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R – C : PLAIDOYER POUR UN NON

Article paru à Brazzaville dans « Le Pays » n°113

Depuis la nuit des temps, les idées de Nation naissent de la volonté des peuples à bâtir ensemble un destin commun, à partir de la prise de conscience collective de se reconnaître une histoire, des valeurs de vie et une identité communes. Ce qui peut conduire, par exemple, les habitants de Souanké à aller sacrifier leur vie pour défendre les intérêts vitaux des habitants de Bokosongo, plutôt que ceux des gens de Sangmélima au Cameroun, tout proche, avec qui ils parlent la même langue, n’est pas seulement le fait que le découpage territorial des frontières héritées de la colonisation leur octroie la même citoyenneté ; mais l’idée profonde qu’ont ces populations du Nord à s’identifier aux problèmes qui se posent à leurs compatriotes du Sud. Quelque chose de très fort.

Ainsi se forment les vrais nations, un ciment moral solide autour des valeurs qui vont au delà des Etats-Nations légués par la colonisation. Partout dans le monde, où de telles idées fortes ne se sont pas encrées dans la conscience populaire, on a assisté à des guerres de frontières, où des populations rattachées malgré elles à un territoire donné, avouaient se reconnaître dans l’histoire du pays voisin. L’intangibilité des frontières issues de la colonisation, prônée par les pères fondateurs de l’OUA, avait pour objectif d’enrayer ce phénomène. Mais force est de constater, qu’en certains lieux, il a été difficile d’aller contre le cours de l’histoire.

Chez nous au Congo, des grands faits historiques ont participé, avant et pendant la colonisation, à la construction d’une forte idée de Nation. Des brassages de populations : entre le royaume des Batékés (qui représente près de 60% de la population congolaise), et le royaume des Kongos qui s’étend jusqu’aux Loangos sur les bords de l’Océan Atlantique ; ont été d’excellents atouts, pour la bonne entente dont nos peuples ont tiré des bienfaits jusqu’à ces dernières décennies. Plusieurs siècles de vie commune sans problème pour plus de 90% de Congolais.

Une coexistence pacifique qui a privilégié le commerce, généré une communauté culturelle et le bien être des populations. Aussi, ni la colonisation, ni les idéologies politiques et sectaires, tel le Marxisme-Léninisme, n’ont ébranlé la volonté de ces peuples du Congo à vivre ensemble. Il y eu chez eux, sur le territoire sur lequel ils vivent aujourd’hui, une réelle volonté de construire un avenir commun, à partir d’un passé commun. La construction du chemin de fer Congo-Océan, malgré son côté contraignant et les abus qui ont provoqué la perte de nombreuses vies humaines, a tout de même contribué à accélérer ce phénomène de fusion des peuples et des cultures. Aucun groupe ethnique n’a, à ce jour, cherché à se détacher de la communauté nationale.

Cette incantation pourrait relever de la méthode Coué, si nous ne nous arrêtions pas sur les guerres prétendument tribales de 1959, 1993 et 1997. On ne peut pas évidemment, faire l’impasse sur des faits aussi graves. Mais on peut se consoler à l’idée que ces douloureux événements ne sont pas parvenus à saper la confiance qu’ont toujours les congolais dans leur espérance d’appartenir à une même communauté de destin, tant avec les vainqueurs qu’avec les vaincus, de ces drames fratricides.

Pour la postérité, la préoccupation essentielle n’est pas que des groupements politiques dûment constitués s’engagent à compétir pour la conquête du pouvoir d’Etat, mais qu’il s’affirme ces dernières années que le Congo a intégré des pratiques de petite principauté pétrolière (pour ne pas dire de république bananière) où des prédateurs jouent constamment à faire peur au reste de la population, au nom des idéaux auxquels tout le monde croit. Or, leur seul but est uniquement de s’emparer des richesses du pays pour la satisfaction de leurs besoins privés. C’est cela qui est extrêmement grave, dangereux pour l’unité et la réconciliation du pays, menaçant pour la paix intérieure et nos libertés individuelles et collectives. Il n’y a pas de Congolais au Nord comme au Sud, à l’Est comme à l’Ouest, pour accepter une telle négation des autres.

