email

Une ville, ses routes et l’eau

Il pleut sur Pointe-Noire. Les rues sont presque vides et les rares taxis sont pris d’assaut. Ils traversent de larges et profondes flaques un liquide indéfinissable atteignant parfois la mi-portière.

Après la pluie

Rare au robinet, surabondante sur la ville, l’eau, source de vie, est aussi génératrice de ravages. Piégée par des réseaux d’égouts inexistants ou inopérants en raison de leur colmatage par du sable et des ordures, elle se réserve le dernier mot, profitant de la moindre faille, du plus petit point faible pour se frayer un passage. D’abord ruisselet elle devient bien vite torrent dévastateur qui sculpte de profondes rigoles au fond desquelles se déverse une épaisse bouillasse couleur café au lait.

La politique, prenant comme toujours le pas sur l’intérêt général, pousse les autorités, soucieuses de faire des travaux visibles, à goudronner les chaussées en négligeant les réseaux d’évacuation. Travail de Pénélope remis en question à tout nouvel orage, les routes se font et se défont au rythme des intempéries. Sans souci de pérennisation des ouvrages, le réseau urbain ne peut que stagner, une nouvelle réalisation se faisant au détriment d’une plus ancienne jamais entretenue.

Ravinement urbain

On peut constater dans la ville que des chaussées très anciennes datant de la colonie demeurent, en dépit d’un état vieillissant, circulables. Faites de dalles de béton aujourd’hui brisées et décalées comme des touches de piano, elles ont su résister durant un demi siècle ou plus quand des chaussées modernes beaucoup plus récentes et goudronnées approchent l’impraticabilité.

Citons pour mauvais exemples :
 L’avenue Jacques Opangault, qui du carrefour des lycées permet de rejoindre le quartier de la raffinerie sans passer par le rond-point de Loandjili. Elle longe une importante zone industrielle et en passant devant la foire, elle dessert de nombreux quartiers résidentiels. En état, elle permettrait aux camions venant de la direction de Bas-Kouilou donc du Gabon, de rejoindre le port sans traverser la ville. Bénéficiant d’une plate forme d’une vingtaine de mètres de large ou plus, elle est goudronnée sur environ 500 m. Depuis le début de la saison des pluies cette section a vu son

Avenue J- Opangault

revêtement s’altérer dans des proportions telles que la circulation se fait sur les accotements pour éviter les fondrières qui constellent les enrobés. Après encore une pluie ou deux le goudron sera totalement coupé. Plus loin elle continue en terre bosselée et orniérée. Sa déclivité fait que l’eau s’y est frayé un chemin qui force les véhicules à un parcours inutilement et dangereusement sinueux. L’érosion y a mis à nu le grillage avertisseur du passage d’une ligne électrique enterrée. Il est à noter que cette avenue s’étrangle soudainement pour lui permettre de passer sur un pont à voie unique limité à la charge de 17 tonnes, il n’est pourtant pas rare de voir des camions en pleine charge l’emprunter. De l’autre côté du pont le problème se répète jusqu’à la jonction avec la route nationale 5 qui elle a été correctement assainie lors de sa reconstruction en 2000 par la société SOCOFRAN (chantier d’état).
 L’avenue du Havre, qui accède à toutes les concessions des sociétés pétrolières et parapétrolières, est en terre. Elle commence par une mare dans laquelle seul le hasard permet de trouver son passage.
 La route qui mène à Mpaka, le plus grand quartier de la ville, est dans un état tel que le secteur est inaccessible aux véhicules dès qu’il pleut. Pourtant le quartier est traversé par une route à quatre voies toute neuve malheureusement interrompue avant sa jonction avec le reste du réseau urbain. Chantier d’état, elle était réalisée par SOCOFRAN qui aurait quitté les lieux avant la fin des travaux pour des raisons de contentieux financier avec le commanditaire.
 La route de Mont Kamba mène au plus important cimetière de la ville. C’est aussi la route nationale 1. En travaux sous la direction des services municipaux depuis plus d’un an sur un tronçon d’un kilomètre environ, ne peut être remise à une circulation normale. L’eau qui descend du plateau de Mont Kamba vient autant la dégrader par l’érosion sur sa partie la plus en pente, que par l’apport dans sa section plane des matériaux arrachés plus haut.

On peut constater que les chantiers qui sont réalisés dans les règles de l’art le sont par des sociétés privées, et que les actions des services municipaux sont toutes approximatives et assimilables à du bricolage. La ville est équipée pour étaler du goudron, mais pas pour faire des assainissements et des terrassements. Pourquoi ne se contente-t-elle pas de faire des travaux d’entretien, qui en tout état de cause ne sont pas réalisés actuellement, et ne laisse-t-elle pas aux professionnels du privé le soin de réaliser les infrastructures ? Elle pourrait se réserver les opérations de goudronnage.

Il est indispensable de traiter les problèmes d’évacuation des eaux pluviales avant que de réaliser des travaux routiers. Quand les édiles l’auront compris et quand ils accepteront de faire des travaux invisibles mais indispensables plutôt que de dilapider l’argent dans le tonneau des Danaïdes de sa politique routière présente, on pourra espérer voir le réseau urbain de Pointe-Noire sortir de sa médiocrité actuelle.

Laissez un commentaire
Les commentaires sont ouverts à tous. Ils font l'objet d'une modération après publication. Ils seront publiés dans leur intégralité ou supprimés s'ils sont jugés non conformes à la charte.

Recevez nos alertes

Recevez chaque matin dans votre boite mail, un condensé de l’actualité pour ne rien manquer.