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Y’A QU’A !

- L’Editorial de Benda Bika -

Le Congo de demain, savez-vous comment il sera ? Exactement comme vous le souhaitez vous-même ! Il aura un derrick derrière chaque palmier. L’argent y sera abondant, surtout là où on en aura besoin. Les politiciens ? Des femmes et des hommes tellement respectueux des Droits de l’homme, qu’ils se mettront à chialer sur la place publique pour une mouche écrasée. Nous serons des exemples en tout. Nos écoles produiront juste ce qu’il faut de cadres. Nos cadres auront les salaires qui conviendront à leurs légitimes besoins. Ne mourront que ceux qui le voudront, et il n’y aura pas beaucoup de malades puisque tout le monde mourra de trop de santé… !

Je me moque ? Non. Ces illusions sont dans nos têtes. Elles nous empêchent de regarder le Congo dans le fond des yeux et de démarquer le possible de l’irréalisable. Car à chaque problème, nous avons notre solution : y’a qu’à !

Ce serait un jeu amusant d’appliquer les quelques trois millions de solutions qui sommeillent dans nos trois millions de têtes, non ? Nous voulons des routes ? Oui, à condition qu’elle parte de la case de mon père, jusqu’au jardin de la belle-mère. Ensuite, une autre qui évite « ceux-là » ; ils n’en ont pas besoin. Et enfin, une qui ravitaille la ville en denrées produites chez moi, les plus essentielles. Le reste, on verra. Que voulez-vous faire avec du simple manioc, quand on a son poisson, et vice-versa ?

Il y a de la corruption au Congo ? La solution est simple : y’a qu’à mettre l’un de nous au poste de ministre des Finances ; de payer régulièrement (au besoin, en anticipant) les salaires des fonctionnaires. Et de ne distraire du Trésor public que l’argent qui ne servira à rien. La santé ? Une nivaquine pour chaque moustique et le décret intempestif : aucun moustique dehors le soir tombé. Discipline à tous les coups.

La (le) politique ? Y’a qu’à enlever tous les dirigeants d’aujourd’hui pour les remplacer par ceux d’hier, ou par ceux de demain. Faire remplir une fiche stricte à tout prétendant : tu as volé ? Echoué. Tu as menti : échoué. Tu as tué : oh ! là…, ton compte est bon ! Et puis, accessoirement : tu es d’où ? Tu étais où au moment de l’indépendance ? Quel était ton état d’esprit réel quand on assassinait Marien, Massambat-Débat, le Cardinal Biayenda ? Tu as pleuré ? Echoué. Tu as rigolé ? échoué aussi !

Vous voulez bâtir un hôpital ? Assurez-vous d’abord qu’il y ait des malades. Et quand vous les aurez trouvés, cherchez à bien savoir s’ils sont situés du bon côté. Et quand ils seront situés, s’ils méritent de guérir. Et quand ils seront guéris, s’ils méritent de vivre. En votant pour vous ! Sinon, on bombardera : une guerre tous les cinq ans ; quelques vies en moins, ça ne fait pas de mal, surtout si les victimes sont les autres - « ceux-là ! ».

J’exagère à dessein nos travers et nos lubies. Mais n’est-ce pas ainsi que nous souhaiterions notre Congo ? Tout et son contraire à la fois ? Marqué du sceau de notre seule intelligence, la seule à même de nous sortir des difficultés dans lesquelles « les autres » - forcément - nous ont plongés ? Pourquoi donc n’y arrivent-ils pas, « eux » ? Y’a qu’à !

J’ai constaté les tiraillements contradictoires des ambitions légitimes des Congolais, dans tous les camps. Les uns veulent une route, les autres pas du tout, ou pas là. On décide à la hâte de bâtir un aéroport, et ce n’est plus la hâte qui est blâmée, mais l’intention, la situation géographique.

On a peine à voir se dessiner un projet qui pourra servir un jour au Congo dans la plénitude de ses 342.000 kilomètres carré. Il n’y en a que pour eux ; et rien pour nous !

Bien sûr, je ne suis pas naïf au point d’ignorer les pesanteurs ethniques qui freinent la construction de la route nationale N°1, de Brazzaville à Pointe-Noire. Ni les prétextes qui vouent aux gémonies l’ancienne route de Kinkala ; qui justifient que le tronçon de Brazzaville-Mayama en soit à sa troisième pose de première pierre. Tout comme le barrage de Sounda, près de Pointe-Noire. Mais aussi le tronçon Owando-Makoua… ou le pont sur le Congo !

Mais la lecture partisane est devenue telle que désormais plus rien n’est congolais ; tout est à l’ethnie ou contre elle. Car, quand un Congolais dit : « Y’a qu’à », il veut surtout dire, y’a qu’à faire tout pour mon ethnie, et rien pour la nation. Et malheureusement, nos politiques - je le disais la semaine dernière - ne font pas l’effort de nous détromper. Leurs décisions, au pouvoir ou dans l’opposition, ignorent le bien commun et privilégient les trompettes partisanes. On ne sortira pas demain de ce qui n’est même pas une auberge.

Benda Bika.

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