Feu le Président YOULOU est arrivé au pouvoir dans les conditions qu’on sait : des élections démocratiques et transparentes. Il a tenté par la suite de se maintenir par la ruse et la force. En 1963, son idée de créer un parti unique, lancée pour couvrir des dysfonctionnements graves dans la gestion des finances du pays, s’est heurtée à l’hostilité populaire. Sa démission, dans le déshonneur, profitera à de prétendus révolutionnaires qui transformeront l’engouement populaire, mené par des syndicalistes et d’honnêtes patriotes, en affrontements entre groupuscules de pseudo intellectuels pour la conquête du pouvoir. L’idée de parti unique sera conservée, mais le Socialisme Bantou de MASSAMBA-DEBAT auquel succédera le Marxisme-Léninisme n’avaient pas tous deux de fondement dans les cris des manifestants.

Ceux qui ont marché sur le palais présidentiel les 13, 14 et 15 Août 1963 ignoraient totalement les plans « d’arrière-boutique » qu’échafaudaient les groupuscules d’étudiants relevant des « groupes » dits de Toulouse, Bordeaux, Lille ou Paris. Des putschistes dans l’âme, venus opportunément en vacances, et dont certains n’iront plus jamais finir leurs études. Ils pantouflent encore aujourd’hui dans les allées du pouvoir, comme de l’opposition d’ailleurs, en vrais professionnels de la politique. Pendant des décennies le pays a vécu au rythme de leurs intrigues, et cela peut encore durer.

Plus tard, dans la foulée du Sommet France – Afrique de la Baule en 1989, une démocratisation forcée s’est imposée à un certain nombre de pays francophones d’Afrique, la France généreuse liait désormais son aide au développement à une démocratisation des régimes africains. Le vent des conférences nationales balaya quelques régimes autocratiques. Chez nous, le Marxisme-Léninisme tropicalisé s’est évanoui dans la confusion de ses concepteurs. L’illusion idéologique n’a pas résisté aux égoïsmes ethno-régionalistes. Des militaires assoiffés de pouvoir, appelés à la rescousse pour corriger les excès des idéologues de pacotille, s’étaient assis au pouvoir. Et, la parodie de révolution poussée à la caricature tourna à l’ordre kaki. Le 10 juin 1991, on croyait tout terminé, et qu’on pouvait rebâtir de nouveau.

Mais voilà, encore une fois , la volonté du peuple s’est transformée en cauchemar tribaliste, dans la confusion des trois palmiers opportunément plantés dans quelques régions du Sud du pays. Rien pourtant ne prédisposait le Président LISSOUBA (dont la vie privée et la longue expérience politique avaient inspiré une grande partie de la jeunesse, lassée par toutes ces années de gâchis politique, économique et de ressources humaines), à plonger le pays dans une aussi triste confusion. Une trahison qui nous a ramené, une nouvelle fois, à un ordre kaki. Un personnel politique dans son ensemble désespérant. Il nous plaira toujours de rappeler cette tragique chronologie pour que personne ne se méprenne des conséquences que ne manqueront pas d’entraîner les manipulations électorales qui se dérouleront ces prochaines semaines.

Maintenant comme hier, l’adhésion des Congolais à l’idée de continuer de consolider une Nation est toujours aussi forte ; mais l’ordre kaki est toujours aussi présent et menaçant, avec ses traditionnels règlements de comptes politiques et sa congénitale incapacité à gérer un Etat moderne et démocratique. Parce qu’il y a antinomie entre ces gens-là et la démocratie, les vrais patriotes doivent savoir qu’ils s’arrangeront toujours à créer des situations de désordre et de violence pour revenir au devant de la scène. La démocratie ne peut s’accommoder de la contrainte et de l’arbitraire, or nos militaires politiciens n’ont appris qu’à aboyer des ordres. Des éléphants dans des magasins de porcelaines.

