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Barbaries

Tortures policières au marteau à Brazzaville

Une scène de torture atroce a glacé le sang des Congolais. Les auteurs de la torture ont filmé leur forfait.

Nous sommes au mois de décembre, à la fin de l’année 2021, à Brazzaville.

Et Tyson brisa les jambes du brigand à l’aide d’un marteau. Les coups de masse sur les membres d’un prisonnier ont fait le tour des réseaux sociaux au point d’émouvoir le procureur militaire de la République, André Oko Ngakala et la direction générale de la police, deux acteurs d’ordinaire insensibles aux tortures des Congolais.

Cette fois-ci selon le journal Le Troubadour, les tortionnaires n’ont pas bénéficié de l’impunité. Il leur est reproché d’avoir fait subir de rares atrocités à des jeunes congolais qui ont entrepris, semble-t-il, de vouloir démolir l’une des rares réalisations de Sassou en quarante ans de règne : une voie sur berge. Le prix de l’ouvrage : « L’édifice long de 6 865 m a été livré le 30 août 2015, il a coûté plus de 106,407 milliards FCFA au contribuable congolais. »

D’après une ONG des Droits de l’homme, les présumés vandales torturés seraient de paisibles vendeurs ambulants injustement pris dans les filets de la police. Ce type de méprise est très courant à Brazzaville.

L’HOMME AU MARTEAU

On voit, dans le film mettant en scène la torture, des individus à terre, en train d’être suppliciés. Ils hurlent de douleur, tandis qu’un policier en furie s’acharne sur l’un d’eux à l’aide d’un objet contondant. Depuis le 18 mars 1977, depuis l’assassinat de Marien Ngouabi, le marteau semble faire partie des instruments de torture au Congo. Dans l’horrible vidéo de Ngamakosso, dans un moment d’humanité, l’homme au marteau fait mine de s’arrêter de fracasser la jambe de sa victime. Mais immédiatement saisi par une nouvelle vague de pulsions, le cogneur à la masse se remet à l’ouvrage. Il cogne inlassablement. Sa victime répond par des cris douloureux qui feraient pitié à Satan en personne. Mais pas au tortionnaire dont on aurait aimé que le zèle à combattre le sabotage soit également déployé contre des kleptomanes comme Jean-Jacques Bouya qui ont mis le Congo par terre.

« Ame sensible s’abstenir » aurait du mentionner en légende l’auteur de la vidéo infâme de Makabandilu car l’insoutenable cruauté de l’homme y est manifeste.

Scène du crime

La scène se passe au pied des piliers de la nouvelle corniche nord de Brazzaville. Dieu seul sait comment le flagrant délit est constitué. Car les « Bébés Noirs » (bande de jeunes armés de machette) qui sévissent dans le secteur ne sont jamais arrêtés quand bien-même ils agissent en plein jour et à visage découvert. Il reste qu’une semaine auparavant, de présumés vandales se seraient attaqués aux piliers sur lesquels repose la voie sur berge reliant Talangai à Kintelé. Les flics de Jean-François Ndenget (général de police) qui peuvent remercier leur Dieu ont donc fini par mettre la main sur les bandits ce 5 janvier 2022. Deux poids, deux mesures ?

Faisant justice eux-mêmes, la scène du châtiment est filmée par les flics.

Mais combien de moments de torture non capturés par des cameras resteront lettre morte dans ces quartiers nord de la ville comme par exemple ceux qui se sont déroulés au « commissariat de Chacona » ou au « commissariat de Kibéliba » à Mikalou ou encore au célèbre commissariat de Ouenzé-Mazanza où on déplora des décès dus aux sévices policiers ? Ne parlons pas des Disparus du Beach qu’on soupçonne d’avoir été enfermés dans des containers puis jetés à l’eau. Personne ne saura les circonstances de leur triste sort.

LES SEPT MERCENAIRES

Voici les noms des gredins qui se sont érigés en auto-justiciers des faubourgs sous le viaduc de Ngamakosso -Makabandilou - Kintélé : Ngakiéni Thadet, Gandou Charel, Modier Color Tyson, Makélé Eric, Nzaba Ronel, Bakala Ngazani, Samba Hugues.

