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Ndéké luka

Sassou le pigeon voyageur

Bâtisseur infatigable, Sassou est aussi un voyageur infatigable, un globe trotter intrépide qui ne craint pas le mal de l’air. Intenable pigeon voyageur, à peine le cul posé à Brazzaville, l’oiseau s’envole aussitôt pour Dakar pour parler de l’eau alors que la veille il était à l’ONU se ranger aux côtés de la Russie, ensuite à Oyo se prélasser dans l’atmosphère rurale bienfaisante, à Kinshasa célébrer un anniversaire, Pointe-Noire se recueillir devant une dépouille.

Commis-voyageur de l’inutile, ses éternelles pérégrinations ne rapportent rien au Trésor Public congolais.

Au contraire ce tourisme tout azimut par les airs souffle les caisses de la République en contribuant, au passage, à déchaîner la pollution écologique de la planète.

Cet homme vit littéralement dans les airs. « Space-man » ne semble pas redouter l’aérodromphobie (le stress du mal de l’air) aidé pour cela par ses anciennes compétences de parachutiste (béret rouge).

LES PRESIDENTS QUI AIMENT VOLER

A la décharge de Sassou, « Jeune Afrique », place le Sénégalais Macky Sall en 2016 comme le plus grand pigeon voyageur des Présidents africains. Mais Sassou ne possède pas d’aéronef personnel. Il les loue.
Feu son homologue, Idriss Déby, un autre maniaque des voyages, possédait 2 Boeings 737 et 767, un Hawker et un ATR-24. Selon « Jeune Afrique » en 2016, Idriss Déby, Jacob Zuma et Paul Kagamé détenaient le record des chefs d’Etats les plus atteints par le virus des voyages à l’étranger, le syndrome de la bougeotte.

En revanche Sassou loue ses avions. A des prix qu’on imagine ahurissants.

Quant au chef d’Etat le plus casanier (en 2016) c’est le Camerounais Paul Biya sur le compte duquel on n’a pas mis les nombreux voyages en Suisse sa « seconde nation. » En vérité « Popaul » a aussi la bougeotte. Sauf qu’il change rarement de destination.

En son temps, Joseph Kabila passait pour le chef de l’Etat qui s’éloignait très peu de son pays la RDC qu’il surveillait comme le « lait sur le feu. » Qui part à la chasse perd sa place. Beaucoup de potentats connaissent ce proverbe.

En 2016, soit neuf ans après le coup d’état de 1997, Sassou ne totalisa que 11 visites à l’étranger. Etant donné la tension palpable dans l’air après le putsch, Sassou devait également d’abord surveiller son pays comme une casserole de lait sur le feu.

VILLAGEOIS

Les statistiques de Jeune Afrique, ne couvrent pas la fourchette 2016-2022, quand le tyran congolais parvient, après avoir laminé l’opposition, à sécuriser son pouvoir et se permettre des virées intercontinentales à sa guise. Les chiffres de Jeune Afrique sont calculés sans compter les voyages intérieurs du dictateur congolais vers son village natal Oyo où il effectue un ballet d’hélicos hebdomadaire. Né au village, visiblement Sassou ne supporte pas l’air de Brazzaville. Il a tellement le feu au cul que lorsqu’il atterrit à Brazzaville c’est pour aussitôt foncer sur Oyo, nouvelle capitale du Chemin d’avenir.

L’oiseau n’a pas vraiment tort de se défier de la capitale, Brazzaville. Figurez-vous que le 4 mars 2012, l’un des des rares moments où il posa ses pattes dans les parages, il faillit y laisser ses plumes. Ses adversaires le loupèrent de justesse à Mpila lorsque le camp militaire de l’ECCRAMU crama.

« Je suis foutu ! » dit l’homme du 5 juin et du 18 mars lorsque les premiers obus explosèrent ce dimanche 4 mars 2012 à 10h30 du matin alors qu’il s’apprêtait à faire une partie de tennis. Mais il eut la vie sauve. Brazzaville est un terrain glissant pour les Présidents autoproclamés.
Ce triste 4 mars 2012, après un bref retrait tactique à Oyo en hélicoptère piloté (rappelons-le) par des Ukrainiens qui aujourd’hui se font bombarder par les cousins russes, il remit rapidement le cap sur Brazzaville autour de 16 h. En compagnie de sa fille Claudia et de Zacharie Bowawo, ministre des Armées, il se donna tout de même la peine d’aller consoler les blessés dans les rares hôpitaux de la ville. « Je l’ai échappé belle » devait-il se dire devant les blessures atroces des victimes du camp militaire de Mpila.