La preuve ! Six (6) chefs d’Etat se sont succédés à la tête du Congo depuis son accession la souveraineté internationale en 1960. Trois (3) sont arrivés dans des conditions démocratiques, en respectant l’ordre constitutionnel. Ils étaient tous des civils et originaires du Sud. Trois (3) sont arrivés par la force et n’ont rien demandé au peuple ; ils étaient tous militaires et originaires du Nord. Y aurait-il une tare ant-démocratique militariste nordiste ?

Les militaires originaires du Nord sont-ils sensés infliger constamment au pays des actes de violence pour accéder au pouvoir, au prix de plus de division et de graves atteintes au développement du pays ? Un comportement qui commence à accréditer une thèse absolument contestable, qui donnerait à penser, à certains hommes politiques en mal de conviction, que le Nord peu peuplé ne serait pas en mesure de générer un chef d’Etat élu au suffrage universel ? Et les brassages ? Ont-ils pensé ? 10% de la population venu certainement sur le tard, qui ignore les règles de vie que les indigènes se sont données pendant des décennies.

Plus sérieusement, la fin de la guerre de 1997 a surpris tous les démocrates congolais qui s’étaient levés contre les dérives antidémocratiques d’un régime civil pourtant démocratiquement élu. Un acte fondamental scélérat a été substitué à coup de canons à une constitution votée à une très large majorité par le peuple, cinq ans plutôt. Et ce sont très exactement les mêmes militaires qui perpétuent les mêmes actes depuis l’indépendance. Aucun respect pour le pays.

Comme en 1963, en 1968 et plusieurs fois encore jusqu’à ce qu’une constitution soit réellement approuvée par le peuple en 1992, l’organisation des pouvoirs publics a constamment procédé des rapports de force créés par la contrainte et les armes : des actes fondamentaux à n’en point finir. La Nation bafouée, les principes démocratiques foulés aux pieds. Que peut nous valoir, dans ces conditions, le référendum constitutionnel dont on nous menace pratiquement pour la fin de cette année ? Devons-nous légitimer le coup de force ou sanctionner les prédateurs ?

Pourrions-nous créer les conditions pour que les militaires qui nous accablent comprennent dans une victoire nette, franche et massive du NON à cette mascarade ; que nous ne voulons plus d’eux au pouvoir, et en tout cas pas de cette manière ? Comme il apparaît que ce pouvoir militaire discrédité ne pourra gagner les consultations électorales à venir qu’en organisant une tricherie à vaste échelle, il faut s’organiser pour couper les branches auxquelles il serait susceptible de s’accrocher.

Pour commencer, il y a d’abord ce funeste recensement de la population. Une opération dont la transparence et la crédibilité sont, ailleurs, les bases essentielles d’une expression libre et transparente du suffrage des électeurs. Le Ministère de l’Intérieur a choisi de l’organiser tout seul. Le contraire nous aurait étonné. Mais cela est inadmissible. Il y a lieu de le forcer à le recommencer avec la participation de tous les acteurs de la vie politique et de la société civile. Le silence de la communauté internationale, aux appels que nous lançons ici et que lançent également certains partis de l’opposition d’ailleurs, porte les marques d’une non-assistance à démocratie en danger.

Qu’on ne nous abandonne pas, comme en Guinée-Conakry ou au Togo. Si les tenants du pouvoir, ici, voulaient le conserver coûte que coûte, ils ne le risquaient pas dans une opération qui ne leur a jamais réussit. Ils sont contraints d’organiser des élections. Pour eux c’est le label de démocratie qu’il faut avoir. Une formalité à remplir. La crédibilité des résultats, vis à vis de la communauté internationale leur tient donc aussi à cœur ! Il faut alors que cette dernière leur situe les normes à respecter et les limites à ne pas dépasser, pour qu’elle valide l’ensemble du processus. Mais qu’elle n’hésite surtout pas à brandir l’arme des sanctions économiques et politiques.

