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Verrous

- L’Editorial de Benda Bika -

Le Président équato-guinéen, Teodoro Obiang-Nguema Mbasogo, a été investi dimanche comme Président de la République. Entamant un nouveau mandat, le troisième, il a prêté serment sur la Bible. Autour de lui, ses pairs de la sous-région et même d’un peu plus loin (Abdoulaye Wade, du Sénégal), venus applaudir à l’exploit que constitue le fait de diriger un pays pendant 24 ans ; s’apprêter à le faire pour sept autres années, et n’avoir que 60 ans !

Ne parlons pas des élections qui ont vu sa victoire. Du classique : décrétées dans la précipitation et par anticipation (pour surprendre l’opposition) ; menées tambours battants et à coups de millions de CFA ; boycottées par l’opposition crédible et emportées haut-la main dans les règles même de l’art. Du sans faute, à l’africaine !

Mais ce n’est pas tant la Guinée Equatoriale qui est le centre de mon propos ; c’est le parterre de Chefs d’Etat accourus pour l’événement, ou ayant envoyé des émissaires. Un vrai kaléidoscope de ce qu’est notre sous-région d’Afrique Centrale : une région de vieux dirigeants (même quand ils sont jeunes), où les pouvoirs sont verrouillés et les alternances impossibles. L’Afrique du Centre est immuable dans ses dirigeants ; les soubresauts ne touchent que les peuples qui errent par monts et vaux.

Pensez donc : Paul Biya dirige le Cameroun depuis 21 ans (1982) ; Anges-Félix Patassé, la RCA depuis 10 ans (1993) ; Omar Bongo, le Gabon depuis 36 ans (1967) ; Idriss Deby, le Tchad depuis 13 ans (1990) ; Edoardo Dos Santos, l’Angola depuis 24 ans (1979). Et, naturellement, Denis Sassou Nguesso du Congo nôtre : 12 ans jusqu’en 1992 ; puis plus de cinq ans depuis le retour par les armes. Et il en a encore pour 7 ans assurés !

Même le « petit » Kabila, arrivé au pouvoir en RDC par la volonté d’autres caciques - les fameux « Tontons ! » - il est président par succession dynastique. Pas par alternance, ni volonté d’un peuple consulté. Et tant que les rébellions gangreneront son pays, l’ex-Zaïre aujourd’hui attaqué par les mites, il est assuré de rester au pouvoir comme son père, sans rendre compte à qui que ce soit.

De sorte que nous sommes partout confrontés à une situation figée ; où le replâtrage de surface essaye de convaincre les gogos d’un changement en vue. Et où, donc, la férocité pour ou contre le pouvoir devient la règle. Car, personne ne se fait d’illusions, qui espérerait s’asseoir sur le fauteuil présidentiel par la voie des élections, transparentes et loyales. Les opposants qui savent que les jeux sont pipés, jouent le jeu. Ils feignent de prendre part à la compétition, puis quand les millions de la corruption ne suffisent plus, ils appellent au boycott ou à la contestation des résultats.

Partout éclatent dès lors les rébellions, qui essaiment le continent, mais surtout au centre. Le Tcahd a son MDJT ; la RCA a le général Bozizé ; l’Angola a eu son Unita de Sambi et maintenant son FLEC ; le Congo a son Ntumi de service. Et si le Gabon et le Cameroun n’en ont pas, ce n’est pas faute d’avoir essayé.

Alors, nos présidents trafiquent. On taille, on rabote, on coud et on rafistole les Constitutions. Le Congo avait préconisé le mandat présidentiel de cinq ans ; Lissouba était sur le point de considérer que c’était trop court. Et Sassou vient carrément le porter à sept ans ! Les Constitutions, votées dans l’euphorie des « changements » entrevus, deviennent vite des corsets. Bongo s’en défait ; Sassou s’en fait un just’aucorps. Dos Santos hésite ; Biya aussi. Mais ils suivront la mode, c’est sûr.

« Qui peut se permettre de n’être au gouvernement que pour dix ans ? Qui ? On ne change pas de gouvernement comme de jupon. Un gouvernement, c’est quelque chose de sérieux ». Ces propos sont d’un courageux : Bakili Muluzi, du Malawi. Il est aux prises avec son parlement, opposé justement à un 3è mandat qui n’est pas inscrit dans la Constitution. Enlevez le nom de Muluzi et remplacez-le par celui de n’importe lequel de nos présidents ; personne ne criera à la diffamation.

BB

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