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Vouer le Franc CFA aux gémonies : priorité ou leurre ?

« Les ennemis le plus à redouter ne sont jamais ceux qu’on s’apprête à combattre : ce sont les illusions par lesquelles on se laisse aveugler » Emile de Girardin/. Pensées et maximes (1867)

Entendons-nous bien d’emblée : la dépendance monétaire des Etats africains membres de la Zone Franc à l’égard de la France, reste dans une certaine mesure, un frein d’une puissance reconnue contre tout décollage économique. C’est un truisme que de le rappeler. Certains vont jusqu’à considérer qu’il est le principal responsable du marasme prolongé que connaît certains pays du continent. Toutefois, il est légitime de se demander si l’on ne fait pas en cela du Franc CFA un bouc émissaire ou si, au contraire, ce dernier est véritablement un instrument de domination freinant toute velléité de sortie de la léthargie dans laquelle l’Afrique s’est enlisée.

Le Franc CFA, bouc-émissaire idéal ?

Si cette problématique reste capitale au sein des opinions membres de la zone, il n’en demeure pas moins qu’elle n’occupe pas la même place dans l’ordre de priorités des différents Etats membres englués dans la mauvaise gouvernance. Les taux de croissance soutenus des pays relativement « vertueux » comme la Guinée équatoriale (Taux d’endettement 25% du PIB) ou la Côte-d’Ivoire (Taux d’endettement 42% du PIB), également membres de la Zone Franc, tranchent littéralement avec l’effondrement d’une économie comme celle du Congo( Taux d’endettement 120% du PIB) . Le problème est donc ailleurs.

C’est que, le bouc-émissaire attitré des populistes congolais, atteints par une évidente cécité, flétrissent tout bonnement cet outil qui ne peut expliquer tout seul, l’arriération de certains Etats africains. Ces justiciers des temps modernes, très virulents quand il s’agit de fustiger le Franc CFA, le sont moins pour dénoncer ce qui explique le chaos dans lequel se trouve un pays comme le Congo, jadis pays de Cocagne : la gabegie, le népotisme, le pillage, le gangstérisme politique.

Pinaillant à satiété sur le Franc CFA, les suivistes de Kemi SEBA détournent délibérément leur regard ailleurs, afin de ne pas avoir à dénoncer la mise en congé ad vitam aeternam, de la probité morale et des principes républicains. Ils sont muets comme des tombes, alors que tous les secteurs d’activité au Congo, sont dans un état miasmatique. Que dire des magistrats qui ont tourné le dos à la veuve et à l’orphelin, et ne voient que le montant du chèque qu’on leur tend ? Ou des journalistes devenus des adeptes de l’éloge panégyrique à l’endroit du monarque d’Oyo ; des médecins qui ont depuis longtemps remisé leur serment d’Hippocrate pour l’appât du gain ?
On ne compte plus les hommes d’affaires, tous issus de la même région, tous complices dans les affaires de détournement de deniers publics. Ils narguent le bas peuple et se bousculent avec frénésie au portillon de l’Oyocratie, ils savent qu’ils ne risquent rien. Le satrape d’Oyo, en chef de gang, autorise et/ou encourage son petit monde à dépecer la bête. Copieusement. Ils en profitent pour se servir et servir leurs proches en entretenant un système de corruption, d’accaparement et de népotisme qui s’alimente de l’Etat et exclut le grand nombre d’honnêtes citoyens des circuits de production et de distribution de la richesse nationale.

Le festival des hyènes se poursuit

Nul ne peut comprendre qu’un gouvernement qui se targuait d’avoir accumulé, il y a à peine un an, des excédents budgétaires avoisinant les 14 000 milliards de Franc CFA, se retrouve confronté à des défauts de paiement sur les eurobonds congolais ? Est-il normal que l’on décide, dans l’opacité la plus totale d’endetter notre pays vis-à-vis de la Chine, par le biais des contrats pétrole contre infrastructure, alors qu’ils pouvaient être largement financés sur fonds propres ? Dans quel intérêt pouvaient être accordées d’importantes sommes d’argent sous forme de crédits par les sociétés qui assurent la vente de son pétrole à l’international ( notamment le Suisse Glencore et le hollandais Trafigura) ?