Par ailleurs, les partis politiques des Forces Démocratiques et Patriotiques (FDP) et Forces Démocratiques et Unies (FDU) soient disant au pouvoir, seraient inspirées à ne pas applaudir à une opération qui pourrait signifier leur propre disparition de la scène. L’idée d’un parti du Président, (peut-être nouveau parti unique), qui a failli être supplanté au PCT en 1999, n’a certainement pas disparu, et leurs chefs qui siègent au Gouvernement pourraient être surpris de constater que ceux qui auront le plus de moyens financiers aux législatives sortiraient du chapeau qu’ils n’avaient pas prévu. L’hypothèse d’organiser des présidentielles avant les législatives devrait les inciter à plus de retenue.

Il y a ensuite les énormes moyens financiers que l’on accumule actuellement. Le pétrole, phagocyté à travers la SNPC, se trouve depuis sous l’unique contrôle du géniteur de cette véritable cassette privée. Il est vendu sous le manteau et le produit encaissé sur des comptes bancaires privés à l’étranger. Les recettes fiscales et douanières qui s’évaporent dans les caisses du Trésor Public, aussitôt qu’elles arrivent, comme des gouttes d’eau tombant sur une poêle chaude. La forêt qu’on arrache avec des industriels douteux qu’on est allé chercher au sud-est asiatique.

Et les droits de trafic maritime générés par le transport du pétrole brut à l’exportation ? C’est la vanité familiale, ils autorisent les extravagances des petits neveux que l’on constate sur les grandes avenues parisiennes, et bientôt à Brazzaville avec de rutilantes 4x4 BMW embarquées par avion cargo. Une véritable campagne de racket. Car, derrière chaque opération financière (récupération frauduleuse des recettes de l’Etat ou de sorties de fonds du Trésor Public sous divers prétextes) il y a toujours un membre de la famille ; réelle ou supposée.

D’immenses fortunes qu’il serait mal aisé de laisser entre des mains inappropriées, à la veille d’un processus électoral qui sera déterminant pour l’avenir de tout le pays. Même si nous devons admettre qu’ils sont assez radins pour rater leur propre opération-corruption de survie, il nous faut tout de même faire attention aux habitudes de mendicité généralisée qu’on crée artificiellement par une raréfaction du paiement des salaires des agents de l’Etat.

C’est pour cela que nous applaudissons à l’action vigoureuse menée par deux sociétés américaines devant la justice française, qui a abouti, il y a une dizaine de jours, au blocage des comptes de la SOCOTRAM à Paris. Nous encouragerons désormais toutes autres opérations de saisie de fonds de cette origine à la source, c’est à dire auprès des consignataires de tankers pétroliers au Congo.

Il serait aussi de salubrité publique et d’intérêt national que toute personne, ayant connaissance des mouvements de fonds appartenant à ces gens, les mette à notre disposition pour l’information de ceux qui, à l’étranger, pourraient les bloquer ; parce que les fonds de l’Etat sont désormais sur leurs comptes personnels. Puisque les Congolais ne peuvent en bénéficier, que cet argent serve au moins à payer l’énorme dette extérieure qu’ils nous ont occasionnée, sans raison.

Autant les tenants du pouvoir ont décidé d’affaiblir leurs adversaires politiques en concentrant toutes les ressources financières de l’Etat entre leurs seules mains, autant nous devons savoir que de telles sommes d’argent ne pourraient être conservée qu’à l’extérieur. Ce serait de bonne guerre de le leur faire perdre. On va courir les paradis fiscaux : Monaco, les îles Caïmans, le Liechtenstein et autres ; sans oublier les grandes places financières européennes, et Dubaï le nouveau sanctuaire.