Sept nervis dont quatre policiers, trois civils déguisés en policiers. En vérité, en fait d’homme de lois, il s’agit d’un ramassis de faux policiers mais vrais miliciens cobras dont la présence dans la police régulière n’étonne que les naïfs plus de vingt ans après le coup d’état du 5 juin 1997 et la guerre civile de trois mois qui s’en était suivie.

Tyson a dû s’inspirer dans la Bible de la scène où un soldat romain fracasse les jambes de notre Seigneur Jésus sur la croix. « L’acte atroce du légionnaire et le coup de lance sur le flanc de Jésus seront le coup de grâce fait à Jésus » nous apprend La Bible.

MON PARQUET

Modier Color alias Tyson, et ses compères font profil bas devant le procureur de la République, André Oko Ngakala, au meilleur de sa forme et ayant fait du Palais de Justice son domicile personnel. « C’est mon Parquet » aime répéter ce colonel de l’armée André Oko Ngakala ayant appris le Droit à Cuba.

Dans un Etat où les Droits de l’homme, de la femme et des prisonniers sont allègrement violés, la diligence de la Justice étonne dans l’affaire des tortionnaires de Ngamakosso. D’inique quelle est toujours demeurée, la Justice serait-elle devenue soudain sympathique ? A quoi est due cette métamorphose du Congo en un Etat de Droit ? Il y a peut-être espoir de voir les deux prisonniers politiques, Jean-Marie Michel Mokoko et André Okombi Salissa, recouvrer la liberté un de ces quatre...

Et pourtant les ripoux de la corniche de Ngamakosso pourraient être considérés dans une logique absurde comme de bons élèves dans l’échelle de valeur de François Ndenguet. Le postulat est qu’un bon flic est un flic con, bête et méchant. Aussi que reproche-t-on aux tortionnaire de Makabandilu alors qu’ils n’ont agi que selon le mode opératoire de la police congolaise comme au Commissariat de Chacona, comme dans l’affaire des « Disparus du Beach » en 1997 ?

LUTTE DE POUVOIR

Nous sommes la veille d’un coup fourré de Sassou : le changement de Constitution à l’occasion duquel le vieux tyran veut donner la direction du pays à son rejeton Kiki le pétrolier. S’est enclenchée alors une guerre larvée au sein du clan où les Mbochi stricto sensu ne veulent pas voir « Kiki le Zaïrois » devenir Khalife à la place du Khalife.

Donc, il faut créer l’incident. Comment ? En provoquant une catastrophe nationale dans les quartiers nord. Par exemple l’effondrement du viaduc dont les piliers en béton armé seront sapés à leur base. Suite au cataclysme digne de Voungouti ou du DC10 les anti-Kiki espèrent un soulèvement populaire du peuple des quartiers nord qui mettrait à mal le plan de Sassou de succéder à lui-même en installant son fils sur le trône devenu, entre-temps, vice-président grâce à la révision constitutionnelle que le père appelle de tous ses vœux..

ARTISTES MUSICIENS
Des artistes musiciens engagés dénoncèrent les violations des Droits de l’homme au Congo, notamment les tortures au marteau commises sur des jeunes désœuvrés des quartiers Nord.
Dans un titre particulièrement virulents, Bassanza Yannick Paul alias Mille Mémoires interpella le régime autoritaire de Brazzaville. Mal lui en prit. Mille Mémoire n’était pas à son coup d’essai. Dans ses chansons il critiquait inlassablement la gestion économique du pays. Le général Jean-François Ndenguet, chef de la Police accusa l’artiste d’être de connivence avec les présumés saboteurs de la corniche de Ngamakosso sous prétexte que sa soeur était mariée dans cet arrondissement . Or lui, réside dans le quartiers Sud de la ville. Bassanza Yannick Paul alias Mille Mémoires reçut plusieurs visites de Bébés Noirs à son domicile.
La vie d’artiste expose à de nombreux risques à Brazzaville.

Le Congo dirigé de mains de fer par Denis Sassou Nguesso vaut bien le sacrifice d’un ouvrage (la corniche) dont le coût fut jugé, en son temps, scandaleusement exorbitant. Le problème est qu’en torturant des jeunes innocents, le régime a établi un pont entre la raison d’Etat et l’irrationnel. Les disparitions forcés des gens et autres procès extra-judiciaires doivent interpeller l’opinion internationale et les Organisations de défense des Droits de l’homme.

Thierry Oko

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