En réalité, cette situation pour le moins abjecte, est symptomatique d’un festival des hyènes sans foi ni loi. Sassou et son clan continuent à s’en donner à cœur joie. Imperturbablement. Les dirigeants syndicaux qui assuraient autrefois la défense collective et individuelle des intérêts des salariés, sont désormais mus par des intérêts personnels ; les chefs de sectes (l’opium du peuple), plus préoccupés des choses d’ici-bas que de l’au-delà ; certaines ONG ne sont que des officines de l’étranger. A l’évidence, la société civile congolaise, encore embryonnaire, essaie de se poser, bon an, mal an, en sentinelle de la Bonne Gouvernance. Elle a un rôle crucial à jouer pour aider à fissurer ce mur de défiance en séparant le bon grain de l’ivraie.
Aujourd’hui, on découvre avec stupéfaction l’ampleur des dégâts. Avec un taux d’endettement de 120% du PIB (surement davantage avec les récentes réévaluations !), le Congo se retrouve dans l’abîme, trainant cette lourde dette comme un boulet. Sassou ne peut plus aisément alimenter ses légendaires campagnes de corruption, ni importer des armes de destruction massive qu’il affectionne comme pendant la période de vaches grasses quand le prix du baril du pétrole caracolait à 140$. Finis « les éléphants blancs » à Oyo, finies les OFNI(opérations financières non identifiées) ; ces prêts accordés à la Côte d’Ivoire, à la Guinée, à la RCA dans un élan de prodigalité sans limite dont le montage et le bouclage échappent à toute orthodoxie financière.

En permanence on entend l’écho des voix de ceux qui réclament : « souveraineté monétaire ! souveraineté monétaire ! » Mais cette autonomie, n’est-elle pas une illusion ? Il n’est de banque centrale, qu’il s’agisse de la BCE ou même de la FED, qui ne soit soumise à des règles et aux contraintes du marché. Non ! Ne nous leurrons pas : le problème congolais, tous les problèmes des congolais ont une seule explication : Sassou. Comme à l’accoutumée, quand il s’enferre dans un problème qu’il a créé en jouant au pompier-pyromane, il invente de subterfuges. Aussi, ce boutefeu qui a mis délibérément la région du Pool à feu et à sang, vient de trouver dans la crise libyenne sa nouvelle pierre angulaire. Il est tellement médiocre que sa main gauche ne sait même pas ce que fait sa main droite. Son obsession de mourir au pouvoir embrume son esprit au point de ne plus se rendre compte que maintenant – tout au moins en apparence- que l’émergence d’une économie de rente comme le Congo, passe nécessairement par la diversification de l’économie. La baisse du prix du baril de pétrole aurait été prise en compte, si le Congo avait un gouvernement capable d’agir suivant une prospective stratégique. Mais c’est demander l’impossible au pouvoir du général Dénis Sassou Nguesso.

Pour toutes ces raisons, même s’il véhicule une certaine domination symbolique et culturelle, il serait erroné de charger le franc CFA de tous les péchés d’Israël. En disant cela, je ne peux me départir d’une préoccupation, somme toute légitime, relative à moyen ou long terme, à la création d’une monnaie africaine. Ce qui aurait pour objet de démanteler cet asservissement financier qui se cache sous ces cyniques falbalas d’un autre âge. Ce défi, si tant est qu’il ne nous désoriente pas de la neutralisation de l’impedimenta Sassou ; ne devra aucunement être relevé sous le coup de l’émotion et de la précipitation car, bien souvent, les visées utopistes s’accommodent mal des réalités concrètes.

Djess dia Moungouansi

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