Il reste en dernier ressort la question de l’armée, des forces de sécurité de manière générale. En 1991, le Général MOKOKO avait permis au peuple Congolais de négocier un virage démocratique historique. Il avait refusé d’interrompre la Conférence Nationale Souveraine comme le lui demandait l’équipe encore au pouvoir aujourd’hui, puis avait garanti la sécurité et la crédibilité du processus électoral qui avait suivi la transition. Est-ce que l’actuel Chef d’Etat Major Général de l’armée et Haut commandement des forces de sécurité pourraient être d’une telle étoffe ?

C’est pourtant le cas de figure qu’il faut absolument reproduire, par tous les moyens, pour l’intérêt de la Nation ? Ceux qui, dans les forces armées, dans la gendarmerie et dans la police, portent une tenue et une arme, doivent savoir qu’ils sont au service du pays tout entier et pas au service d’un homme. La gestion des acquis de la victoire militaire de 1997 démontre à suffisance que lorsqu’on gère mal un pays, les hommes en tenues ne sont pas épargnés. Aucune caserne n’a été construite ou reconstruite, et les vrais vainqueurs sont au placard aujourd’hui. On sait que ceux qui sont encore à des postes de commandement n’en ont plus pour longtemps. Les projets de décret scellant leur sort, en circulation ou retirés, ne se comptent plus.

Les conditions de vie des soldats, d’un grand nombre de sous-officiers et d’officiers ne se sont pas améliorées. Les forces de sécurité manquent toutes de moyens. La présence prolongée du corps expéditionnaire Angolais ne peut se justifier que par leur état d’impréparation et peut-être même par la peur de leur révolte. Personne ne peut penser qu’en 4 ans, le pouvoir n’ait pas eu les moyens pour les structurer et les équiper. Comme les autres agents de l’Etat ils sont réduits aux mêmes conditions de salaire, des mois qui s’allongent de plus en plus, alors que le pays ne manque pas d’argent. Même s’il redisparaîssait aussitôt. Les forces de sécurité devraient, à ce titre, se garder de perturber le jeu politique.

Elles doivent se prononcer, maintenant pour une neutralité active, au service de la République. Un silence prolongé sera interprété par les démocrates comme une duplicité avec les usurpateurs du suffrage universel.

Et bien, si les trois piliers qui soutiennent la terreur politique actuelle étaient paralysés, l’un et l’autre, ou les trois en même temps, il ne restera plus rien de l’arrogance et de l’autosatisfaction actuelles. Gagner au premier tour, une élection à laquelle on ne participera peut-être pas, relèvera du slogan creux. Aux brutes il faudra désormais opposer l’intelligence. S’il y avait encore parmi les démocrates, des infiltrés pour nous décourager, car pour eux le 23 Décembre 2001, officieusement retenu pour la tenue du fameux référendum, est désormais trop proche pour déshabiller le « Prince », qu’ils se tiennent à l’écart, ou bien observent sans nous perturber inutilement.

Car stratégie pour stratégie, quelle peut-être celle des autres ? Au demeurant nous nous connaissons tous. Nul expert en communication, étranger, ne peut changer fondamentalement une situation politique totalement désespérée comme celle du pouvoir autoproclamé actuel. Et l’Esprit Saint ne peut avoir transformé, si rapidement, ce monde qu’on connaît en stratège politique ; en tous cas pas les « talibans » du club K’munga. Ce sera l’action des hommes de terrain, devant les urnes, qui sera déterminante.

Bourrage ou pas bourrage ? En seront-ils capables et où ? Tous les démocrates, ceux des partis dits au pouvoir et des partis de l’opposition, doivent savoir qu’un éventuel succès du Oui signifiera leur fin à tous. Cela voudra dire que le recensement a été truqué, et que les présidentielles comme les législatives seront gagnées par ceux qui les auront organisées. Une formule chère à l’autre.

