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Sagacités

La franco-congolaise Arianne fait décoller la salle du Black Box à Nice

Le public du quartier Pont Michel de Nice n’a pas regretté d’avoir fait le déplacement malgré la crise sanitaire dont le spectre du variant Delta menace l’horizon. Cela ne pouvait pas en être autrement car ce serait sans compter sur la théorie que la musique est la meilleure défense prophylactique jamais créée par Dieu.

« Quand Arianne interprète le titre Nguya na ngai de Rebecca Mbougou à la Black Box Experience de Nice, une chanson hommage à la femme, aux femmes congolaises victimes de toutes sortes d’exactions lors des conflits armés, ce sont tous les mânes des ancêtres qui l’entourent, à commencer par Ma Ngunga, mama Kongo ! »

Lina Badila, la mère, ne peut pas mieux résumer la mystique que les spectateurs du Black Box à Nice (Pasteur) ont vécue jeudi 8 juillet 2021.

Ce mercredi, dans cet espace culturel, s’est dégagé un je ne sais quoi d’écologique qui était propice la transe magique (Mpevé a longo), ce substrat qui agita les premiers chrétiens de Jérusalem à Pentecôte.
C’est ça l’impact des sons sur les corps et les esprits quand la musique est belle.

Le lieu, Black Box Expérience, est une sorte de Zénith local qui passe pour le tabernacle de la culture urbaine dans ce quartier niçois situé à la périphérie des lieux de spectacle officiels. Depuis l’implantation de Black Box à Pasteur, a émergé alors dans cette petite banlieue un esprit créatif qui mérite d’être encouragé par une bonne politique de la ville.

Contexte

Ils étaient onze danseurs et chanteurs sur scène, filles et garçons, onze stars accompagnées d’excellents instrumentistes qui ont réalisé l’exploit de préparer ce long et dense spectacle en un temps record. En effet la crise sanitaire a eu raison de certaines séances de répétition. Ce qui n’a pas laissé paraître pour autant ce goût d’inachevé que généralement les organisateurs redoutent. Aux âmes bien nées la valeur transcende les contraintes épidémiologiques.

Arianne

Sans mésestimer les prestations des autres intervenants (puisqu’il s’agit d’un travail de groupe) en anglais ou en français, on ne peut ne pas souligner l’originalité d’Arianne, 17 ans, née à Nice, de parents congolais. La dictature de l’anglais dans le hip hop est indéniable. Alors la jeune artiste a eu l’idée géniale de reprendre en lingala une composition de Rebecca Mboungou, chanteuse franco-congolaise issue de l’univers Walla Players (Nzongo-Soul) dans laquelle baigna sa mère en tant que danseuse. L’effet d’Arianne a été sans appel comme l’indiquent les cris d’adhésion qui envahissent la salle.

« Comprends-tu ce que tu as chanté ? » ; « Oui bien sûr » nous a rassuré Arianne, tordant, du coup, le cou au cliché selon lequel les afro-descendants qui ne parlent que français n’entendent pas les langues africaines. C’est ici l’occasion de rappeler que la langue, ce n’est pas le son mais le sang qui coule dans les veines.

Quant à la chorégraphie, Arianne qui a toujours dansé depuis l’âge de cinq ans, est l’usufruitière d’un capital symbolique hérité de l’immense écosystème kongo qui fonctionne dans l’inconscient collectif de l’humanité depuis la nuit des temps.

Black Magic

Coup de chapeau au trompettiste Fred d’Oelsmitz dont les rifs à la Louis Armstrong ont su réveiller les mythèmes bantou enfouis dans le subconscient de chaque danseur, à plus forte raison quand le sujet a des origines noires. C’est le cas de Paolo, excellent chanteur, qui est entré en scène dans une danse de dos endiablé pendant la performance d’Arianne. Vous auriez dit un athlète d’ekongo folklore kouyou exécutant une danse initiatique. Le slogan « la musique dans la peau » est légitimement fondé quand on assiste à cette typologie chorégraphique que nous a montré le duo Arianne- Paolo.

Après une production harmonique conventionnelle, les musiciens, saisis par un égrégore connu des Dieux, ont dépaysé la scène en transitant vers les percussions sud-africaines. Ce n’était pas sans rappeler Johnny Clegg le Zoulou Blanc.

« Que les tam-tam parlent ! » aurait, pour sa part, dit Doudou Ndiaye le maître Sénégalais des percussions mandingues s’il était sur scène. De toute manière Arianne avait décollé comme une fusée à la conquête de la cosmogonie bantou.

Musicos

Voici les noms des musiciens qui ont porté cet opéra noir en deux mouvements : David Giacobetti à la basse, Leo Giannola à la guitare, Lionel Turgo à la batterie, Fred, deuxième guitare, Alex troisième guitare.

Le hasard n’est pour rien dans ce triomphe. Arianne travaille d’arrache-pied. Elle fait partie d’un groupe de danse aguerri aux compétitions à travers la France, voire l’Europe. Le nom de la troupe : Mata Girls. Ceci explique cela.

Thierry Oko

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