Dire et crier à la mascarade, les Congolais eux-mêmes savent le faire sur place. Sur les antennes de RFI, cela n’a pas plus de poids !

Donc, pas de politique de substitution. Rien que des poncifs. Sassou Nguesso va s’installer encore plus confortablement au pouvoir. Avec une Constitution taillée par lui et pour lui. Avec une opposition famélique qui va se jeter sur le moindre des os, notamment l’os du gouvernement d’union. Des intellectuels réduits à d’éternels courtisans. Des « boukouteurs » professionnels qui savent naviguer entre les deux eaux, pour être partisans ou opposants dans ce régime-ci comme dans les régimes d’hier. C’est à dire personne.

Benda Bika

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