Mais où peuvent-ils organiser pareille aventure ? Des régions dans le Nord pouvant couvrir de tels actes sont parmi les moins peuplées du pays. Qui pourra mener ce jeu dans l’Ouest de la Cuvette où personne n’a ressenti, depuis quatre ans, l’irruption d’un nouveau régime à Brazzaville : routes inexistantes, services sociaux disparus, aucune autorité réelle de l’Etat à moins de deux cents kilomètres ? Qui prétendra que la Sangha, les Plateaux ou même la Likouala (dans une moindre mesure) cautionneront des tripatouillages, quand on sait comment leurs fils ont été remerciés avec la victoire du 15 octobre 1997, et dans quel état elles se trouvent ? Nous avons même appris que les frondes les plus violentes, contre le fameux recensement administratif, ont eu lieu à Abala, à quelques lieux des cercles vicieux.

En excluant de toute manière la Bouanza, le Niari, la Lékoumou et le Pool (profond) de ces jeux dangereux, car personne n’y pensera, les tripatouilleurs devront donc s’exercer à Brazzaville et à Pointe Noire, pour espérer changer le signe indien qui les oppose au suffrage universel. Il y a dans ces deux villes environ les 2/3 de la population congolaise. On verra si les velléités d’affrontement qu’on prête à ce pouvoir, qui dit s’être assuré de gagner avec 50,01%, à l’instar d’autres régimes autocratiques africains, l’emporteront sur la détermination de tout un peuple à dire halte à l’imposture !

Ca va être une partie difficile, mais un challenge qu’il faudra relever. Les résultats de 1992 n’avaient pas franchement été fabuleux pour les tenants du pouvoir actuel, même s’ils avaient cru disposer de réserves de voix à Talangaï. Des voix pour eux seuls, que personne n’a jamais décelées. On ne change pas impunément les résultats électoraux dans des villes aussi politisées, où l’information circule rapidement, et où les observateurs internationaux pourraient être proche ; à l’heure du portable. On verra bien.

En conclusion, tout ce qui précède pourrait paraître excessif si en face on avait des gens qui pouvaient comprendre, conceptualiser, se rendre compte du mal qu’ils font autour d’eux : à leurs concitoyens et à leur pays. Pour eux, des concepts comme Nation, République, Démocratie ne représentent que du vent, des motifs de bavardages pour intellectuels en mal de tribune. Tout ça leur passe dans les oreilles comme l’eau passerait sur le dos d’un canard. On pourrait même dire qu’ils en sont allergiques.

Ce qui importe pour eux, c’est d’être dans la position sociale de puiser allègrement dans les caisses de l’Etat et de pouvoir satisfaire leurs instincts, les plus bas, surtout quand ils sont repus, ils font profiter leurs enfants, nièces et neveux, puis leurs proches parents, puis les membres de leur groupe ethnique, ainsi de suite. Allez faire comprendre aux gens qui ont une telle mentalité que la République est le mode d’organisation des pouvoirs d’un Etat avec et par la volonté des citoyens : du suffrage universel ? C’est du charabia ! Ils y sont, alors ils doivent rester. C’est la chefferie villageoise. Le pouvoir ne se donne pas, il s’arrache. Le Pou-Pou, vous comprenez ?

Pour eux, les élections ne peuvent être comprises que comme une formalité pour légitimation et rien d’autre. En 1992, ils avaient été imprudemment renvoyés dans leurs villages sans un sou, et on a vu certains d’entre eux se retrouver à pied, d’autres sans toit, du jour au lendemain. Cette fois, ils ne vont pas oublier de se servir. Toute discussion ou tout débat avec eux est de ce fait impossible. Leur revanche est terrible. Implacable. Autant aller participer à une conférence dans une langue qu’on ne comprend pas.

Demander la transparence du processus électoral dans la situation actuelle, c’est leur faire une vraie déclaration de guerre. Or en faire l’économie aujourd’hui, c’est prendre le risque devant l’histoire et notre Nation en construction, de passer pieds et mains liés de la République au Royaume. Même s’il fallait encore lui trouver un nom. Le Congo est une République.

Gervais A. HONKASSA-YANGO
Conseiller National (CNT)

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