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Les tropiques sur la neige

Le skieur Congolais, Sorel Kembé, participe aux jeux d’hiver de Turin dans l’épreuve du slalom géant

Après l’escrime, l’athlète congolo/hongrois, Sorel Kembé, va s’attaquer à la poudreuse aux jeux d’hiver à Turin (Italie) du 10 au 24 février 2006. Mais avant ce challenge, ce sportif de génie devra d’abord slalomer dans les méandres de l’administration congolaise qui prend son temps pour signer son accréditation.

Par Joscéf Kadiàsrian, envoyé spécial

Une tache noire sur la glace : le skieur Congolais participe aux jeux d’hiver de Turin dans l’épreuve du slalom géant

Décidément ! Jusqu’où va-t-il aller ! Quand va-t-il s’arrêter ! Où puise-t-il toute cette énergie ! Comment fait-il pour trouver toutes ces ressources pour mener et relever de tels défis ? Sorel Kembé « La tulipe noire » le champion d’Afrique d’escrime 2004 à Tunis et candidat malheureux aux derniers championnats du monde d’escrime à Athènes, est en train de s’attaquer à un nouveau défi. Il veut relever le challenge d’être le premier sportif Congolais à chausser les skis et participer à l’épreuve mythique du slalom géant aux jeux d’hiver de Turin.

On se rappellera qu’un athlète sénégalais, Lamine Gueye, fut privé de jeux, en 2001, à Salt Lak City sous prétexte que dans son pays il n’y avait pas de neige !

Du 10 au 24 février 2006, vont s’ouvrir dans la capitale italienne les jeux d’hiver de Turin. Ce jour-là, Sorel Kembé va concourir sous les couleurs du Congo - Brazzaville. Un gag ? Il faut croire que non. Sorel Kembé n’est pas à son premier coup d’essai. En décembre 2003, après avoir remué ciel et terre, l’athlète a réussi avec l’appui du président du Comité Olympique et Sportif Congolais, Raymond Ibata, à créer la première Fédération Congolaise d’Escrime. (Voir photo en médaillon). Et pour la première fois dans l’histoire de ce pays, de près de 3 millions d’habitants, il décroche la timbale à Tunis. Sorel Kembé est sacré champion d’Afrique d’escrime. Un résultat qui qualifie d’office le Congo - Brazza aux jeux Olympiques d’Athènes où l’escrimeur défend avec brio, les couleurs du Congo. Après la pluie, le beau temps. L’adage se confirme. Ainsi, à l’issue de son passage aux derniers jeux d’Athènes, un documentaire lui a été consacré. En novembre 2004, une équipe de la chaîne privée hongroise l’accompagne au Congo pour réaliser la suite du documentaire. Durant son séjour le champion d’Afrique convainc le staff olympique Congolais de tenter une nouvelle aventure, celle de participer aux jeux d’hiver de Turin. La Fédération Congolaise de Ski voit le jour en décembre 2004. A sa tête, un amoureux du sport : le Colonel Albert Kaya. Même si le décret de création de la Fédération n’est pas encore publié au Journal Officiel, l’aventure peut commencer. ce n’est qu’un détail. Sorel Kembé n’en n’a cure. Il veut relever ce défi et inscrire, une nouvelle fois, le nom du Congo, non pas dans le Guiness - Book de l’insolite, mais dans une compétition internationale exclusivement réservée « aux pays riches » et à l’élite occidentale. Il faut croire qu’il en a les moyens !

En effet, depuis près d’un an, l’athlète multi - casquettes s’entraîne d’arrache-pied en Autriche pour préparer ce rendez-vous (1). Soutenu par ses sponsors qui ont saisi l’aubaine, ces derniers n’ont pas hésité à parrainer le sportif Congolais. Lorsqu’on sait que les athlètes africains sont catalogués pour être champions dans la course de fond et meilleurs dans le « Ndombolo » - une danse du ventre qu’affectionnent les africains du sud du Sahara - ces sponsors, eux, ne jurent que par Sorel Kembé. Ils croient aux chances de leur poulain.

Sorel Kembé croise également l’épée

A raison de 40 €/jour, la location des pistes d’entraînement des Alpes Autrichiennes les sponsors ne lésinent pas sur les moyens. Le skieur Congolais est au « petits soins ». Dans la petite station de ski où il s’entraîne, il est à la fois une curiosité et objet d’amiration de tous les médias internationaux qui n’ont d’yeux que pour lui. En Hongrie, où il réside, une chaîne de télévision privée a déjà le synopsis du nouveau documentaire - reportage qu’il va consacrer aux exploits « d’un africain dans la poudre blanche de Turin ». Ni ses chutes et encore moins ses sorties de pistes spectaculaires lors de ses entraînements ne sont scrutés, pour admirer sa technique mais, au contraire, pour saisir les réelles motivations de cet athlète hors du commun. On se croirait déjà en présence d’une star de passage à Courchevel, au regard de l’agitation qui se fait autour de lui. Sauf que, à quelques jours du début des compétitions, le skieur n’a pas encore reçu son accréditation pour participer à la compétition. Au grand dam de son encadrement. Si pareilles mésaventures venaient à se produire (que le skieur Congolais ne prenne pas part au départ du slalom géant du 10 février à Turin, par la faute d’une bureaucratie exotique qui aura omis de payer les frais et faire parvenir à temps les accréditations de l’athlète) ce sera un gâchis sans nom, des années de sacrifices vains.

Les sponsors, les plus lésés dans l’affaire (pour avoir misé gros) apprendront à leurs dépens la dure réalité des langueurs africaines. Comme il n’est pas interdit de rêver, gageons, encore une fois, que les autorités congolaises, fidèles à leurs habitudes, réagiront toujours à la dernière minute pour débloquer la situation à défaut de « sauver les meubles ». A moins de recourir à la tactique dite "Claude Le Roy". Pour y parvenir, il faudrait que le coach du skieur Congolais arrive à se procurer le numéro de portable du Chef de l’Etat Congolais pour lui envoyer un « S.O.S. » par « S.M.S » afin qu’il débloque la situation comme l’a fait Le Roy, le sélectionneur des Simba, l’équipe nationale de la RDC, qui s’était résolu à envoyer un « S.M.S » au Président Joseph Kabila pour lui demander de régler, à quelques heures du coup d’envoi d’un match important, l’épineuse question des primes des joueurs. L’adage est clair : "vaut mieux avoir affaire à Dieu qu’à ses Saints". La suite, on la connaît : "tout le monde il est beau, tout le monde il est content" et l’équipe des Simba a réussi à passer le premier tour de la Coupe d’Afrique des Nations au Caire en Egypte. Quant à Sorel Kembé, il attend toujours son accréditation.

Mais, à l’heure où le Congo - Brazzaville, pays d’où est originaire son père, connaît une embellie - somme toute timide - au niveau diplomatique et son Président élu par consensus pour un an à la tête de l’U.A. (l’Organisation qui regroupe tous les pays Africains) il n’est pas acquis que ce dernier décroche son portable pour répondre à un « S.M.S ». Pourtant, Sorel Kembé veut encore croire que la passion du sport l’emportera sur tout. Et, rien n’interdit d’espérer que Sorel remporte un trophée.

(1) Pour ceux qui comprennent l’Hongrois, ils peuvent cliquer sur les liens suivants pour suivre les exploits du skieur Congolais. Il s’agit de :

http://www.hirado.hu/cikk.php ?id=88993

(2) http://www.nol.hu/cikk/353803/

(3) http://www.nol.hu/cikk/382070/

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