A compter de l’année 2015, le nombre de voyages à l’étranger de Sassou s’envole. Il passe systématiquement ses vacances à Marbella en Espagne. Comme un mythe errant, on aperçoit sa physionomie partout où on ne l’attend pas alors que les opposants l’attendent partout où il ne se rend pas. Notamment dans les boulevards parisiens, entre les palaces du 16ème et son hôtel particulier du Vésinet.

« A quel moment prend-il le temps de bosser votre Président ? » ironisent les mauvaises langues.

Tous les forums, symposiums, congrès, sommets, pourparlers, rencontres, assises qui se déroulent dans le monde sont un juteux gâteau dont Sassou ne rate jamais une miette. Soit il est invité, soit il s’invite. Souvent dans l’indifférence des hôtes. Ce fut le cas lors de l’investiture de Donald Trump.

Sa gourmandise des voyages risque de le perdre un jour.

MACRON AUSSI VOLE

Sur 365 jours de l’année, 90 % du temps de Sassou est passé entre deux avions. Ce qui fait de lui, le Président du monde le plus présent sur les tarmacs des aéroports. Ses ministres, le corps diplomatique, tous ces officiels occupent 40 % de leurs horaires à faire les pieds de grue dans les haie d’honneur à Maya-Maya.

Il aura beau jeu de prendre exemple sur Emmanuel Macron. Le Président de ka France souffre aussi de la bougeotte.

Selon une note de l’Elysée : « Depuis le début de son quinquennat, Emmanuel Macron se montre très présent sur la scène internationale. Selon notre décompte, il a passé 78 jours à l’étranger et parcouru 201.000 kilomètres, soit 5 fois la circonférence de la planète. En tout, il a visité 31 pays différents, le tout en treize mois de pouvoir. »
Un record.
« Emmanuel Macron a opéré un véritable tour de monde depuis son élection il y a 13 mois. En une cinquantaine de voyages, le président français a parcouru au total 201.000 kilomètres et visité 31 pays différents. »

HEUREUX QUI COMME ULYSSE

Lorsque Théophile Obenga écrira l’Odyssée de son maître, il pourra plagier Homère de l’Illiade. Sauf que lorsque Ulysse revient de ses voyages, sa femme Pénélope est menacée d’être récupérée par ses adversaires. Ulysse les tuera. C’est l’allégorie du pouvoir récupéré dans un bain de sang après la traversée du désert de 1992 par Sassou.
Mais notre « Ulysse moderne du farniente » ne tire aucun enseignement de ses voyages qui chez lui sont loin de former l’esprit.

Voyager est une valeur-ajoutée. Quand on voyage, on vole dans les airs. Mais on voyage aussi pour aller voler le savoir chez les autres.

Lorsque les Grecs de l’antiquité voyageaient en Egypte c’était pour voler le feu de Prométhée, c’est-à-dire la connaissance des Pharaons. Athènes, ensuite Rome devinrent des quartiers du logos grâce a l’esprit de voyage qui habitait leurs célèbres citoyens. Les Phéniciens inventèrent l’écriture après avoir squatté les niches du savoir égyptien.

A quoi s’attendre des voyages de Sassou ? Sûrement pas qu’il nous ramène le feu
de la connaissance. Qu’on ne s’imagine pas que le génie de l’intelligence qui frappa Pythagore, Thalles, se saisisse du commis-voyageur de Tsambi-Tso pourtant qualifié d’intelligent quand il s’agit de conserver le pouvoir contre vents et marées. Le florentin de l’Alima tient ses capacités de stratège politique plus de sa froideur reptilienne que de ses séjours à l’étranger.

La chouette de Minerve prend son vol à la tombée de la nuit. Si un jour l’oiseau aura cessé son vol, c’est sans doute parce qu’une flèche au cyanure aura atteint son flanc là haut dans les airs. Entendez : un obus aura pulvérisé son appareil volant imitant oiseau naturel.

C’est arrivé à un autre faucon rapace avant lui : Habyarimana.

Lambert Ekirangandzo

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