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Congo, le naufrage de la République

par Paul & Mick

En octobre de cette année cela fera dix ans que Denis Sassou Nguesso chassait Pascal Lissouba de la présidence congolaise. En 2002, il était plébiscité à la Présidence de la République, dans une élection qui excluait une partie de la population ainsi que l’opposition en exil.
Un référendum préalable sur l’approbation par le peuple d’une nouvelle constitution légitima cette élection.

Le violent retour au pouvoir de celui qui avait mené, treize années durant, le pays d’une main de fer avant d’en être écarté par des voies électives, laissa espérer certains en la résurrection du socialisme congolais. Mais le pays est exsangue, Brazzaville et les principales villes du Niboland et du Pool ont terriblement souffert des combats, les campagnes se sont désertées et ne sont plus à même de fournir de la nourriture à la population citadine dont la démographie a explosé.

Jusqu’alors, on imputait les malheurs du Congo aux stigmates de la colonisation. Désormais ce sont Lissouba, le Pool (les lari) et la guerre qui portent le chapeau.

Les aides humanitaires gratuites détournées sont en vente sur les marchés permettant la constitution de fonds pour la mise en place de filières mafieuses d’importation de produits alimentaires et de première nécessité. Des fortunes se constituent à grande vitesse, dans lesquelles on retrouve de nombreux proches du pouvoir.

Sassou n’est pas revenu seul, pour parvenir à ses fins il a du nouer des alliances, certaines publiques, d’autres occultes. Il a été forcé de prendre des engagements auprès de ses partenaires. Untel, directeur d’entreprise, a financé des achats d’armes, son entreprise deviendra leader local de son secteur, tel autre obtiendra un ministère ou une préfecture... Sassou, comme les suzerains du temps jadis, hypothèque une part de son pouvoir au bénéfice de ses vassaux. Ceux-ci, seigneurs de la guerre pour la plupart, jouissent d’une impunité totale. Les idées socialistes sont oubliées, l’Etat providence est mort nous dit-on. C’est vrai au point que les employés, pléthoriques, de la fonction publique ne perçoivent plus leurs salaires. Pour survivre ils sont contraints au racket des administrés. Les douaniers, opportunistes, roulent en voitures de luxe et se construisent des palais.

Les avoirs de l’Etat sont bradés, après des décennies de centralisme, le temps est venu pour les privatisations. Les possessions les plus lucratives de la nation comme la SNPC, sont morcelées et cédées à des sociétés du secteur privé dans lesquelles des membres du premier cercle de la Présidence ne peuvent manquer d’être partie prenante. Insatiables Denis Sassou Nguesso, madame Antoinette Sassou Nguesso, madame Edith Bongo (née Sassou) et leur cour sont devenus les premiers propriétaires fonciers et industriels privés du pays.

Le boom du prix du pétrole devrait booster l’économie congolaise, elle ne fait qu’engraisser les comptes en banque de certains privilégiés. De cette manne, le congolais de base ne verra rien.

Sassou tente de soigner son image face à l’opinion publique internationale en organisant de nombreux colloques, congrès et manifestations sportives. Il se fait élire à la présidence de l’Union Africaine, mandat durant lequel la presse officielle fera ses choux gras tandis que l’histoire ne pourra rien en retenir.

Afin de juguler l’opposition, une loi électorale drastique est publiée. Désormais tous les partis politiques, y compris ceux qui hier encore demandaient le départ de Sassou, se réclament de la « Nouvelle Espérance » et font l’apologie de son chef. Le débat au Congo n’est plus de savoir qui peut-être président, mais quelle tendance se verra offrir la plus grosse part du gâteau. Les discours sont interchangeables, tous dithyrambes à la gloire du Président. Aucune réalisation, si petite soit elle, n’est inaugurée sans que les hommages les plus élogieux soient rendus au chef de l’Etat.

Sassou a tué la République congolaise en instaurant une

situation monarchique. Le peuple congolais ne réchappe pas au naufrage. Tiers Etat toujours réduit au silence, il laisse monter en lui une tension inconnue jusqu’à ce jour. Jamais on n’a entendu ici, l’homme de la rue clamer sa désillusion et son amertume comme il le fait aujourd’hui.

Il n’est pas de sauveur suprême
Ni Dieu, ni César, ni tribun
Producteurs sauvons nous nous-mêmes
Décrétons le salut commun
S’ils s’obstinent ces cannibales
A faire de nous des héros
Ils sauront bientôt que nos balles
Sont pour nos propres généraux
Eugène Potier
« L’Internationale »

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