Après une trêve de trois jours, l’affaire des disparus du Beach de Brazzaville a refait surface ce 17 août au tribunal de grande instance de Brazzaville. En cette dernière séance, un important dispositif de sécurité a été déployé au tour du palais de justice de la capitale du Congo.

Radio et Télé Congo ont certainement réalisé leur meilleure audience depuis la retransmission en direct de la conférence nationale souveraine en 1992.

Dès 13 heures, tous les services administratifs publics étaient fermés. De même que certains commerces, craignant le pillage de leurs marchandises, suite à un éventuel verdict défavorable pour les officiers de l’armée et de la police inculpés dans cette affaire et dont les écuries menaçaient de recourir aux armes en cas de condamnation de leurs leaders.

Malgré les rumeurs persistantes, courant depuis ce 14 août et faisant état de l’acquittement des accusés du dossier des disparus du Beach et dont les honoraires des avocats seraient pris en charge par le gouvernement congolais, téméraires, les Brazzavillois n’en ont pas tenu compte. Agglutinés devant leur poste téléviseur, ils attendaient le verdict. En grappe autour d’un transistor, ils s’impatientaient d’écouter de leurs propres oreilles la sentence de la bouche du juge chargé de cette affaire sur les disparus du Beach.

Les trois sons cloches retentissent dans le prétoire, lequel était plein à craquer. La cour est annoncée. Son président, pour la première fois depuis le début de cette session criminelle, arbore un chapeau, celui des grandes cérémonies. Un silence minéral règne dans le tribunal. Il est 15h50min.

Avant de vider le délibéré de l’affaire du jour, le juge de ce dossier, M. Charles Emile Apesse appelle à l’observation d’une minute de silence, en hommage à M. Dieudonné Kimbémbé, ancien ministre de la justice, décédé en France courant le mois de juillet de cette année.

Quand tous les accusés se sont présentés devant la barre, le juge fait un rappel de toutes les séquences de cette affaire, depuis le 19juillet, date de la première audience, jusqu’au 13 août, le jour des répliques des avocats, aussi bien des parties civiles que des accusés, et du ministère public.

Il continue son délibéré en déclarant que sur les trois points juridiques débattus -génocide, crimes de guerre, crimes contre l’humanité- par la cour, à la majorité de 7 voies au moins, tous les 15 prévenus de l’affaire des disparus du Beach sont déclarés non coupables des faits qui leur sont reprochés et par conséquent sont libres et acquittés des charges qui pèsent sur eux, en précisant qu’il a manqué de preuves pour reconstituer la chaîne de commandement et établir la responsabilité des accusés dans ces disparitions.

Cette décharge, faite individuellement par accusé, est suivie chaque fois de cris de joie dans le prétoire, signe de satisfaction des personnes proches de l’accusé acquitté.

Le juge, après une suspension d’audience de 10 minutes, a ajouté qu’aucun des accusés ne pourrait plus jamais être poursuivi dand le cadre de cette affaire, quelqu’en soit sa nouvelle dénomination.

Le juge, à la fin la lecture de son arrêt qui a duré un peu plus de 90 minutes, a imputé la charge civile de ces disparitions à l’Etat congolais, qui en cette période de guerre, n’a pas été en mesure d’assurer la sécurité des rapatriés congolais qui répondaient à son appel. Celui-ci doit indemniser à hauteur de 10 millions de FCFA les ayants droits de chaque disparu dont le nom se trouve sur les manifestes de traversée établis par le HCR.

Un délai de trois jours est accordé aux parties civiles afin de se pourvoir en cassation.

La clôture de cette session criminelle, qui avait commencé le 6 juin 2005, selon le juge principal, a été annoncé à 17h43min après que la parole soit remise tour à tour au procureur général, Armand Mbémba, à Me Félix Nkouka de la partie civile et au bâtonnier national, et à Me Pétro pour le compte de la défense.

La déception causée par l’annonce de ce verdict est grande au sein de la population. Celle-ci croyait à une justice équitable, en considérant le déroulement du procès. Par contre, il y a eu, dans la soirée, des défilés de véhicules de militaires sur les avenues de Brazzaville pour fêter la victoire des officiers de l’armée.

Il y a eu à l’issue de ce procès, non seulement acquittement, mais aussi cette absolution a définitivement enterré cette affaire, car dans son arrêt la cour a souligné qu’aucune poursuite ne devrait plus se faire à l’encontre des nouveaux acquittés dans le cadre du dossier des disparus du Beach.

Au Congo, le ridicule ne tue pas.

Keila Samuel,
Brazzaville, le 18 août 2005